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jeudi 20 juillet 2023

LE GRAND-DUC DIMITRI PAVLOVITCH ET L'AFFAIRE RASPOUTINE AU PAYS BASQUE EN 1928 (première partie)

LE GRAND-DUC DIMITRI PAVLOVITCH EN 1928.


Dimitri Pavlovitch de Russie, grand-duc de Russie, cousin du tsar Nicolas II, a fait partie de la conjuration pour assassiner Raspoutine, le 30 décembre 1916.




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GRAND-DUC DIMITRI PAVLOVITCH


 

Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et du Pays basque, le 18 juin 1928 :



"L'Affaire Raspoutine 

Les 25 millions de la fille du "staretz". 

Ce que répond, à Biarritz, le grand-duc Dimitri à la demande de Mme Solovieff, fille de Raspoutine, qui l'accuse d’avoir, avec le prince Youssoupoff, assassiné son père.



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PRINCE FELIX FELIXOVITCH IOUSSOUPOV



Le grand duc Dimitri ne sait que depuis quelques heures, que son nom suivant de très près celui du prince Youssoupoff, vient d’être épinglé dans la collection de l’actualité judiciaire. 



Un journal qu’il tient encore entre les mains à l’heure où je le rencontre, s’est chargé de lui porter sur la Côte d’Argent, la nouvelle de l’assignation lancée par la fille de Raspoutine. 



C’est donc une impression de surprise toute fraîche que le cousin germain du tzar accepte tout d’abord de communiquer à un collaborateur du "Matin", dans ce bar de Biarritz, où avec une bonne grâce légendaire, il distribue à chacun et dans toutes les langues, des salutations que l’on s’empresse de recueillir. 



Grand, mince, racé jusqu’au fond des yeux qui sont d’un bleu clair étrange, la silhouette jeune, le grand duc parle en prolongeant ses phrases par un geste du bras très particulier, comme s’il voulait donner à manger les mots, dans le creux de sa main.  



"J’ai été pris à un tel point au dépourvu par le procès, me dit-il, que je n’ai même pas encore fait choix d’un avocat. En conséquence ne possédant pas de conseiller, je ne saurais, pour l’instant, formuler d’objections juridiques. 


Il me semble toutefois, que la prescription doit jouer. Et puis, il y a autre chose." 



Et le grand duc Dimitri, très pâle, faisant effort pour dominer l’émotion grandissante qui naît avec violence de l’évocation de l’odyssée tragique qui commença pour lui le 16 décembre 1916, jour de l’assassinat de Raspoutine, murmure très bas : "Justice a déjà été faite. L’affaire a été jugée en Russie, par le Tsar." 



Consigné et déporté en Perse.



"Certes, au lendemain du crime, je n’ai pas été interrogé sur le fond, encore que j’aie été consigné durant huit jours dans mes appartements, sous la garde de sentinelles qui occupaient jusqu’à ma salle de bains. Par deux fois pourtant, j’avais demandé à l’empereur de me faire juger par un conseil de guerre comme un simple soldat. Par deux fois, les juges militaires se réunirent pour décider de mon sort, mais le tsar ordonna dans chacune de ces circonstances, l’arrêt des débats. 


N’empêche, une sanction intervint. Je fus déporté en Perse dans un poste terrible. Croyez bien que cet exil fut pour moi une véritable punition. Je fus, durant le voyage et tout le temps de ma déportation, considéré comme un détenu politique n’ayant pas le droit de recevoir de courrier fermé et ne pouvant disposer de sa personne.


Jamais encore je n’ai raconté l’histoire de mon exil. Je vous la confierai bientôt. Elle est dramatique. 


L’empereur me sauva en m’éloignant de Pétrograd. Si j’étais demeuré en Russie, j’aurais été massacré avec la famille impériale, assassiné, comme le fut mon père, par les bolcheviks. 


La silhouette du grand-duc s’est légèrement voûtée, comme s’il voulait se rassembler sur lui-même pour mieux supporter le poids d’un des drames passés les plus douloureux. Et l’on sent, en même temps, qu’il se replie pour mieux faire voler en éclat la question qui surgira d’un nom qu’il n’a pas encore prononcé, qu’il ne prononcera pas : Raspoutine ! 



Les motifs de l'assassinat.


"Je savais vaguement, me déclare le grand-duc, lorsque je veux lui imposer le souvenir du fameux Staretz, qu’une de ses filles habitait Paris. Je crois, d’ailleurs, qu’un autre de ses enfants s’est également fixé en France."



Et subitement, avec un accent étranger, le grand-duc me déclare en martelant les mots :  


"Monsieur, nous avions décidé de le tuer pour le bien de la patrie, dans une crise de délire patriotique. Je croyais que sa disparition fortifierait le trône de Russie. 


Le meurtre a été inutile. Nul n’aurait dû le raconter. Aurait-il même été suivi des conséquences heureuses que nous escomptions, que tous ceux qui l’accomplirent auraient dû se faire un devoir de garder ce drame secret. 


Quand on commet un acte extrême avec foi, avec spontanéité, on doit vivre avec des souvenirs, ne rien rapporter au public et mourir avec sa discrétion, non pas par crainte des responsabilités, mais pour laisser au geste sa véritable atmosphère. 



