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dimanche 16 juillet 2023

JEAN YBARNÉGARAY DÉPUTÉ DE MAULÉON ET LES RÉFUGIÉS AU PAYS BASQUE EN 1939


YBARNÉGARAY ET LES RÉFUGIÉS EN 1939.


Michel Albert Jean Joseph Ybarnégaray, né le 16 octobre 1883 à Uhart-Cize (Basses-Pyrénées) et mort le 25 avril 1956 à Paris, est un homme politique français, personnage incontournable du Pays Basque Nord pendant une trentaine d'années.




pays basque autrefois député droite
YBARNEGARAY EN 1932
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta au sujet de sa position par rapport aux réfugiés Républicains espagnols, 

dans le quotidien L'Ouest Eclair, le 11 mars 1939 :



"La guerre d'Espagne et ses répercussions. Le débat de la Chambre française sur les réfugiés.


"Paris, 10 mars. -SI les tribunes du public sont combles lorsque, à 15 heures, M. Herriot donne le signal de l'ouverture du débat sur la présence, en France, des réfugiés espagnols, les travées présentent des vides nombreux. Il est vrai que la bataille — si bataille il y a — ne se livrera que mardi. 



M. Sarraut occupe seul le banc du gouvernement. M. Rous, député socialiste des Pyrénées-Orientales monte à la tribune pour interpeller sur les mesures que le gouvernement compte prendre en présence de la retraite des combattants espagnols en territoire français, et sur le point de savoir s'il entend appliquer à leur égard les dispositions du droit commun international.



député ministre france intérieur 1939
ALBERT SARRAUT
MINISTRE DE L'INTERIEUR EN 1939



L'orateur proclame que la France ne pouvait faire autrement que d'accueillir les femmes et les enfants menacés par les bombardements aériens. 



M. Rous. — En ouvrant également sa frontière aux Miliciens, elle a évité que des combats violents ne se livrent à quelques kilomètres de la frontière française. La Suisse avait agi de même en 1871, en donnant asile aux soldats de Bourbaki.



"— Aucun rapport s'écrie à droite M. Beaudoin. C'étaient des soldats ; ce n'étaient pas des fuyards !"



Premier incident.


Et le premier incident de la journée éclate. Il dure peu. Lorsqu'il s'est apaisé, M. Rous, devant une assemblée à chaque instant plus nombreuse, invoque les généreuses traditions latines et les règles du droit international.



MM. G. Bonnet, Rucart, de Chappedelaine sont venus rejoindre le ministre de l'Intérieur au banc du gouvernement.



député ministre marine marchande 1939
LOUIS DE CHAPPEDELAINE
MINISTRE DE LA MARINE MARCHANDE EN 1939



Le député de Prades évalue à 274 millions les sommes déjà dépensées pour les réfugiés et à un demi-milliard le total des crédits nécessaires ce qui est évidemment préoccupant. 



"Mais la note, estime M. Rous, pourrait être présentée au général Franco. En attendant, la France serait bien inspirée de garder en gage le matériel militaire qui est en sa possession."



Le second interpellateur est M. Ybarnégaray. Le député des Basses-Pyrénées chiffre à 450 000 le nombre des réfugiés, dont 220 000 miliciens et 40 000 hommes valides. "Cette présence, dit-il, nécessite la mobilisation permanente de régiments et de gardes mobiles. La dépense totale est de 7 millions par jour".



L'orateur affirme que la résistance des Républicains sur le front de Catalogne a été inexistante.



M. Ybarnégaray. —  Après 40 jours de campagne, l'armée franquiste, forte de 350 000 hommes, comptait, sur un front de 120 kilomètres, 320 tués. Barcelone ne s'est pas défendue. On a parlé d'une armée de héros qui lutterait jusqu'à la mort. La vérité c'est la trahison et la lâcheté des chefs. (Applaudissements à droite et au centre, vives protestations à gauche).


"15 jours avant la reddition de Barcelone, expose maintenant M. Ybarnégaray, M. Azana avait été prévenu par les généraux que toute résistance était inutile. Mais MM. Négrin et del Vayo avaient établi un barrage entre le président Azana et notre ambassadeur ".



M. Brun s'en prend alors à M. Ybarnégaray avec une telle véhémence que M. Herriot, son chapeau à la main, menace de suspendre la séance. 



"Ces renseignements, tonne M. Ybarnegaray, ont été donnés par M. le ministre des Affaires Etrangères en commission".



M. Bonnet rectifie une assertion de M. Ybarnegaray 


homme politique france ministre affaire étrangères 1939
GEORGES BONNET
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES EN 1939
Par Harris & Ewing — Cette image est disponible sur la Prints and Photographs division de la Bibliothèque du Congrès des États-Unis sous le numéro d’identification hec.22365.Ce bandeau n’indique rien sur le statut de l’œuvre au regard du droit d'auteur. Un bandeau de droit d’auteur est requis. Voir Commons:À propos des licences pour plus d’informations., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6680918





— "Vous faites une erreur de date, rectifie M. Bonnet. Les conversations auxquelles vous faites allusion se placent au début de février, quelques jours avant que M. Azana ne vienne à Paris.



