LA MI-CARÊME AUTREFOIS.
La Mi-Carême est un fête carnavalesque traditionnelle, d'origine française. Elle est fêtée le jour arrivant à la moitié du Carême, c'est-à-dire, selon la tradition chrétienne, au vingtième des quarante jours du jeûne avant Pâques.
C'est une pratique qui remonte au Moyen-Âge et se perpétue jusqu'au 19ème siècle aux Antilles, dans certains villages de France, ainsi que dans les anciennes colonies françaises comme au Québec.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue pour tous, le 23 février 1913, sous la plume de Paul-
Yves Sebillot :
"La Mi-Carême. Autrefois et Aujourd'hui.
L’origine de cette fête populaire est assez indécise, et les archéologues ne sont pas d'accord sur l’époque à laquelle elle remonte. Les uns vont même jusqu’à y voir la continuation ou l’adaptation d’une fête païenne des plus antiques. A Rome, aux ides de mars, à ces ides qui devaient, suivant la prédiction célèbre, être fatales à César, le bas-peuple de la ville et des quartiers de Suburre avaient coutume de se livrer, à une époque qui correspond à la mi-carême chrétienne, à de nombreuses libations. Le prétexte était d’honorer Anna Perenna, la déesse du printemps.
Quand vint le christianisme, l’Eglise permit, pour rendre plus supportable le jeûne du Carême, d’interrompre, pendant un jour, l’abstinence imposée aux fidèles. La mi-carême permettait ainsi de se divertir, après le calme qui avait succédé aux dernières fêtes du mardi-gras, où l’on célébrait un peu partout l’enterrement de Carême Prenant, ce personnage fabulaire au nom symbolique.
En outre, un usage de galante courtoisie s’était établi dans un certain nombre de petites villes, puis à Paris, et s’était enfin généralisé dans toute la France.
MI-CARÊME 1913 |
Les jeunes gens de chaque cité avaient coutume de donner, le mardi-gras, un bal aux jeunes filles du pays ; celles-ci les invitaient à leur tour à de nouvelles danses, le troisième jeudi de carême. A Paris, cette fête était surtout célébrée par les blanchisseuses qui nommaient, dès le moyen-âge, une reine, et improvisaient des bals dans les bateaux-lavoirs de la Seine.
A travers les siècles l’usage se perpétua. Le texte d’une gravure de Saint-Aubin, qui figure une blanchisseuse causant avec un maçon, relate ainsi comment au XVIIIe siècle, elles célébraient la fête :
"Les blanchisseuses, écrit-il, sont à peu près les seules artisanes qui se réunissent et forment à Paris une espèce de communauté ; elles célèbrent avec éclat, entre elles, à la mi-carême, une fête ; elles s’élisent ce jour-là une reine et lui donnent un écuyer; le maître des cérémonies, ordinairement, est un porteur d’eau. Le jour de la fête arrivé, la reine, soutenue par son écuyer, se rend dans le bateau (sic) où des ménétriers l’attendent ; on y danse et c’est elle qui ouvre le bal ; la danse dure jusqu’à cinq heures du soir ; les cavaliers font pour lors venir un carrosse de louage ; la reine y monte avec son écuyer, et toute la bande gaye (sic) suit à pied ; elle va, avec elle, dans une guinguette pour s’y réjouir toute la nuit."
En 1840, d’après l’ouvrage intitulé Les Industriels, la fête se célébrait encore d’une manière analogue :
"Le jour de la mi-carême, les bateaux se métamorphosent en salle de bal ; un cyprès orné de rubans est hissé sur le toit du flottant édifice ; c’est la fête des blanchisseuses. Chaque bateau élit une reine qui, payant en l’espèce l’honneur qu’on lui fait, met en réquisition rôtisseurs et ménétriers. Les blanchisseuses de la banlieue célèbrent aussi la mi-carême."
Huit ans auparavant, en 1832, la célébration de la fête coïncida avec l’apparition de la terrible épidémie du choléra qui ravagea Paris pendant cette année. La maladie frappa plus particulièrement ceux qui s’étaient livrés ce jour-là à de copieuses libations, dès le samedi les services municipaux avaient à enregistrer de nombreux décès.
Dans les provinces, récemment encore, de curieuses coutumes s’observaient le jour de la mi-carême. Aux environs de Chinon, les enfants allaient porter, en guise d’offrande à la fête, eu quelque sorte était personnifiée, de petites bottes de foin.
A leur retour au logis paternel, ils trouvaient des jouets ou des objets d’un usage utile ; c’était la Mi-Carême, transformée ainsi en mère-Noël, qui avait apporté ces présents pendant leur absence.
LES REINES DE LA MI-CARÊME |
De même, aux environs de Chartres, quiconque se rendait au pied de la pierre tournante d’Ymorville le jour de la mi-carême et y demeurait en tenant une poignée de foin à la main, voyait apparaître la Mi-Carême elle-même qui lui remettait, en échange du foin, un grand panier plein de harengs salés, provision fort utile pour la seconde moitié du jeûne religieux.
En Bretagne, la tradition est plus précise encore : les paysans assurent que, ce jour-là, on peut voir une belle femme traversant les airs et secouant dans son vol un cornet d’où s’échappent des friandises ; c’est Mme Mi-Carême. D’autres prétendent que c’est un grand cheval blanc tout couvert de morues qui passe sans cavalier et distribue à tous les chrétiens les poissons qu’il porte.
On mène aussi les enfants au pied des croix pour leur faire voir passer la Mi-Carême. Cette dame leur apportera des rubans et des bonbons et, comme elle est à cheval, pour la remercier, les petits apportent un peu de foin pour sa monture et le font brûler au pied de la croix. Cette coutume n’est-elle pas délicieusement naïve et charmante ?
En Belgique, de greef van Halfvasten, le comte de la Mi-Carême, distribuait aussi des jouets et des friandises aux enfants. Mais le seigneur belge, plus généreux que Mme Mi-Carême de France, n’exigeait pas de foin en échange de sa gentillesse. Seulement, il ne faisait pas de cadeaux, comme Noël, qu’aux petits enfants qui avaient été sages... sans toutefois laisser, à la place, des verges à leur intention.
De nos jours, à Paris, la fête se perpétue encore, plus que jamais agrémentée (?) de confettis. La reine des reines, des lavoirs et marchés traverse les rues de la capitale non plus dans un "carrosse de louage" mais sur un char triomphal, la tête couronnée, acclamée, saluée par la population. Son cortège se compose de nombreux chars, la circulation est interrompue sur son passage, des gardes municipaux ouvrent et ferment la marche du cortège, comme pour un véritable souverain. Cette gracieuse fille du peuple est traitée, pendant un jour, comme une véritable reine et reçue par le chef de l’Etat. Les journaux publient son portrait et celui de ses demoiselles d’honneur, et des reporters vont l’interviewer sur ses impressions et lui demandent le récit de sa vie modeste et laborieuse de chaque jour.
Enfin depuis quelques années des "reines" de nations amies viennent à Paris rendre visite aux "reines" de la Mi-Carême, et sont chaleureusement acclamées par tous les Parisiens."
REINES MI-CARÊME 1907 |
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