Il ne fallait pas raconter la nuit tragique.


"Le prince Youssoupoff a eu tort d’écrire un livre sur le drame. J’ai tout fait pour l’empêcher de le publier ; il n’a pas cédé à mes prières. Il a perdu, du coup, mon amitié. Depuis cinq ans, je ne le rencontre plus." 



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LIVRE LA FIN DE RASPOUTINE
PAR LE PRINCE YOUSSOUPOFF



Et avec excitation, le grand-duc Dimitri répète : 

"Il ne fallait pas raconter la nuit du 16 décembre. 


Voici douze ans que la tragédie s’est déroulée. Je n’en ai encore jamais parlé à personne. Ma femme, ma sœur, ne m’ont jamais entendu dire un mot de ces heures sanglantes. La même force qui me poussa alors à agir m’interdit de lever un coin du voile. 


— Celui que souleva le prince Youssoupoff, permet-il de reconstituer exactement le drame ? 


— Je n’ai jamais voulu entr'ouvrir le livre du prince Youssoupoff, répond le grand-duc."



 "Je n'ai pas de sang sur les mains".



— Raspoutine a-t-il été assassiné dans un sous-sol de l’appartement du prince ? 

— Oui.

 — Vous n’avez pas assisté au meurtre ? 

— Je n’ai pas de sang sur les mains. Je me trouvais avec trois compagnes dans une chambre du premier étage, quand il fut abattu. 

— Est-ce le prince qui tira tout d’abord sur Raspoutine ? 

— Oui. 

— Lui aviez-vous prêté votre revolver ? 

— Oui. 


Sur cette dernière affirmation, le grand-duc s’éloigne, le visage triste, les traits tirés, sans répondre aux saluts des serveurs pliés en deux, qui multiplient à l’infini leurs "Au revoir Monseigneur". 



Une controverse juridique.



De Paris, on communique la note suivante : 

On annonce que le prince Félix Youssoupoff, assigné par la fille de Raspoutine, a choisi pour défenseur Me de Moro-Giafferi. 


Le débat portera sur le point de droit suivant : Les tribunaux français peuvent-ils connaître d’un procès entre étrangers lorsque l’objet en litige est l’action civile née d’un crime commis à l’étranger ? 


Mais il ne s’agit même pas d’un procès entre étrangers, puisque Marie Grigorievna Solovieff, née Novick, fille de Raspoutine, âgée aujourd’hui de trente ans et qui habite actuellement Paris, a perdu sa nationalité russe en raison de l’article premier du décret du Comité central exécutif de l’U. R. S. S. d’octobre 1924, qui a prononcé cette déchéance contre tous les émigrés qui ont quitté la Russie. 


Mme Marie Grigorievna-Noviek se trouve donc "heimatlos", c’est-à-dire sans patrie ni nationalité juridique. Mais le prince Félix Youssoupoff et le grand-duc Dimitri Pavlovitch, qu’assigne la fille de Raspoutine, sont également "heimatlos". 


D’ailleurs, la jurisprudence française à l’heure actuelle, est fixée et déclare que les tribunaux français peuvent donner accès aux Russes réfugiés en France. 


Toutefois, la difficulté la plus sérieuse que rencontre l’action de la fille de Raspoutine est la prescription de dix années, qui, d’après la loi française, interdit toute action, soit civile soit pénale, basée sur un fait criminel. Quoi qu’il en soit, une controverse juridique s’engager entre Me Maurice Garçon et Me de Moro-Giafferi à la rentrée d’octobre sur le problème historique encore mystérieux de la mort de Raspoutine. 



Chez Me de Moro-Giafferi.




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MAÎTRE VINCENT DE MORO-GIAFFERRI



D’autre part, un de nos confrères a pu voir une personne de l’entourage immédiat de Me Moro-Giafferi qui lui a fait les déclarations suivantes : 


Me de Moro-Giafferri a, en effet, accepté d’assister le prince Youssopoff dans le procès que lui intente la fille de Raspoutine. Le prince est devenu un peu le compatriote d’élection de Me de Moro-Giafferri, car, depuis qu’il a quitté la Russie, s’il dirige à Paris une importante affaire, il séjourne régulièrement chaque année de quatre à cinq mois en Corse. 


Au point de vue droit, il est probable que l’avocat du prince contestera la compétence des tribunaux français, ceux-ci n’ayant pas à connaître d’événements ayant eu lieu à l’étranger et n’ayant eu pour auteurs que des étrangers qui n’ont été dénationalisés qu’ultérieurement. 


Il n’en demeure pas moins vraisemblable qu’au cours des débats sera évoqué, avec une précision de détails inédite, le meurtre historique du staretz Grigory Raspoutine. On sait que le prince Youssoupoff se considère fondé à démontrer que le moine russe fut, en réalité, l’agent de l’Allemagne et que c’est à l'instigation de celle-ci qu’il trahit son pays et hâta l’écroulement de l’empire des tsars. 


Ainsi, ce procès entre particuliers apparaîtra d’une importance historique de tout premier plan, le prince Youssoupoff n’ayant jamais eu l’intention de renier la responsabilité d’un acte qu’il a toujours revendiqué hautement devant l’histoire."



A suivre...



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