— Vous nous avez dit que, dès le 12 janvier, le général Miaja avait prévenu M. Azana de l'inutilité d'une résistance . que M. Azana avait appelé à trois reprises notre ambassadeur et que M. Négrin et M. del Vayo avaient négligé de faire tenir le message." (Sensation).



homme politique espagne ministre républicain
JUAN NEGRIN
PRESIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES D'ESPAGNE 1939
Par Auteur inconnu — Канторович А. (сост.) Чапаев. Батальон двадцати одной национальности. М.: Художественная литература, 1939., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=59286283



"Si les femmes, les enfants, les vieillards ont fui avec un tel ensemble, estime M Ybarnégaray, c'est qu'ils avaient été affolés, car, enfin, qu'est-ce qu'ils risquaient ? (Vives protestations à gauche, applaudissements à droite.)



Mais ce que l'orateur regrette surtout, c'est que l'on ait laissé passer avec eux, pêle-mêle avec les miliciens, les pillards, les incendiaires, les assassins.



M. Ybarnégaray. — "Ce sont ceux-là qui se sont implantés chez nous, ce sont ceux-là qui sont bien décidés à n'en pas sortir. (Applaudissements à droite et au centre.) Rien qu'à Argelès, 2 millions de dégâts ont été commis et à Port-Bou se sont produites de véritables scènes de pillage." 

Les communistes ne cessent d'interrompre.



"J'en ai assez ! prévient M. Herriot. (Applaudissements à droite.)


homme politique france radical ministre président conseil
EDOUARD HERRIOT
PRESIDENT DE LA CHAMBRE DES DEPUTES 1939


"Les choses que j'ai à dire, s'écrie M. Ybarnégaray, quelle que soit l'obstruction, je les dirai (Applaudissements à droite et au centre.)


Des prodiges de dévouement, dit l'orateur, ont été accomplis en faveur des blessés espagnols abandonnés par leurs majors et leurs infirmiers. Ce qu'il faut qu'on sache, c'est que les voitures sanitaires payées par les cotisations ouvrières, au lieu de servir aux blessés, ont servi à ramener en France les officiers fuyards."


En terminant, M. Ybarnégaray demande au gouvernement ce qu'il compte faire.


"La France ne peut plus supporter le lourd fardeau que fait peser sur elle la présence de 450 000 réfugiés. Pourquoi sommes-nous d'ailleurs les seuls à accomplir ce devoir d'hospitalité dont on nous félicite ?"



L'orateur signale à cet égard le peu d'empressement de l'Angleterre, des Etats-Unis et de l'U.R.S.S., qui s'est bornée à offrir 5 millions.


"Si, en Espagne républicaine, on a mangé un peu, interrompt M. Brun, communiste, ce n'est pas grâce à la France, mais grâce à l'U.R.S.S. Pourquoi d'ailleurs, si l'on cherche de l'argent, ne pas retenir l'or et les armes que l'on veut rendre au générale Franco ?



— La Russie seule a aidé l'Espagne républicaine s'étonna M. Ybarnégaray. Alors les quêtes que l'on a faites chez nous inlassablement ?... (Applaudissements à droite et au centre.) 


Cependant, M. Ybarnégaray insiste sur le danger que courraient les populations du Sud-Ouest si par malheur la situation internationale exigeait la présence de tous les hommes sous les drapeaux. Il veut croire que le premier acte du maréchal Pétain sera d'insister auprès du général Franco pour qu'il ouvre toute grande la frontière. Après sa victoire, le général accomplira sans doute un geste généreux d'amnistie politique.



"Mais, dit l'orateur, les malfaiteurs, les assassins, qu'en ferons-nous ? Et les réfugiés clandestins et les membres de la F. A. I. et les volontaires internationaux ?"



M. Ybarnégaray apostrophe M. Marty.


homme politique france communiste 1939
ANDRE MARTY
DEPUTE DE LA SEINE 1939
DIRIGEANT DU PARTI COMMUNISTE FRANCAIS



Tourné vers M. Marty. M. Ybarnégaray s'adresse à lui :


"Je ne vous ai jamais attaqué, dit-il, car je ne savais rien de précis sur votre action. Mais nous savons tous le rôle important que vous avez joué dans la constitution des brigades internationales. Or des soldats de ces brigades vous accusent, dans des lettres, des journaux et au prétoire. Ils portent contre vous la plus terrible des accusations. S'ils disent vrai, vous êtes un assassin. (Mouvements divers.) S'ils mentent, ce sont d'abominables calomniateurs. (Applaudissements à droite.) Ce que nous voulons savoir dans cette assemblée, c'est si vous êtes digne d'y siéger." (Applaudissements à droite et au centre.)



