L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.
C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.
Comme je vous l'ai indiqué précédemment, puisque nous sommes samedi, voici un autre article
sur le "feuilleton" de l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 30 janvier
1934 :
"Où l'on vit hier soir à Bayonne la foule assiéger le député Bonnaure.
Après avoir été interrogé, M. Bonnaure est sorti prévenu libre encore une fois.
Mais la foule mécontente manifeste avec violence.
On se demande à présent si Stavisky n’a pas été assassiné par les voleurs des bijoux.
... Deux arrestations.
La garde et la police entreprirent un mouvement pour dégager la rue, mais cela ne se fit pas sans accrochages ; des coups furent donnés de part et d’autre et deux manifestants furent arrêtés ; l’un d’eux fut délivré par la foule, mais l’autre, menottes aux poignets, fut emmené et hissé dans la camionnette.
Celle-ci qui stationnait rue d’Espagne put pénétrer dans la rue enfin dégagée et tandis qu'agents, gendarmes et gardes faisaient la chaîne pour maintenir le public, M. Bonnaure suivi de Me Saillard s’introduisit dans la camionnette qui démarra et retourna se ranger dans la rue d’Espagne d’où elle repartit quelques minutes après, quand tous les gardes y furent remontés, non sans avoir été copieusement hués par la foule. On entendit les cris de "A bas la police ! La police protège les escrocs et arrête les honnêtes Bayonnais !"
Les rassemblements ne se dispersèrent pas immédiatement. On commentait avec vivacité les événements de la dernière minute. Un groupe de très jeunes gens rassemblés au coin de la rue d’Espagne et de la rue Poissonnerie chantaient l'Internationale, tandis que d’authentiques communistes distribuaient tracts et journaux et que des militants d’action française commentaient l’arrestation de l’un des leurs qui, conduit au poste, devait être relâché quelques minutes plus tard.
Jusqu’à neuf heures du soir...
Mais revenons au malheureux M. Bonnaure. Après que la camionnette l’eut déposé en lieu sûr, il prit place dans l’automobile du capitaine Robert qui le conduisit au Château-Vieux. M. Bonnaure ayant décidé d’aller passer la nuit à Biarritz. Me Saillard alla rejoindre Mme Bonnaure au Grand Hôtel.
GRAND-HÔTEL BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Un attroupement s'était déjà formé devant la porte de la rue Thiers. Aussi Me Saillard accompagna-t-il Mme Bonnaure au Château-Vieux en passant par la porte de service de l'hôtel.
A neuf heures du soir toute manifestation semblait terminée. A peine entendait-on encore résonner sous la voûte des Arceaux, une Internationale attardée et voyait-on quelques groupes d'agents deviser fort calmement.
Et sur la route n° 10 roulait, sans heurts, l'automobile qui emmenait loin de la ville M. Bonnaure bien revenu de ses idées sur le calme et la sérénité de l'atmosphère de Bayonne.
DEPUTE GASTON BONNAURE PHOTO AGENCE MEURISSE |
Hayotte a été entendu ce matin par M. d’Uhalt.
Ce matin, M. d'Uhalt a procédé à l'interrogatoire de Hayotte qui n’avait pas encore été entendu sur le fond.
Hayotte est arrivé à 10 heures au Palais, en taxi, escorté de deux inspecteurs de la Sûreté. Ses avocats Me Gabriel et Me Moreau l’attendaient chez le juge.
L'interrogatoire qui promet d’être fort long s’est poursuivi jusqu’à midi et reprendra cet après-midi à deux heures.
Le juge a posé à Hayotte plusieurs questions concernant les relations qu’il a entretenues avec Stavisky.
Hayotte a déclaré qu’il avait connu Stavisky en 1924. Un de ses amis l'avait mis en relation avec lui pour traiter une affaire qui ne fut, d'ailleurs, jamais conclue. Plus tard, Hayotte noua avec Stavisky des relations très amicales et il fut amené à s’intéresser à plusieurs de ses affaires, entre autres celle des établissements de bijouterie "Alex" et du Crédit municipal d'Orléans.
Les relations que Hayotte a entretenues avec Stavisky furent ainsi étudiées jusqu’en 1930.
L’inculpé est retourné à la prison pour y déjeuner et il reviendra à deux heures.
Les abords du Palais de justice étaient absolument déserts, l’arrivée et le départ de l’inculpé sont passés inaperçus.
