L'AFFAIRE DE LA VILLA FAZENDA À BIARRITZ EN 1950.
En 1950, une affaire étrange défraie la chronique à Biarritz.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, le 23 janvier 1950, sous la plume de Marcel
Carrière :
"Après la décision de la Chambre des mises en accusation de Pau qui refuse la liberté provisoire à l'inculpé de la Villa Chagrin, l'affaire Da Silva commence.
Le 16 janvier, à 12 h. 15, les printings et les téléphones de toutes les salles de rédaction du monde annonçaient que la liberté provisoire était refusée à Joas da Silva, accusé d’avoir empoisonné sa femme, Monique, née Champin.
Les juges de notre pays n'obéissent à aucune contrainte et leurs jugements ne sont jamais marqués du sceau de la passion partisane. Il ne saurait être question, dans un journal où la Justice est honorée sous toutes ses formes, d'attaquer un arrêt émanant d'une magistrature aussi intransigeante dans sa conscience qu’inattaquable dans son intégrité.
Si la Chambre des mises en accusation de Pau a considéré irrecevable la demande en liberté provisoire de Joas da Silva, c’est qu’elle l’estimait irrecevable. En leur âme et conscience.
JOAS DA SILVA |
Mais notre honneur, à nous, rédacteurs de Détective, c’est de mettre au-dessus de tout le respect de la liberté humaine ; nous estimons que les charges retenues contre le prisonnier de la Villa Chagrin valent, une fois de plus, d’être examinées de près.
La vérité ne saurait être gênée par la discussion. Des erreurs ont été commises dès le début de cette affaire, erreurs qu’on ne peut passer sous silence. Se taire n’est pas un argument.
Il y a des preuves matérielles contre lesquelles les plus subtiles inventions de l’esprit ne peuvent rien.
Il y a des constatations scientifiques que les plus savantes déductions ne peuvent détruire.
Qu'a-t-on fait immédiatement après le refus du permis d’inhumer du médecin de l'état civil, le docteur Thévenin ? Rien.
Alors même qu’il était avéré que la mort de Monique da Silva semblait suspecte, on a agi, en l’occurrence, comme si cette mort avait été naturelle : on n'isola ni le corps de la victime, ni les témoins de l’agonie, ni les autres locataires de la Fazenda.
VILLA LA FAZENDA BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quelques heures après la mort de Monique, la villa, ouverte à tous, reçut la visite des nombreux amis que les da Silva comptent à Biarritz. Tous ceux qui vinrent purent circuler librement dans la chambre et les deux salles de bains contiguës. Il n'est naturellement pas question de prétendre que, parmi tous ces visiteurs, il s'en trouvait qui vinssent avec l'intention de brouiller les traces. Mais, lorsqu’on connaît les précautions prises par les enquêteurs dès qu’ils se trouvent en présence d’un mort suspect, en plein air, et l’espèce de zone de sécurité dont ils l’entourent, on ne peut que s’étonner des négligences dont on fit preuve, le 2 octobre, dans un appartement qu’il eût été facile d'isoler.
Les policiers chargés d’une enquête ont le droit, dans le cadre légal, de prendre des mesures conservatoires, telles que l’interdiction à quiconque d’approcher des lieux où vient de se produire une mort suspecte, l'apposition des scellés ou la surveillance du corps par des agents publics.
Aucune de ces mesures n'a été prise. De plus, a-t-on pensé à faire un inventaire des placards de la salle de bains ? A-t-on examiné s’il y avait des traces de vomissures dans les toilettes ? A-t-on vérifié, sur le linge de nuit de la morte, la marque possible de ces mêmes traces ?
Si toutes ces mesures avaient été prises - elles auraient dû l'être — peut-être n’en serait-on pas aujourd'hui à se demander ce qui a bien pu se passer à la Fazenda, dans la nuit du 1er au 2 octobre : on ne se trouverait pas, comme maintenant, en présence d’un dossier incomplet.
Est-ce la faute de da Silva si tout ceci, qui eût dû être fait, ne le fut pas ? Et les lacunes d’une enquête doivent-elles déshonorer un homme, le priver de sa liberté ?
Avec les hypothèses échafaudées autour de la mort de Monique da Silva, on pourrait remplir une bibliothèque de romans policiers, tous aussi passionnants les uns que les autres.
Du curare à l’eau de Cologne, en passant par la strychnine et le Seconal Sedico, on a fait le tour de tout un traité de toxicologie. On a tout supposé, on a tout imaginé, souvent avec une brillante imagination. On a fouillé dans la vie intime des protagonistes du drame ; on a évoqué un passé qui n’appartenait qu’à eux ; on a bâti des romans ; mais, dans l'ardeur de l’invention, on a oublié la simple réalité : une femme est morte, son mari est accusé de l'avoir empoisonnée.
Nous avons, pour notre compte, choisi la réalité. Elle, tient en quelques mots : barbiturique, alcool, strychnine et trismus.
Et en quelques questions auxquelles les réponses m'ont été données par les traités des deux hommes les plus qualifiés de France en la matière : les professeurs Balthazard, doyen de l’Académie de Médecine, et Kohn-Abrest, le célèbre toxicologue, tous deux mêlés à toutes les grandes affaires criminelles des cinquante dernières années :
TOXICOLOGUE EMILE KOHN-ABREST |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire