Libellés

lundi 26 septembre 2022

UNE VISITE AUX PETITS RÉFUGIÉS BASQUES EN JUIN 1937

UNE VISITE AUX PETITS RÉFUGIÉS BASQUES EN 1937.


Pendant la Guerre civile d'Espagne, des milliers d'enfants ont dû s'exiler et ont été accueillis dans de nombreux pays, dont la France.



pays basque histoire guerre civile réfugiés enfants
ENFANTS BASQUES REFUGIES JUIN 1937



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Regards, le 10 juin 1937 :



"Les enfants bombardés.



Visite aux petits réfugiés Basques.



Ils étaient cinq dans la famille de cet ouvrier de Valence. L'aîné venait de tomber. Les deux grands voulaient se battre à sa place. Les deux petits — un garçon de dix ans et une fillette de huit — refusaient, eux aussi, de partir. Mais le père avait décidé de les sauver. Tant bien que mal on réussit à les embarquer. Déjà en route, ils se révoltèrent. "On nous emmène dans un pays fasciste !". En vain le Français qui s'était chargé d'eux argumentait-il. La petite fille avait pris la tête de l'insurrection et son frère la suivait fidèlement. Arrivés à Paris, accueillis à bras ouverts par une famille où l'on parlait même l'espagnol, les deux enfants restèrent farouches, dressés : "Nous voulons retourner en Espagne !"



Une amie qui a assisté à l'entretien me dit : "Je ne comprends pas l'espagnol. Mais jamais je n'oublierai le ton, l'accent, le jeu de mains et de regards, de cette petite Espagnole de huit ans. Plus tard j'ai su qu'elle disait : "Je ne veux pas être une réfugiée ! Je ne vois pas pourquoi je serai sauvée, quand d'autres mourront ! Si on bombarde Valence, qu'on me bombarde aussi !"



Elle refusa de manger. Son frère l'imita. Epouvantés par cette grève de la faim, ne sachant comment agir en face d'une détermination aussi absolue, ceux qui avaient adopté les deux enfants consultèrent l'ambassadeur d'Espagne. On les conduisit à l'Ambassade. Et pendant près d'une heure l'homme qui représentait à Paris le gouvernement de son pays en guerre, discuta avec la petite fille de Valence, huit ans. Discuta comme avec une grande personne. Puis il sortit et dit à ceux qui attendaient :

"Rien à faire. Nous n'avons pas le droit de les retenir ici contre leur volonté. On les renverra à Valence. "



Alors seulement la petite fille consentit à manger. Et le peu de temps qu'elle resta à Paris jusqu'à son départ, elle joua, gambada, rit avec tout le monde. Elle était redevenue une enfant.



J'ai vu une autre petite fille espagnole, dans un joli jardin d'enfants près du Parc Montsouris. La famille qui l'a adoptée l'envoie là, et son frère, recueilli par une famille voisine, y vient aussi. Elle est entrée, toute froufroutante dans sa robe claire, un grand nœud de soie dans ses cheveux bouclés. Nous venions de voir les petits Basques, les cent derniers arrivants, entièrement rasés. Il a bien fallu, par mesure d'hygiène, s'y décider ! Mais ils ont l'air, avec leurs têtes tondues, de petits forçats. Echappés de ce bagne d'enfants d'un nouveau genre qu'est Bilbao !



Leurs grands yeux leur mangent tout le visage. C'est l'heure de la sieste; ils sont étendus sur leurs lits dans la pénombre de l'immense dortoir. La tête nue, les pieds nus, le petit bout de corps maigriot enveloppé dans le tricot ou le blouson qu'ils ont porté pendant tout le voyage. Ils ont grand besoin de vêtements. On leur en envoie, mais ce n'est jamais assez. L'Hôpital Espagnol au 53, rue de la Pompe, dès que ceux-là seront casés, en recevra une centaine d'autres. Ils arrivent tout juste avec ce qu'ils ont sur le dos ; l'Office de l'Enfance qui fonctionne à Bilbao les a recrutés à la hâte, tantôt amenés par leurs parents, qui veulent sauver au moins les plus petits, tantôt égarés sans qu'on sache où se trouve la famille, tantôt déjà orphelins.


guerre civile espagne réfugiés enfants
HÔPITAL ESPÄGNOL
53 RUE DE LA POMPE PARIS 16ème



Des adolescentes, de quelques années à peine plus âgées qu'eux, les ont accompagnés sur le bateau, comme surveillantes improvisées. L'une était infirmière ; sa sœur n'a pas voulu partira elle est restée avec leur mère, dans la ville. Une autre faisait des cigarettes ; elle ne sait pas où sont les siens. "Quand nous partions, un avion allemand est apparu. Les enfants l'ont vu. Tous, nous pensions déjà que c'était fini. Mais après avoir tourné au-dessus de nous, il s'est éloigné. Nous ne savons pas sur qui il a jeté ses bombes."



