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jeudi 25 mars 2021

L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JANVIER 1950 (troisième partie)

 

L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN 1950.


En 1950, une affaire étrange défraie la chronique à Biarritz.




faits divers biarritz 1950
MONIQUE DA SILVA




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, le 23 janvier 1950, sous la plume de Marcel 

Carrière :



"Après la décision de la Chambre des mises en accusation de Pau qui refuse la liberté provisoire  à l'inculpé de la Villa Chagrin, l'affaire Da Silva commence.



Le 16 janvier, à 12 h. 15, les printings et les téléphones de toutes les salles de rédaction du monde annonçaient que la liberté provisoire était refusée à Joas da Silva, accusé d’avoir empoisonné sa femme, Monique, née Champin.



Les juges de notre pays n'obéissent à aucune contrainte et leurs jugements ne sont jamais marqués du sceau de la passion partisane. Il ne saurait être question, dans un journal où la Justice est honorée sous toutes ses formes, d'attaquer un arrêt émanant d'une magistrature aussi intransigeante dans sa conscience qu’inattaquable dans son intégrité.



Si la Chambre des mises en accusation de Pau a considéré irrecevable la demande en liberté provisoire de Joas da Silva, c’est qu’elle l’estimait irrecevable. En leur âme et conscience.



faits divers 1950 biarritz
JOAS DA SILVA



Mais notre honneur, à nous, rédacteurs de Détective, c’est de mettre au-dessus de tout le respect de la liberté humaine ; nous estimons que les charges retenues contre le prisonnier de la Villa Chagrin valent, une fois de plus, d’être examinées de près.



La vérité ne saurait être gênée par la discussion. Des erreurs ont été commises dès le début de cette affaire, erreurs qu’on ne peut passer sous silence. Se taire n’est pas un argument.



Il y a des preuves matérielles contre lesquelles les plus subtiles inventions de l’esprit ne peuvent rien.



Il y a des constatations scientifiques que les plus savantes déductions ne peuvent détruire.



Qu'a-t-on fait immédiatement après le refus du permis d’inhumer du médecin de l'état civil, le docteur Thévenin ? Rien.



Alors même qu’il était avéré que la mort de Monique da Silva semblait suspecte, on a agi, en l’occurrence, comme si cette mort avait été naturelle : on n'isola ni le corps de la victime, ni les témoins de l’agonie, ni les autres locataires de la Fazenda.



pays basque faits divers 1950
VILLA LA FAZENDA BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Quelques heures après la mort de Monique, la villa, ouverte à tous, reçut la visite des nombreux amis que les da Silva comptent à Biarritz. Tous ceux qui vinrent purent circuler librement dans la chambre et les deux salles de bains contiguës. Il n'est naturellement pas question de prétendre que, parmi tous ces visiteurs, il s'en trouvait qui vinssent avec l'intention de brouiller les traces. Mais, lorsqu’on connaît les précautions prises par les enquêteurs dès qu’ils se trouvent en présence d’un mort suspect, en plein air, et l’espèce de zone de sécurité dont ils l’entourent, on ne peut que s’étonner des négligences dont on fit preuve, le 2 octobre, dans un appartement qu’il eût été facile d'isoler.



Les policiers chargés d’une enquête ont le droit, dans le cadre légal, de prendre des mesures conservatoires, telles que l’interdiction à quiconque d’approcher des lieux où vient de se produire une mort suspecte, l'apposition des scellés ou la surveillance du corps par des agents publics.



Aucune de ces mesures n'a été prise. De plus, a-t-on pensé à faire un inventaire des placards de la salle de bains ? A-t-on examiné s’il y avait des traces de vomissures dans les toilettes ? A-t-on vérifié, sur le linge de nuit de la morte, la marque possible de ces mêmes traces ?



Si toutes ces mesures avaient été prises - elles auraient dû l'être — peut-être n’en serait-on pas aujourd'hui à se demander ce qui a bien pu se passer à la Fazenda, dans la nuit du 1er au 2 octobre : on ne se trouverait pas, comme maintenant, en présence d’un dossier incomplet.



Est-ce la faute de da Silva si tout ceci, qui eût dû être fait, ne le fut pas ? Et les lacunes d’une enquête doivent-elles déshonorer un homme, le priver de sa liberté ?



Avec les hypothèses échafaudées autour de la mort de Monique da Silva, on pourrait remplir une bibliothèque de romans policiers, tous aussi passionnants les uns que les autres.



Du curare à l’eau de Cologne, en passant par la strychnine et le Seconal Sedico, on a fait le tour de tout un traité de toxicologie. On a tout supposé, on a tout imaginé, souvent avec une brillante imagination. On a fouillé dans la vie intime des protagonistes du drame ; on a évoqué un passé qui n’appartenait qu’à eux ; on a bâti des romans ; mais, dans l'ardeur de l’invention, on a oublié la simple réalité : une femme est morte, son mari est accusé de l'avoir empoisonnée.



Nous avons, pour notre compte, choisi la réalité. Elle, tient en quelques mots : barbiturique, alcool, strychnine et trismus.