D’après une information qui nous est parvenue ce matin, la confrontation qui devait avoir lieu le premier février, entre Tissier et M. Garat, serait reportée au 8 février, Me Campinchi et Me Jean-Charles Legrand ne pouvant venir à Bayonne à la date qui avait été primitivement retenue.
JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE |
L’enquête administrative à Bayonne.
Après avoir enquêté samedi à la sous-préfecture de Bayonne, M. Rouvier, inspecteur général au ministère des finances, s’est rendu hier matin dans le cabinet du juge d’instruction chargé de l’affaire du Crédit municipal.
L’inspecteur général poursuit son enquête dans une discrétion absolue. M. Rouvier repartira pour Paris demain soir.
Il aurait déclaré qu’il a fait dans certains dossiers des découvertes intéressantes.
300 millions d’escroqueries.
A la Sûreté générale, à Paris, le commissaire, M. Peudepièce, chef de la section financière, poursuit ses investigations, qui consistent principalement à l’audition des directeurs de Compagnies d’assurances ayant encore en leur possession des faux bons du Crédit Municipal de Bayonne.
Le montant total des faux bons déjà recueillis, saisis et placés sous scellés par le commissaire Peudepièce, s’élève à 25 millions 800 000. Aucun de ces bons n’est inférieur à 500 000 francs.
D’autre part, les différentes investigations policières et judiciaires feraient ressortir que le chiffre total des escroqueries de Stavisky n’excéderait pas 300 millions.
M. Gibert nommé à Caen.
M Gibert, commissaire de police hors classe de Bayonne, est nommé à Caen (Calvados), en remplacement de M. Bertrand, qui est nommé à Bayonne.
L’Instruction dans son ensemble.
Notre confrère "Le Jour" publie les réflexions qu’on lira ci-dessous :
C’est aujourd’hui à 14 h. 30 que M Gaston Bonnaure, qui est depuis deux jours à Bayonne avec son paquet de couvertures, sera interrogé par M. d’Uhalt.
JUGE D'INSTRUCTION M D'UHALT PARIS-SOIR 16 JANVIER 1934 |
Une autre question vise l'extravagante audition de Mme Stavisky par l’inspecteur Bonny.
Et, au fait, pourquoi M. d’Uhalt n’entend-il pas Mme Stavisky ?
— Tissier me dira, quand je voudrai, l’histoire des bijoux qu’il envoya à Stavisky avant sa fuite, a déclaré M. d’Uhalt.
Il n’entendra Tissier que jeudi prochain.
Et cette promesse date de deux semaines...
Hayotte, lui, était le bras droit, l’alter ego de Stavisky. Son premier complice.
Quand a-t-il été interrogé sur le fond ?
Jamais.
Il ne sera entendu pour la première fois que demain.
Voix, peut-être, en pourrait dire long sur la question des bijoux.
Mais Voix est à Bonneville — une voie de garage. Et Bonneville n’instruit contre Voix que pour recel de malfaiteur.
La mort de Stavisky ? Oubliée. La contre-expertise des empreintes digitales ? Evanouie. La balle dans le mur ? Mastiquée.
Pourquoi interrogerait-ou Voix sur ces détails, qui n’intéressent plus la justice, et dont l’opinion est seule à se préoccuper ?
I)u revolver fatal, nul ne saurait non plus parler : il est dans un des tiroirs de M. d'Uhalt, qui ne pense qu’aux bons de Bayonne.
On aimerait savoir quelles réponses vont être faites aux nombreuses questions posées au juge par Me J.-C. Legrand. ...
A celle, notamment, qui concerne la confrontation demandée entre M. Georges Bonnet, ancien ministre des Finances, et M. Guiboud-Ribaud, ancien attaché au cabinet dudit ministre et qu’il faudra bien qu’on accomplisse.
GEORGES BONNET MINISTRE DES FINANCES 1934 |
A cette question, nous en ajouterons une autre : de quelle valeur peuvent être les procès-verbaux établis par MM. Hennett et Bonny, aujourd’hui suspendus de leurs fonctions ?
Par M. Bonny, surtout, à qui Mme Stavisky prit si joliment le pied dans la porte, quand il alla perquisitionner chez elle.
M. Dalimier a donné des explications à la Chambre sur les conditions dans lesquelles fut rédigée la fameuse lettre "au directeur" qui servit d’amorce dans toute l'escroquerie de Bayonne.
ALBERT DALIMIER MINISTRE DES COLONIES DU 26 NOVEMBRE 1933 AU 9 JANVIER 1934 |
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