LE GRAND-DUC DIMITRI PAVLOVITCH EN 1928.
Dimitri Pavlovitch de Russie, grand-duc de Russie, cousin du tsar Nicolas II, a fait partie de la conjuration pour assassiner Raspoutine, le 30 décembre 1916.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et du Pays basque, le 18 juin 1928 :
"L'Affaire Raspoutine
Les 25 millions de la fille du "staretz".
Ce que répond, à Biarritz, le grand-duc Dimitri à la demande de Mme Solovieff, fille de Raspoutine, qui l'accuse d’avoir, avec le prince Youssoupoff, assassiné son père.
PRINCE FELIX FELIXOVITCH IOUSSOUPOV |
Le grand duc Dimitri ne sait que depuis quelques heures, que son nom suivant de très près celui du prince Youssoupoff, vient d’être épinglé dans la collection de l’actualité judiciaire.
Un journal qu’il tient encore entre les mains à l’heure où je le rencontre, s’est chargé de lui porter sur la Côte d’Argent, la nouvelle de l’assignation lancée par la fille de Raspoutine.
C’est donc une impression de surprise toute fraîche que le cousin germain du tzar accepte tout d’abord de communiquer à un collaborateur du "Matin", dans ce bar de Biarritz, où avec une bonne grâce légendaire, il distribue à chacun et dans toutes les langues, des salutations que l’on s’empresse de recueillir.
Grand, mince, racé jusqu’au fond des yeux qui sont d’un bleu clair étrange, la silhouette jeune, le grand duc parle en prolongeant ses phrases par un geste du bras très particulier, comme s’il voulait donner à manger les mots, dans le creux de sa main.
"J’ai été pris à un tel point au dépourvu par le procès, me dit-il, que je n’ai même pas encore fait choix d’un avocat. En conséquence ne possédant pas de conseiller, je ne saurais, pour l’instant, formuler d’objections juridiques.
Il me semble toutefois, que la prescription doit jouer. Et puis, il y a autre chose."
Et le grand duc Dimitri, très pâle, faisant effort pour dominer l’émotion grandissante qui naît avec violence de l’évocation de l’odyssée tragique qui commença pour lui le 16 décembre 1916, jour de l’assassinat de Raspoutine, murmure très bas : "Justice a déjà été faite. L’affaire a été jugée en Russie, par le Tsar."
Consigné et déporté en Perse.
"Certes, au lendemain du crime, je n’ai pas été interrogé sur le fond, encore que j’aie été consigné durant huit jours dans mes appartements, sous la garde de sentinelles qui occupaient jusqu’à ma salle de bains. Par deux fois pourtant, j’avais demandé à l’empereur de me faire juger par un conseil de guerre comme un simple soldat. Par deux fois, les juges militaires se réunirent pour décider de mon sort, mais le tsar ordonna dans chacune de ces circonstances, l’arrêt des débats.
N’empêche, une sanction intervint. Je fus déporté en Perse dans un poste terrible. Croyez bien que cet exil fut pour moi une véritable punition. Je fus, durant le voyage et tout le temps de ma déportation, considéré comme un détenu politique n’ayant pas le droit de recevoir de courrier fermé et ne pouvant disposer de sa personne.
Jamais encore je n’ai raconté l’histoire de mon exil. Je vous la confierai bientôt. Elle est dramatique.
L’empereur me sauva en m’éloignant de Pétrograd. Si j’étais demeuré en Russie, j’aurais été massacré avec la famille impériale, assassiné, comme le fut mon père, par les bolcheviks.
La silhouette du grand-duc s’est légèrement voûtée, comme s’il voulait se rassembler sur lui-même pour mieux supporter le poids d’un des drames passés les plus douloureux. Et l’on sent, en même temps, qu’il se replie pour mieux faire voler en éclat la question qui surgira d’un nom qu’il n’a pas encore prononcé, qu’il ne prononcera pas : Raspoutine !
Les motifs de l'assassinat.
"Je savais vaguement, me déclare le grand-duc, lorsque je veux lui imposer le souvenir du fameux Staretz, qu’une de ses filles habitait Paris. Je crois, d’ailleurs, qu’un autre de ses enfants s’est également fixé en France."
Et subitement, avec un accent étranger, le grand-duc me déclare en martelant les mots :
"Monsieur, nous avions décidé de le tuer pour le bien de la patrie, dans une crise de délire patriotique. Je croyais que sa disparition fortifierait le trône de Russie.
Le meurtre a été inutile. Nul n’aurait dû le raconter. Aurait-il même été suivi des conséquences heureuses que nous escomptions, que tous ceux qui l’accomplirent auraient dû se faire un devoir de garder ce drame secret.
Quand on commet un acte extrême avec foi, avec spontanéité, on doit vivre avec des souvenirs, ne rien rapporter au public et mourir avec sa discrétion, non pas par crainte des responsabilités, mais pour laisser au geste sa véritable atmosphère.
Il ne fallait pas raconter la nuit tragique.
"Le prince Youssoupoff a eu tort d’écrire un livre sur le drame. J’ai tout fait pour l’empêcher de le publier ; il n’a pas cédé à mes prières. Il a perdu, du coup, mon amitié. Depuis cinq ans, je ne le rencontre plus."
LIVRE LA FIN DE RASPOUTINE PAR LE PRINCE YOUSSOUPOFF |
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