LES AGOTS DE NAVARRE.
Un(e) cagot(e), dans le Sud-Ouest de la France, était aussi appelé agote, sur le versant Sud des Pyrénées, en Espagne. Il s'agissait de termes dépréciatifs qui désignaient des groupes d'habitants, exerçant des métiers du bois, ou du fer, frappés d'exclusion et de répulsion dans leurs villages, surtout au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, le 30 mai 1847 :
"Au commencement du seizième siècle, les Agots de la Navarre adressèrent au pape une requête pour se plaindre de ce que le clergé des localités où ils vivaient se dispensait à leur égard des cérémonies et solennités qu’il accomplissait pour les autres chrétiens, dans l’administration des sacrements, les offrandes, la paix et les places à l’église ; parce qu’on disait que leurs ancêtres avaient prêté secours à un comte Raimond de Toulouse, dans sa révolte contre la sainte Eglise romaine : ce qui les en avait fait séparer par le Saint-Père jusqu’à nouvel ordre. Ils suppliaient Sa Sainteté d’ordonner que, puisqu'ils n’avaient trempé en rien dans la conduite de leurs aïeux, ils fussent remis en possession de tout ce qu’on leur déniait. Le pape, par une bulle donnée à Rome le 13 mai 1515, ordonna de les traiter avec bienveillance et sur le même pied que les autres fidèles, dans le cas où leurs griefs seraient fondés, et il confia l’exécution de la bulle à Don Juan de Santa-Maria, chanoine et chantre de l’église de Pampelune.
Cet ecclésiastique procéda immédiatement à cette enquête ; il s'en occupait depuis deux ans, lorsque les Agots, perdant patience, ou pensant que l'intervention des états de Navarre ne pourrait qu’activer la solution de leur affaire, profitèrent de leur réunion en cortès générales, sous la présidence de don Antonio Manrrique, duc de Najera, vice-roi et capitaine-général du royaume, pour leur adresser une pétition. Elle trouva un antagoniste dans Caxarnaut, huissier du Conseil royal de Navarre, qui exposa que leur séparation d'avec les autres chrétiens n'avait rien de commun avec le comte Raimond de Toulouse et ne provenait pas de ce qu'ils eussent été schismatiques, mais qu'elle datait du prophète Elisée, c’est à savoir quand le prince Nahaman se rendit auprès de lui pour chercher la guérison de sa lèpre. Ledit prophète Elisée, ajoutait l’huissier, ayant recommandé audit Nahaman d’aller au fleuve Jourdain, et celui-ci y ayant, par la grâce de Dien, retrouvé la santé, le prince offrit des présents à celui auquel il la devait ; mais le saint homme refusa de les recevoir. Alors Giezy, serviteur du prophète, animé par une cupidité désordonnée, prit lesdits présents et richesses destinés à son maître : pour cela il fut maudit par le prophète, lui et toute sa postérité, qui n’est autre que les Agots : malédiction qui a toujours pesé et pèse sur eux, parce qu’ils restèrent lépreux à l'intérieur et damnés, comme l'expérience le démontre. A cette explication de l'origine des Cagots, Caxarnaut ajoute plusieurs imputations non moins absurdes, mais qui sont précieuses pour celui qui veut se rendre compte des préjugés dont ils étaient les victimes au quinzième siècle. La preuve, disait-il, que les Agots sont lépreux, infectés et maudits, c’est que même les herbes qu’ils foulent aux pieds se sèchent et perdent leur vertu naturelle ; les pommes ou tout autre fruit qu’ils placent dans leurs mains ou dans leur sein, se pourrissent à l’instant même ; sans compter que sur leurs personnes et dans leurs maisons ils sentent mauvais comme des individus contaminés d’une grave maladie.
LIVRE HISTOIRE DES CAGOTS PAR OSMIN RICAU |
Sans s’arrêter aux allégations de Caxarnaut, les Etats prirent en considération la pétition des Agots, et recommandèrent leur affaire au chantre et à l’archidiacre de Santa-Gema, par un acte en date du 16 octobre 1517. Le premier de ces dignitaires de la cathédrale de Pampelune mit encore deux ans à terminer son enquête ; enfin, ayant trouvé les plaintes des Agots fondées, et telles qu’ils les avaient exposées à Sa Sainteté, il ordonna d'obéir et de se conformer en tout à la bulle, sous peine pour les contrevenants des censures de l’Eglise et de 500 ducats d’amende. Le dispositif de l'ordonnance porte que les nommés Agots seront traités comme les autres indigènes en ce qui touche l'administration des sacrements et la présentation des offrandes ; que la paix leur sera donnée de la même manière, etc...
Cette sentence déclamatoire fut prononcée le 30 avril 1519, dans la cathédrale, afin qu’elle fût connue de tout le monde, et plus particulièrement des parties intéressées, qui avaient appelé des témoins à cette publication.
Les trois Etats généraux de Navarre se trouvant de nouveau réunis en Cortès, présidées au nom de LL. MM. la reine et l’empereur par le même Antonio Manrrique, la bulle et la sentence du juge-commissaire apostolique Santa-Maria leur furent présentées pour qu’ils voulussent bien en accorder exécution et leur donner force de loi, et le 15 novembre de l'an 1520, les cortès rendirent une ordonnance conforme à la requête.
Vexés et molestés, nonobstant la bulle et les arrêts dont il vient d’être fait mention ; les Agots eurent de nouveau recours à l’empereur Charles-Quint, pour être admis et traités, dans les églises comme ailleurs, sur le même pied que les autres habitants, et pour pouvoir jouir des honneurs et des avantages spirituels et temporels, suivant ce qui était spécifié dans ladite bulle et dans les arrêts obtenus eu vertu de cet acte.
L’empereur, après s’être fait rendre compte des faits, expédia une provision royale, datée de la ville de Vitoria, le 27 janvier 1524, et signée par son ordre de la main de son secrétaire, Francisco de los Quobos ; elle s’adressait au vice-roi et capitaine général, comte de Miranda, régent au Conseil royal, aux alcades de la Cour supérieure, aux municipalités, aux jurats et aux autres officiers du royaume, et leur enjoignait de voir lesdites bulles, sentences et déclarations apostoliques, de les observer, et d’y obéir, sous peine d’encourir la disgrâce royale, et 1 000 florins d’amende pour chaque contravention.
En possession de cette provision royale, les Agots présentèrent une requête afin d’obtenir qu’elle reçût son entière exécution, et le même vice-roi et capitaine-général comte de Miranda, après avoir pris l'avis du conseil, et vu les ordonnances ; les sentences et la requête, ordonna, le 27 juin de la même année 1524, que du moment que les adversaires des Agots seraient requis avec cette provision royale, ils eussent à se conformer et à obéir aux ordres de Sa Majesté, du juge ecclésiastique commissaire apostolique, et des trois états, en traitant les requérants avec bienveillance, sans leur faire injure ni tort dans leurs personnes, dans leurs biens ni dans quoi que ce fût, en les admettant, dans les églises et dehors, aux offices divins, et en les laissant jouir desdits honneurs et avantages spirituels et temporels, sous peine de mille ducats en cas de contravention.
BENITIER DES CAGOTS 65 ST SAVIN |
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