Un tout jeune blessé de guerre, qui parle le français avec un accent parisien — il a fait son éducation dans un lycée de Paris, est reparti chez lui, s'est engagé, a reçu une balle dans le ventre, est ici en convalescence — nous sert d'interprète auprès des enfants. Les grands garçons de douze ans, l'œil intelligent, alerte, sont à l'affût des questions ; ils tâchent, prêtant l'oreille à la langue inconnue, d'en deviner le sens.


- Savez-vous quel est le gouvernement du pays où vous êtes ? 

— Républicain !

— De gauche !

— Pas de roi !



Pour bien accentuer ce fait, tous les petits poings bronzés se lèvent à la fois.

— Où préférez-vous aller : dans une institution avec beaucoup d'enfants, ou dans une famille ?

— Une famille ! Une famille !



La réponse est unanime. Tous préfèrent une famille. Sans doute ont-ils en eux l'image de quelque orphelinat rigide, où l'on marche en silence deux par deux, un pion noir devant, un pion noir derrière. En tout cas, le vœu de ceux-ci sera exaucé : dans quelques jours, par les soins du Comité d'Accueil de la C. G. T., chacun d'eux sera placé dans un foyer. Familles ouvrières, dont beaucoup ont cinq, six, huit enfants : "Ça ne fait rien, on prendra encore ç'ui-là ! Quand y en a pour tant, y en aura pour ç'ui d' Bilbao ! Un d'plus, c'est pas une affaire !"




histoire guerre civile réfugiés basques enfants
ENFANTS BASQUES REFUGIES JUIN 1937




La Maison Espagnole de la rue de la Pompe, non seulement reçoit jusqu'à leur adoption les petits arrivants basques, mais depuis quelques mois, héberge en permanence une centaine d'enfants. Une école franco-espagnole a été créée sous les arcades pleines de grâce de l'ancien couvent. Le Dr Guillermo Angulo la dirige, lui qui était professeur à l'Ecole de Puériculture de Madrid ; aujourd'hui, cette école est détruite.



Près de 4 000 enfants d'Espagne et du Pays Basque sont placés jusqu'à présent par le Comité d'Accueil dans des familles ou dans des colonies. Une quinzaine de centres, dans tous les coins de la France, les ont accueillis : il y en a maintenant, de ces petits visages mats et volontaires, dans le Camp de la Mauresque, à Port-Vendres ; dans le Camp des Ecureuils, à Cap-Breton ; à la Colonie de l'Enfance Heureuse, en l'Ile d'Oléron ; au Château des Halles, à Sainte-Foy-l'Argentière ; et dans dix autres encore, sans compter la Maison du Comité Français de Secours aux Enfants, à Compiègne, entretenue par les ouvriers suédois, et l'Ecole de plein air de Dabeaux, avec les cinquante-cinq enfants d'instituteurs espagnols que recueillent des familles d'instituteurs français.



Et les avions hitlériens continuent à bombarder...



Involontairement, devant les petites têtes rasées appuyées aux sveltes colonnettes de la cour de couvent, je me rappelle d'autres enfants réfugiés, ceux-là dans une cour de caserne. C'est le printemps 1933, le vent souffle, les vitres de la caserne désaffectée sont cassées, les paillasses sont à même le sol, il n'y a pas de lumière dans les escaliers, la zone de la Porte de Clignancourt empuantit la route, les enfants avec leurs mères sont là, — les enfants de socialistes, de communistes, de démocrates, de Juifs allemands chassés par Hitler.


Ce sont les mêmes enfants.



histoire guerre civile réfugiés basque enfants
ENFANTS BASQUES REFUGIES JUIN 1937



C'est le même hitlérisme.


Seulement, depuis, il a forgé de nouvelles bombes.



On peut envoyer les dons en argent à : "Regards", ou au Comité d'Accueil de la C. G. T., 211, rue Lafayette."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire