LA LANGUE BASQUE ET LE MAGYAR.
Il existe, depuis longtemps, de nombreuses hypothèses sur l'origine de la langue Basque.
Vers les années 1860, le prince Louis-Lucien Bonaparte, linguiste distingué, trouve des similitudes entre les langues finno-ougriennes, dont le Magyar et la langue Basque.
Voici ce rapporta à ce sujet Jules Vinson :
"Je me trouvais à la fête de Sare, en plein bays basque, il y a cinq ans déjà, et je parlais linguistique avec M. Antoine d'Abbadie à la générosité duquel cette fête doit tout son éclat. C'est à Sare en effet que se tient tous les ans le concours de poésie basque ; c'est là que l'heureux vainqueur reçoit le prix fondé par M. d'Abbadie, une somme de 80 fr., ainsi qu'un makhila (bâton national) argenté, offert au meilleur poète par M. Amédée de Laborde Noguez, d'Ustaritz. Tout en causant du progrès des études basques et de quelques publications récentes, nous en vînmes à remarquer que l'Allemagne avait donné aux travaux relatifs à la un très médiocre contingent. M. d'Abbadie se souvint alors que le savant euscarisant de Londres, le prince Louis-Lucien Bonaparte, lui avait parlé d'un mémoire en hongrois, paru il n'y avait pas longtemps à Pest. M. d'Abbadie ne connaissait pas ce mémoire et ne le possédait point dans sa riche bibliothèque.
Le prince Bonaparte, auquel je dois déjà beaucoup de renseignements précieux, voulut bien, sur ma demande, me donner le titre exact de ce travail. Mon ami Abel Hovelacque fit un voyage en Hongrie quelques mois après et se chargea de me procurer cette pièce rare et si peu connue. Un autre de nos amis Émile Picot, alors consul de France à Temesvàr, voulut bien s'en occuper lui- même ; il eut l'obligeance de se rendre à Pest, d'y chercher l'auteur du mémoire, M. Fr. Ribàry, et de lui exposer ma requête. Ce ne fut pas sans peine, paraît-il, qu'on parvint à réunir les deux livraisons du journal magyare où avaient été publiées les deux parties de ce travail ; la complaisance de mes amis triompha de tous les obstacles, et le 28 mai 1872 je recevais les deux brochures si impatiemment désirées.
Mais il fallait se rendre compte de la valeur de ce travail. Au premier abord, bien que je n'y comprisse absolument rien que les citations basques, il m'avait beaucoup plu par sa disposition méthodique : il me tardait de voir ce qu'il contenait, et le plus simple me parut de le traduire en français. Ce ne fut qu'une année après, le 15 juillet 1873, que je pus commencer cette traduction ; je la terminai le 26 août suivant. Le tamoul et le basque m'ont donné l'habitude des langues de la forme du hongrois ; aussi n'éprouvai-je point à traduire le mémoire de M. Ribary de difficulté sérieuse. Pendant l'été de 1874, je relus et révisai ma traduction qu'on m'avait proposé de faire imprimer. Je dus la revoir une troisième fois et me mettre en rapport avec l'auteur que j'avais besoin de consulter à propos de certains passages qui m'embarrassaient un peu. Le 10 novembre 1875, j'expédiai à Paris à mon ami Picot, qui a fait preuve en tout ceci d'une complaisance inépuisable, le manuscrit complet et mes notes complémentaires.
Je me suis permis en effet d'ajouter au texte de M. Ribàry d'assez nombreuses notes ; mais j'ai eu soin de les en distinguer soigneusement. Je n'ai conservé, au bas des pages, que les annotations mêmes de l'auteur ; quant à mes remarques, mes berichtigungen, elles sont indiquées par de gros chiffres qui renvoient à la fin du volume. Elles étaient d'ailleurs indispensables, et je les ai réduites au strict nécessaire ; bien des points touchés par M. Ribâry demandaient quelques explications supplémentaires ; il fallait indiquer des faits tout récemment découverts ; il était utile enfin de rectifier quelques erreurs et quelques inexactitudes. Ces erreurs et ces inexactitudes n'ont rien qui doive surprendre : elles sont toutes naturelles et l'on doit seulement s'étonner qu'elles n'aient pas été plus nombreuses. Quand on songe que M. Ribàry étudiait l'escuara très loin du pays basque, quand on se rend compte des documents qu'il a consultés, quand on voit quels mauvais livres il a pris pour guides, on demeure vraiment confondu des résultats qu'il a obtenus et le mérite de sa brochure en devient beaucoup plus considérable.
Elle présente en effet de remarquables qualités et respire un véritable esprit scientifique ; elle contient l'essai d'analyse le plus méthodique dont le verbe basque, ce sphinx redoutable de la linguistique moderne, ait encore été l'objet. C'est pourquoi j'ai cru devoir respecter d'une manière absolue le texte de l'auteur ; je ne l'ai "corrigé" nulle part. Je l'ai d'ailleurs traduit aussi littéralement que possible, dût la forme en souffrir quelque peu : je crois qu'une traduction ne doit jamais être tellement française qu'elle fasse oublier l'original, et j'estime qu'il faut faire sentir au lecteur que les propositions qui sont mises sous ses yeux ont été pensées dans une langue étrangère.
L'étude de M. Ribàry est d'autant plus digne d'éloges que ce n'est point l'œuvre d'un linguiste. M. R. en effet ne prétend point à ce titre ; il s'honore surtout d'être un historien et de professer l'histoire à l'Université de Pest. Ce n'est qu'en passant, m'écrit-il, qu'il s'est occupé de linguistique et principalement pour y chercher des données sur les affinités naturelles des peuples. En 1859, il a publié une étude sur la langue mordvine qu'il comparait au finnois et au hongrois; cette étude était précédée d'un essai historique sur la famille ougro-finnoise. C'est en lisant la brochure du prince Bonaparte : Langue basque et langue finnoise, que l'idée lui vint d'étudier le basque pour vérifier les conclusions de cette brochure ; mais ses études l'entraînèrent plus loin qu'il ne se l'était proposé et il fut amené à présenter à l'Académie de Pest le mémoire spécial dont on lira ci-après la traduction.
LANGUE BASQUE ET LANGUES FINNOISES 1862 PAR LE PRINCE LOUIS-LUCIEN BONAPARTE |
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