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lundi 22 mars 2021

FONTARRABIE EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE PAR LE ROMANCIER PAUL PERRET EN 1882 (première partie)

FONTARRABIE EN 1882.


En 1882, est publié le second volume des Pyrénées Françaises de Paul Perret.



pais vasco antes fuenterrabia
LIVRE LES PYRENEES FRANCAISES
PAR PAUL PERRET



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, le 8 septembre 

1882 :



"Variétés.



Le second volume des Pyrénées françaises vient de paraître. L’auteur, M. Paul Perret, porte un nom bien connu de nos lecteurs. Nous détachons de son ouvrage cette description de Fontarabie qui suit dans le livre celle d'une course de taureaux ; 



La foule s'engage sous la voûte de la porte orientale de la ville et remplit devant moi une longue rue. Je m’arrête, j’ai le loisir de considérer cette porte et son couronnement pompeux. Il est du 16e siècle espagnol, et du plus mauvais. La porte est debout tout entière, isolée maintenant entre deux brèches de la muraille démantelée. Sous cette voûte, elle-même croulante, on s'avance puis, j’imagine que beaucoup de voyageurs, entrant dans Fontarabie, ont ressenti la même impression de surprise et de ravissement qui m'arrête là, encore une fois, mais tout court... 




pais vasco antes fuenterrabia
PORTE PRINCIPALE FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ce que je vois a l’air d’un rêve. 



La longue rue monte devant moi en deux rangées de maisons peintes, ornées de balcons, prolongeant leurs toits en auvents sculptés. Sur ces balcons, il y a des femmes coiffées de mantilles, qui s'y glissent un instant comme des oiseaux curieux, et disparaissent derrière des jalousies, dont les lames vertes ou brunes tremblent comme des feuillages. C'est le décor du Barbier de Séville, c’est la comédie espagnole — un morceau de l'Espagne du 16e siècle pieusement conservé par des archéologues, — apparemment payés pour cela par le roi Alphonse XII, et dona Isabelle, sa mère, avant lui. Et je te mets à songer qu’en bas, au bord de la rivière, il y a un Casino ! Les jeux du diable moderne au pied du coteau et l'éblouissement de l'or sur le tapis vert; les jeux du vieux diable à mes côtés, et derrière ces jalousies des étincellements de prunelles. 



Eh bien, non ! Ce ne sont point des archéologues qui ont conservé cette curieuse relique vivante. Il y a ici un centre de population attachée de cœur et de passion à ce lieu pittoresque. Ce qui double le caractère extraordinaire de cette rue du miracle, c'est qu'elle est unique, et, comme la porte qui la commande , isolée au milieu d’un champ de ruines. La vie y est d'autant plus intense et agissante ; toutes ces maisons sont remplies de monde, les habitants y sont pressés. Mais plusieurs méritent mieux que ce nom de maisons ; il faut dire des palacios, comme à Séville. Un seul est abandonné et sert de magasin. Presque tous portent encore des armoiries ; il est évident qu'un nid de noblesse militaire s'est naguère établi sur ce flanc du Jayzquibel, regardant la terre ennemie sur l’autre bord, et toujours prête à franchir la rivière. Et qui n’était pas noble, qui n’était point soldat dans la vieille Espagne ? Les sièges que Fontarabie a soutenus racontent assez son ancienne importance de place de guerre. François 1er la prit, Condé l'assiégea, mais point le grand Condé : il s’agit ici de son père, et c'est pourquoi il fut épouvantablement battu là où le fils aurait été victorieux. 



Fontarabie n'en devint pas une cité plus modeste ; et cela se voit bien à ces restes de fière tournure. Combats, duels, amours, vengeances, elle redit tout, cette rue orgueilleuse et discrète ; elle remet sous nos yeux toute la vieille vie espagnole avec ses aspects sombres, ses intrigues cachées, ses ardeurs furtives et profondes ; c’est tout le passé qui se réveille. 



Ces auvents peints de couleurs chaudes, qui ne sont pourtant pas des couleurs vives, reposent des consoles assez grossièrement sculptées ; mais on n'a point voulu la finesse de l'exécution, on n'a recherché que le décor. Les balcons sont en fer forgé d’un travail rare. Quant aux armoiries qui ornent les façades et marquaient autrefois les demeures de "qualité", il y en a de colossales — apparemment comme la vanité du maitre. L'un de ces palacios est devenu la maison de ville, la "Casa consistorial". Ce fut le logis d'un grand seigneur, apparemment gouverneur de la place ; mais comme il devait l'être aussi du château, on s’explique mal qu'il n'en fit point sa demeure. Peut-être préférait-il ce palacio qu'il s'était construit dans la ville, et qui était en effet le plus vaste et le plus opulent. Pourtant d’autres dans le voisinage méritent encore de fixer longtemps les yeux. Sur le balcon de l’un d'eux voici venir deux senoritas jouant de l’éventail, et toujours se glissant à la dérobée. Espagne ! Espagne ! L'horloge de l'église vient à sonner trois heures ; le son passe, solennel, lugubre, au-dessus des toits : n’est-ce pas la cloche placée par Victor Hugo dans son Hernani ? Le poète aurait bien fait de réserver sa fameuse qualification de "vieille ville espagnole" donnée à Besançon par son caprice tout-puissant. La dénomination eût été mieux appliquée à Fontarabie, qui n'a qu'une rue, — on ne saurait trop le redire. Mais quelle rue !