M. Marty lit une réponse tendant à le justifier.


M. Marty, de son banc, lit un papier expliquant le rôle et la composition des brigades internationales.


"Ce n'est pas la question" s'indigne M. Vallat.


Nouvel incident. Mais M. Marty finit par aborder le point délicat.


"Vous avez fait état, dit-il, de certaines accusations. Les accusateurs, ce sont des agents fascistes envoyés là-bas pour tâcher de démolir les brigades internationales. Ils n'y ont pas réussi : ils se vengent." (Hilarité à droite.)


"Assassin !" crient quelques députés de droite.


Les communistes font mine de s'élancer, puis renoncent.


M. Marty achève la lecture de son papier. On croit comprendre qu'il invoque certains témoignages ; mais sa voix se perd dans le tumulte. Les communistes sont seuls à applaudir. 


M. Ybarnégaray assure que M. Max Dormoy a dit au congrès socialiste que M. Marty baignait dans une mare de sang.


"Non ! Non !" assurent les socialistes.


"Je demande qu'une enquête soit ouverte afin de savoir si M Marty est coupable des crimes dont on l'accuse lance M. Ybarnégaray en fermant son dossier. (Protestations à l'extrême-gauche.)



Les applaudissements de la droite et du centre crépitent, et la séance est suspendue.


A la reprise, on entend M. Tillon, député communiste de la Seine. Il s'efforce de démontrer que les soldats et réfugiés internés en France ont été l'objet de sévices nombreux et qu'ils n'ont pas toujours reçu les soins que nécessitait leur état.



"Puisque l'U.R.S.S., déclare M. Tillon, ne nous reproche pas de recevoir des Russes Blancs, nous ne saurions lui reprocher de ne pas recevoir les Rouges d'Espagne."



Lorsqu'il a quitté la tribune, M. Philippe Henriot le remplace. Comme l'avait fait M. Ybarnégaray, le député de la Gironde se plaint de l'invasion du Sud-Ouest par les réfugiés espagnols, car, avec de très braves gens, dit-il, il y a aussi une quantité de repris de justice.



A son tour M. Henriot signale les inquiétudes de M. Albertin, député-maire radical de Béziers, et celles de M. Félix, ancien député socialiste, maire d'Agen.



Les accusations de M. Henriot.



homme politique député gironde extrême droite
PHILIPPE HENRIOT
DEPUTE DE LA GIRONDE EN 1939



Il énumère des actes de brigandage commis par des hôtes indésirables ;  il rappelle qu'avant de franchir la frontière française, certains fuyards ont fusillé des otages, comme l'évêque de Terruel.



Quels sont les responsables de ces horreurs ? Ouvrant l'histoire officielle de la 14e Brigade Internationale éditée à Madrid en 1937, le député de la Gironde montre en quels termes élogieux M. Marty, revêtu de l'uniforme, fut présenté aux Brigades Internationales. A cette occasion, on rappela qu'il prit la tête de la rébellion des marins français dans la Mer Noire. Un peu plus loin, il est indiqué que M. Marty, inspecteur général, occupait avec M. Vital Gayman, conseiller municipal de Paris, le quartier général d'Albacète.



Poursuivant, M. Henriot indique que, d'après ce document, M. Marty a requis la peine de mort contre un Français, le commandant Delesalle, de la Brigade Internationale, accusé de trahison.



"C'est faux ! "crie le député communiste, soutenu par ses amis.



Mais M. Galandou Diouf, député du Sénégal, s'est dressé.


"Delesalle, lance-t-il, est un commerçant conseiller général de chez moi. Il a été fusillé, comme vous le dites." (Sensation).


"C'est faux !" répète M. Marty, tandis que résonne le mot : Assassin ! Assassin !



L'interpellateur ne croira au démenti de son collègue communiste que le jour où celui-ci intentera, des poursuites à l'éditeur.


Les clameurs redoublent. C'est en vain que le président, les bras au ciel, réclame un peu de calme. Mais une accalmie finit par se produire. L'interpellateur en profite pour exposer qu'en mars 1937, 34 responsables du parti communiste, conduite par M. Mauvais, ont pu passer en Espagne sans autre pièce officielle que la carte du parti. 


M. Henriot conte maintenant comment 67 volontaires internationaux dont 12 français, revenant à Barcelone, ne furent pas remis à leur consul respectif, mais placés "en lieu sûr", sur les ordres de Marty.


Le 2 février, à 19 heures, ils étaient informés qu'ils étaient condamnés a rejoindre une compagnie de fortifications composée de Polonais. Quelques-uns s'enfuirent, mais on ne sait ce que sont devenus les autres.



L'orateur conclut : "Si l'enquête vérifie ce qui vient d'être exposé, il faudra se souvenir que d'après la loi, tout Français qui prend du service dans une armée étrangère, est déchu de ses droits et de sa nationalité. Il s'agit de savoir si M. Marty a le droit de rester à la Chambre."



Il est 19 h. 30. La suite du débat est renvoyée à mardi, et la séance est levée."




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