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dimanche 30 juillet 2023

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1895 (première partie)

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1895.


La place de la femme, dans la société, au Pays Basque, a toujours été très importante.



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FEMME DE LA HAUTE-GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN




Après nous avoir parlé des enfants, des animaux domestiques, des mariages et de la mort, voici 

ce que rapporta au sujet de la femme au Pays Basque, Mme d'Abbadie d'Arrast, épouse 

d'Antoine d'Abbadie d'Arrast, dans la revue bimensuelle La Femme, le 1er septembre 1895 :



"La femme du pays basque.



Par deux précédents articles, les Mariages et la Mort en pays basque, nous avons montré le rôle important que les usages assignent à la femme au milieu de l'antique population des Basques. M. O'Shea (la Tombe basque) rapporte l'opinion du révérend Webster et de plusieurs écrivains qui supposent qu'autrefois dans ce pays ce n'était pas le prêtre qui intervenait pour la validité du mariage ou la constatation des naissances et des décès : c'étaient des femmes d'une certaine catégorie, appelées en Navarre chandras, echandras, echaun, noms qui proviennent de "Etcheko-Andrea, dame de la maison". Il paraîtrait que les femmes étaient investies de la confiance de la justice et formellement chargées par les Fors d'attester la bonne foi de certains actes, d'assister avec les parents à la naissance des enfants et dans tout ce qui se rapportait aux funérailles, aux décès, à la veillée des morts. 



Aux funérailles, les femmes précédaient les hommes et formaient ce qu'on appelle Seguicia (la suite). Elles étaient les pleureuses et poussaient de grands cris. Aujourd'hui encore, comme à ces époques lointaines, elles portent de longs manteaux noirs ou Manteleta ; celle qui conduit le deuil se distinguait autrefois de ses compagnes par un grand tablier blanc. Les Hittites, probablement les Carthaginois, puis les Phéniciens, ne sortaient que vêtus de manteaux noirs. Le noir fut toujours, remarque M. O'Shea, la couleur nationale des Ibères, et sans doute des Basques, qui le portent dans toutes les circonstances importantes de leur existence. 



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COSTUME DE DEUIL AU PAYS BASQUE
MUSEE 65 LOURDES



Quoi qu'il en soit, la Basquaise est, dans toute la force du terme, la maîtresse, la dame de la maison. Si elle est l'aînée, elle est considérée comme l'héritière et elle reste propriétaire du bien paternel, s'y établit lorsqu'elle se marie, continuant à porter le nom de sa maison et donnant ce même nom à son mari : on dit le maître et la maîtresse de telle ou telle maison. Le nom de famille s'oublie et ne reparaît que dans les actes de l'état civil.



PAYS BASQUE AUTREFOIS MAISON ETXE
FERME BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La Basquaise porte sur ses traits accentués, bien dessinés et fins, dans l'élégance de sa taille, la finesse des membres, les preuves de la noblesse de sa race. Sa physionomie est vive, intelligente ; elle est plus susceptible de gagner en distinction, par la fréquentation des personnes bien élevées, dans ses façons, son langage, ses manières, que l'homme du pays ; elle est moins paysanne que son mari, cependant elle est tout aussi robuste que lui. Elle est aussi surprenante que lui par ses marches en plaine et dans la montagne ; on a connu des Basquaises que leur métier de commissionnaire a forcées pendant vingt-cinq ans à faire presque tous les jours des courses de 50 kilomètres, à pied, chargées de paquets. On a vu une fois deux jeunes filles, pour gagner quelques francs, porter au village des lièvres pris au lacet à 25 kilomètres de leur demeure, en hiver, à travers une neige épaisse dans laquelle elles enfonçaient à chaque pas. On cite certaines paysannes qui luttaient à la paume contre les plus forts joueurs et les battaient.