Et en quelques questions auxquelles les réponses m'ont été données par les traités des deux hommes les plus qualifiés de France en la matière : les professeurs Balthazard, doyen de l’Académie de Médecine, et Kohn-Abrest, le célèbre toxicologue, tous deux mêlés à toutes les grandes affaires criminelles des cinquante dernières années :

toxicologue france affaire da silva biarritz 1950
TOXICOLOGUE EMILE KOHN-ABREST



Peut-on déterminer la nature de l'alcool, au cours d'une autopsie ?



Non ! On en peut seulement calculer le dosage et les quantités ingérées dans les vingt-quatre heures qui ont précédé la mort, à condition que les analyses soient faites sur du sang frais. Quand ces opérations sont faites trois semaines après, la quantité déterminée devient problématique. Il est en tous les cas impossible de préciser s’il s'agit, par exemple, de cognac, d’eau de Cologne ou d’alcool à 90°.



Un mélange somnifère-alcool peut-il provoquer la mort ?


Oui ! 


Peut-on répondre de façon, scientifiquement précise à cette question ? Non ! Personne au monde n’est capable de dire quelle réaction peut produire un tel mélange. La formule barbiturique + alcool = mort peut être vraie ou ne pas l’être.



350 cmc d'alcool absorbés en vingt minutes ou en une seule ingestion peuvent-ils déclencher le "délirium tremens" ?


Oui ! chez une personne dont l’organisme n'est pas habitué à l’absorption chronique de l'alcool. Chez un alcoolique, cette quantité produirait un état d’ébriété voisin du coma éthylique.



Est-ce que l'absorption d'une forte dose de somnifère peut amener un accouchement prématuré ? II n’y a pas, à proprement parler, d’abortifs d’essence organique. Absorbé à une certaine dose, indéterminable pour le profane, le somnifère devient un toxique, avec toutes les conséquences que cette absorption comporte.



Quels sont les signes permettant de diagnostiquer un empoisonnement par la strychnine ? La strychnine est le type des poisons convulsivants. En solution, elle est très amère. Une demi-heure après l’ingestion, on voit apparaître de la raideur de la nuque, du trismus (contracture des mâchoires), de la raideur des muscles vertébraux ; puis surviennent des crises de raideurs (crises tétaniformes et convulsives). La mort survient après quelques accès. La strychnine est un poison qui s’élimine rapidement, mais, dans de nombreux cas, on en retrouva dans les viscères des individus empoisonnés.



Le trismus peut-il être provoqué par une crise alcoolique ? Oui, si la crise est causée par l’absorption d’une quantité d’alcool telle qu'elle atteint le stade de l’éthylisme aigu ou le délirium tremens.



Est-il possible d'absorber à une cadence rapide une grosse quantité de comprimés ? Le cas s'est fréquemment présenté. Notamment, en 1926, le nommé Henri Sch... a pu avaler six tubes de dial (soit 72 comprimés) les uns derrière les autres, sans aide de liquide.



Je pense que, pour arriver — enfin ! — à avoir une vue claire et objective sur cette affaire, il ne faut pas sortir de la réalité de ces sept questions. Elles contiennent, à mon sens, tout le problème.



De quelque côté qu'on regarde, on se trouve toujours en face d’une de ces sept vérités médicales. On ne peut les escamoter sans tomber dans le domaine imprécis des hypothèses.



C'est le professeur Balthazard qui a écrit aussi que, pour apporter la preuve d’un empoisonnement criminel, il était indispensable :



1° Que l’on ait pu extraire des viscères un poison à dose suffisante pour provoquer l’empoisonnement et que l’on ait pu contrôler la nature de ce poison, à la fois par ses réactions chimiques et par son action physiologique ;


2° Que les lésions trouvées à l’autopsie cadrent avec celles que le poison retrouvé provoque d’une façon constante ;


3° Que les symptômes observés avant la mort soient identiques à ceux que l’on a observés dans l’empoisonnement par le même poison.



Tant que ces trois conditions n’auront pas été remplies, il sera impossible d’affirmer la culpabilité de Joas da Silva. 



Les bâtisseurs d’hypothèses n'ont pas à se gêner, étant donné les imprécisions, les lacunes de l’enquête. Aussi s’en donnent-ils à cœur joie. Après le curare, qui ne fut que grotesque, on en vient à suggérer que da Silva aurait pu injecter lui-même de la strychnine, bien avant l’arrivée du docteur Benoit. Et à dose d’empoisonnement. Il resterait à prouver que da Silva possédait de la strychnine, une seringue et qu’il connaissait les doses convenables à injecter pour provoquer la mort sans laisser de traces du poison. Cela serait risible si ce n’était lugubre à cause de la privation de liberté d’un homme.



Mais le trismus ? Quoi donc a provoqué ce trismus constaté avant l’intervention du docteur Benoit ?



Qu’on me permette de raconter, à propos de ce phénomène physiologique, une simple anecdote :



Il y a deux mois, dans un hôpital du Sud-Ouest, on amenait un homme qui avait été blessé d’une écharde dans le doigt. L’homme présentait tous les symptômes d’un accident tétanique : raideur de tous les muscles, commissures des lèvres tirées, paupières écartées et l'inévitable trismus. On fit au patient une piqûre appropriée ; mais, après un examen plus approfondi, on s’aperçut que, en fait de tétanos, l’homme tenait ce que les carabins appellent, hors de la présence de leurs "patrons", une cuite carabinée.



La scène se passait à Bayonne."



A suivre...



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