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FEMMES AVEC MANTILLES FONTARRABIE GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cette cloche sévère m'appelle à l'église, obéissons. L'extérieur du monument ne me retiendra guère ; du côté de la rue, dont il occupe à droite la partie haute, il n'a rien de particulier ; c’est encore du 16e siècle espagnol et rien de plus. L'église a l’âge des palacios. Fontarabie fut prise en 1521 par le sire de Lesparre, général de François Ier. Charles-Quint venait alors de quitter l’Espagne, s'embarquant pour les Pays-Bas ; une révolte derrière lui éclatait bientôt en Castille, gagnait l'Aragon et la Navarre. Les Castillans avaient même formé une junte qui confia le commandement de l’insurrection à Juan de Padilla, et s’étant emparé de la personne de Jeanne la Folle, mère de l'empereur, essaya de gouverner sous son nom. Les Français, qui n’avaient sur les frontières d’Espagne que quelques milliers d’hommes, entrèrent pourtant en Navarre, avec la pensée de donner la main aux Communeros ; mais ceux-ci fournirent un grand exemple de patriotisme en s’unissant au parti royal contre l’étranger : Lesparre fut rejeté au delà des Pyrénées. Dans sa marche en avant, il avait enlevé Fontarabie ; il est probable que ce ne fut pas sans dommage pour la ville ; et la rue, — la rue noble, — les gentilhommières et la façade de l'église durent être reconstruites vers ce temps-là. 



L’intérieur est, en effet, de style plus ancien, — du gothique ; mais les sculptures du maître-autel sont de la Renaissance ; elles sont surchargées, ainsi que plusieurs des chapelles latérales, d’une si prodigieuse et si massive quantité de dorures, que l’œil ne saurait voir autre chose. Au reste, c’est à peine si le jour pénètre dans la nef ; les fenêtres sont étroites, la partie inférieure des ogives a été murée, et des grilles placées aux croisées de l'abside, du côté de la rivière. Dans cette obscurité qui remplit tout l’édifice, la lumière est surtout projetée par ces grands revêtements d’or, dont les reflets détachent en vigueur quelques statues de saints et de saintes en robes voyantes, blanches ou rouges. Le lieu est opulent et mystique ; mais on peut lire dans plusieurs guides ou récits de voyage que l’église de Fontarabie est le type des églises espagnoles. C’est bientôt dit. Il convient d’y regarder de plus près, et l’on reconnaîtra plutôt la disposition commune des églises basques.



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INTERIEUR EGLISE FONTARRABIE GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le sanctuaire est riche en reliques ; des polissons découplés comme de jeunes écuyers de cirque et qui baragouinent quelque français, offrent de donner l’explication des reliquaires pour une piécette. Ils proposent aussi au visiteur de le conduire sur la plate-forme du clocher ; c’est un piège auquel on ne se laisse pas prendre, si l’on est entré dans la ville par la Bidassoa, car alors on sait que cette plate-forme est moins haute que la terrasse du donjon, à laquelle on a vu la pointe du clocher accolée, en glissant sur le flot. 



L'église est pourtant séparée du château par un chemin planté de beaux arbres, qui descend à la berge ; mais de loin les coupures ne se trahissent point dans cette masse prodigieuse de pierres ; on n’aperçoit rien qu’un profil colossal. 



L’entrée du château est située sur une place rectangulaire encadrée de logis assez pauvres, qui forment un contraste frappant avec les palacios de la grande rue. Ici a toujours habité le peuple, là se prélassaient les nobles gens. Ces maison nettes sont toutes à pignons, construites sur un modèle plus ou moins rapproché de celui qu'on voit sur la route d’Espagne, dans les vallées françaises, et sur l’autre bord à Hendaye. Quelques-unes sont ornées pourtant de miradors à la cage vermoulue. — Le château regarde et domine de toute sa hauteur écrasante ce coin des petites gens. 



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CHÂTEAU CHARLES V FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN



De ce côté — le couchant — la maison forte de Jeanne la Folle présente un énorme mur qui n’est pas tout à fait aveugle, mais que percent seulement d’étroites fenêtres irrégulièrement placées, et dont le dessin ne parait pas indiquer un grand âge. Encore le seizième siècle. Mais les constructions plus anciennes vont apparaître. D’abord on pénètre sous une voûte, et une inscription en langue anglaise frappe les yeux. Le sens en est très moderne ; on fait "assavoir" au visiteur qu’il devra payer cinq réaux. Mais pourquoi lui annoncer cette mauvaise nouvelle en anglais ? Sans doute parce que les nationaux qui parlent cette langue ont été jusqu’à présent plus résignés à se laisser tarifer que les autres. Cinq réaux — en monnaie française, un franc cinquante. Encore si pour ce prix-là le cicerone féminin — car c'est une virago qui se présente — nous disait en langage naïf et populaire la vraie légende de cette pauvre reine Jeanne — le modèle des épouses tendres, puisqu’elle aimait tant son mari qu'elle en perdit la raison !"



A suivre...





 



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