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JEUNE FEMME 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN



A St-Jean-de-Luz, Biarritz et Bayonne, les marchandes de sardines, les cascarottes, leur panier plat sur la tête, font en une heure et demie 40 kilomètres toujours courant, et, tout en courant, elles jettent d'une voix stridente leur cri : sardina fraichcoa, sardines fraîches. Elles partent en troupes, s'efforcent de se devancer les unes les autres afin d'arriver les premières au marché ; elles se détournent dans les villages pour placer leur marée ; certaines arrivent avant midi au fond du pays, ayant franchi, sans perdre haleine, jusqu'à 60 et 80 kilomètres, et repartent le soir, n'éprouvant aucune fatigue. Si par chance elles arrivent dans la petite ville un jour de fête et que l'on danse sur la place, elles posent volontiers leur panier à terre et se mettent à danser la farandole ou le saut basque tout comme si elles se levaient de leur chaise.



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KASKAROT
PAYS BASQUE D'ANTAN



Elles se montrent aussi aptes que les hommes au travail des champs ; elles attèlent les boeufs, elles les mènent l'aiguillon en main. Elles conduisent la charrette au marché ou la charrue le long du sillon ; elles saisissent l'attelage par les cornes, elles le maîtrisent et à leur gré elles ralentissent l'allure des bêtes ou les obligent à accélérer lepas.



Excepté dans les environs de quelques villes, comme Mauléon ou Bayonne, la Basquaise n'entre pas au cabaret comme le fait la Bretonne ; cela ne serait pas convenable ; cependant, le jour du marché, il arrive que les jeunes gens invitent les jeunes paysannes à accepter un verre de liqueur ; elles sont trop friandes de ce régal pour résister ; il faut aussi faire l'article, vendre la vache et son veau, une paire de bouvillons qu'on a conduits au marché, il serait trop humiliant de les ramener à la maison. Pour amorcer l'acheteur on trinque avec lui. Or il est remarquable que nul mieux que la Basquaise ne sait faire l'article pour son bétail aussi bien que pour ses oeufs, ses poulets et ses fromages ; elle est une merveilleuse marchande et pour faire payer l'étranger elle se montre sans merci.



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MARCHANDE DE MARRONS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les Basquaises, pour se rendre au marché, mettent une petite toilette, un joli mouchoir sur la tête, et un fichu clair autour du cou : les maîtresses de maison portent leur robe de mérinos noir. Aussitôt rentrées chez elles, ces vêtements sont serrés avec soin, et, pour s'acquitter des soins du ménage, elles remettent sans vergogne de vrais haillons sur elles ; au contraire de nos ouvrières de la ville qui ont de jolies robes et pas de chemises, la Basquaise n'a que des robes très simples, mais elle possède du linge en abondance. Il était d'usage, dans les maisons du pays, de donner à toute jeune fille un coin de terre où elle faisait pousser du lin ; ce lin était écroui dans les veillées du soir ; le tisserand du village le tissait sur son métier ; on augmentait peu à peu ainsi la provision de toile et l'on mettait de côté les pièces fines et blanches qui devaient servir à confectionner le trousseau au moment du mariage.



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FEMMES SE RENDANT AU MARCHE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Quoique la femme du pays basque travaille aussi bien que l'homme, elle gagne beaucoup moins que lui ; on la nourrit, mais son salaire en argent ne dépasse guère la petite somme de 75 centimes par jour. Il y a certains travaux dont il n'est pas d'usage qu'elle s'acquitte ; elle ne manoeuvre pas la faux, elle ne trait pas les vaches ; elle ne soigne pas le vin ; elle ne tue pas le porc, mais elle tue l'agneau ; elle ne sème pas ; le matin elle ne va pas aux champs, parce qu'il faut qu'elle s'occupe du ménage. Lorsqu'elle a rangé sa maison après midi, elle part avec les ouvriers, elle fane, elle sarcle le maïs, la rave, la vigne ; à l'étable elle donne à manger au bétail. Elle élève les poussins, les canards. Elle porte le lait chez les pratiques, ce que jamais l'homme ne consentirait à faire. Auprès de sa maison il y a un petit jardin qu'elle cultive ; elle blute la farine, elle brasse la pâte pour faire le pain, mais l'homme allume le four. Elle fait cuire la miche qu'elle a pétrie. Eu somme, sa condition est assez douce ; les travaux les moins rudes lui sont dévolus.



L'homme est bon pour elle, il a égard à la faiblesse de son sexe et en général elle est bien traitée. Les anecdotes qu'on se raconte au village la dépeignent volontiers comme disposée à abuser des ménagements qu'on lui accorde. On prétend que son exigence peut dépasser les bornes permises. Pour tourner en ridicule la faiblesse du mari en présence des exigences de sa femme, les gens malicieux racontent avec de bons gros rires qu'un brave homme était parti dès le matin travailler clans les champs ; la pluie l'avait surpris et le soir, mouillé, harassé, grelottant, il rentre enfin chez lui. Il pleuvait encore à verse. Sa femme épiait son retour avec impatience. Dès qu'elle le voit rentrer, elle va vite à sa rencontre, elle lui porte le seau de bois cerclé de cuivre qui sert à puiser de l'eau et à conserver l'eau dans la cuisine. "Puisque te voilà tout mouillé, va donc, mon mari, à la fontaine chercher de l'eau." Le mari prend tranquillement le seau des mains de sa femme et s'en va à la fontaine sans mot dire. Au bout d'un moment, il revient, rapporte le vase rempli dans la cuisine, s'approche, très grave, de son épouse, et, tout à coup, il retourne son vase sur la tête de sa femme qu'il arrose à flots. "Tu ne risques guère plus que moi, maintenant, dit-il, tu peux à ton tour aller chercher ton eau." C'est à dire que, bien entendu, quand la femme est trop exigeante, l'homme se regimbe. D'autres histoires aussi sarcastiques ont cours. Elles montrent la ténacité de la Basquaise.



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JEUNE FEMME AVEC CRUCHE CAMBO-LES-BAINS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Une maîtresse de maison avait une langue aussi mauvaise que son caractère ; elle était, paraît-il, plus têtue dans son impertinence que les mules de son pré. Elle avait pris l'habitude de traiter son mari de "soritchia", c'est à dire en proie à la vermine (nous demandons mille pardons à nos lecteurs de cette expression trop couleur locale), son mari ne pouvait la faire taire. Il y avait longtemps que cela durait ; enfin, un jour, à bout de patience, pour l'obliger à clore ses lèvres, il l'emporte à bras tendus et la plonge dans un puits jusqu'à la bouche. La femme, qui avait de l'eau à hauteur des lèvres, ne pouvait, bien entendu, articuler un son. Alors, raconte le narrateur enchanté du trait, elle ne se tient pas pour battue : elle lève ses deux mains au-dessus de sa tête, et elle fait le signe d'écraser l'ennemi entre ses doigts. Elle avait donc, grâce à son entêtement, la réplique dernière, et force fut au mari de subir sa femme et de prendre son parti de sa ténacité insolente.



Un autre mari se mettait fort en colère parce que sa femme grognait sans cesse et lui cherchait dispute; il ne voulait cependant pas user envers elle de mauvais traitements. Il va trouver son confesseur: "Ne pourriez-vous, lui dit-il, imaginer un moyen de calmer ma femme ?" Le bon prêtre fait ses réflexions et attend sa pénitente. Elle vient un beau jour et elle s'accuse de son péché d'humeur acariâtre. Son confesseur lui impose, pour pénitence, quand elle sera tentée d'invectiver son mari, de mettre immédiatement dans sa bouche une gorgée d'eau froide et de la garder tout le temps crue sa méchanceté persiste. La bonne femme, qui voulait recevoir l'absolution, fait comme on lui a dit et prend ainsi peu à peu l'habitude de se taire."



A suivre...




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