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mardi 27 septembre 2022

L'OPÉRA-COMIQUE "GUERNICA" DE PEDRO GAILHARD ET DE PIERRE-BARTHÉLEMY GHEUSI EN 1895

L'OPÉRA "GUERNICA" EN 1895.


"Guernica" est un opéra lyrique en 3 actes, écrit en 1895 par P. Gailhard et P.B. Gheusi, avec une musique de Paul Vidal.

Cet opéra a été présenté pour la première fois à l'Opéra-comique le 5 juin 1895.




opera comique guernica 1895
DRAME LYRIQUE GUERNICA 1895



Voici ce que rapporta le quotidien Le Mot d'Ordre, le 10 juin 1895 :



"Opéra-Comique, — Guernica, drame lyrique en trois actes, de MM. Gailhard et Gheusi, musique de M. Vidal. 



Deux poètes, MM. Gailhard et Gheusi, inspirés d’excellentes intentions, ont élu un sujet héroïque et quasi cornélien dans un cadre ornementé par maints souvenirs d’opéra ; un musicien a déchaîné dans l'orchestre, à travers les voix des personnages, le torrent d’une musique de cuivre. Mais l’héroïsme de l’action retentit en ferblanterie comme les tonnerres de théâtre, singes de la foudre ; mais la prétention au drame lyrique du jeune compositeur toulousain se résout en un opéra romanesque de la plus vieille façon.



L’argument du poème est d'une extrême banalité : une jeune ville basque aime un capitaine de l’armée régulière espagnole ; bientôt elle doit convoler avec le "coquet guerrier", mais le frère de l'héroïne, engagé dans les rangs carlistes, combat pour l'indépendance communale des provinces basques. Ainsi il se trouve aux prises avec les troupes espagnoles et tombe sous les balles des soldats du fiancé de sa sœur. Celle-ci, séparée de son officier par le trépas de son frère, ne peut plus que "se vouer à Dieu" ; quant au capitaine, il décide de se faire tuer à la première affaire, il y a aussi un petit Perico, fils de Siebel, sans doute, pauvre garçon qui, énamouré en secret de la sœur, meurt généreusement à côté du frère.



S'il était d'aucune utilité de débattre avec les auteurs, peut-être essaierais-je d'indiquer que cette histoire des fueros et du Parlement basque de Guernica, sans doute importante à Toulouse, est dépourvu pour nous du moindre intérêt. Je piquerais le ballon des personnages, privés de vie autant que de passion, s’agitant vainement, hors du magasin de décors d'où ils proviennent. Comment une musique, forme d’art complète et concrète, pourrait-elle s'appliquer à de tels poncifs ? Ni la facilité, ni l’habileté, ni mime l’improvisation mélodique ne font défaut à la bruyante partition. Mais est-il rien qui vaille la peine d’être retenu dans la banalité tonitruante des trois actes ? faut-il ajouter du prix à des motifs mélodiques qui n’appartiennent pas à la situation et sont plaqués au petit bonheur ? Accordons une mention au duo d'amour, à la chanson de muletier, à la mélodie sur la montagne, ingrédients cuits à point de ce cassoulet lyrique.



Par exemple, nos poètes ont saisi l’occasion d'évacuer un lyrisme trop longtemps continu. Au deuxième acte, l'insurgé carliste déclame des strophes enflammées par la patrie et la liberté qui méritent d'être lues à tête reposée. Ce premier soir, elles durèrent et causèrent quelque émoi.



Les trois auteurs dont la modestie s’est contrainte à un effort de publicité, après s'être présentés eux-mêmes au public, l'ont renseigné sur leurs interprètes. Ils nous ont appris ainsi que Mlle Lafargue "réalisait l’idée complète de son rôle" puisqu’elle est originaire de Biscaye ; que Mlle Elven est "originaire de la région basque" ; qu’enfin Mlle Thévenet, qui chante dans la coulisse, est une Espagnole des Flandres. Sous l'empire de ces détails biographiques, nous rendrons hommage aux promesses de talent dramatique et à la voix ample et timbrée de Mlle Lafargue. Nous noterons une fois encore l’accent dramatique de M. Bouvet ; nous célébrerons l’agrément du ténorino de M. Jérôme et d’un ramage supérieur au plumage. Je parle de la suprématie de l’organe sur l’uniforme.


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PORTRAIT DE MLE LAFARGUE
PAR REUTLINGER


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SUZANNE ELVEN





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PHOTOGRAPHIE DE MAX BOUVET
PAR L'ATELIER NADAR



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 HENRI JEROME


La soirée s’ouvrait par Pris au piège. C'est un badinage sans prétention, comme on dit, une réduction en bluette et en musiquette du Barbier. Le parolier et le musicien y collaborèrent gentiment.



La soirée.



Comme on me prévient que je n’ai pas beaucoup de place, ce soir, à ma disposition, je supprime tout préambule, et même je ne vous dis qu’un mot de celui de Guernica, on y entend l’Hymne carliste que l’on entendra de nouveau toutes les fois qu’il sera question, dans l’ouvrage, de fueros, d’indépendance, de patrie ; or on ne parle guère d’autre chose dans Guernica. Concluez.



M. Carpezat a construit, au premier acte, la maison Marco, toute garnie de guirlandes et de bouquets ; la Madone en a sa part : on peut dire que cette Vierge-là loge en autel garni ! Nella, toute noire et toute fleurie d’oeillets rouges, —- comme le cheval du général Boulanger, — écoute des mandolinistes et des joueurs de tutu-panpan lui jouer, dans le patio, une aubade qui reste trop peu de temps en fa dièze mineur pour s’encanailler en un petit allegretto bien connu, si connu ! Mon voisin exulte en voyant, au mur, une effigie de saint. Je lui demande pourquoi. Il me répond. "Chouette ! c’est saint Antoine ! Peut-être qu’on va nous montrer quelque chose de cochon !"



M. Mondaud a l’air d’un de ces vieux modèles italiens qui posent pour le Père Eternel chez les peintres pompiers ; mais ça n’empêche pas les sentiments, et il écoute avec une majesté condescendante les aveux de sa fille, Mon amour pour l’épouse que tu m’as destiné... motif qui reviendra dès que cette jeune personne parlera de son fiancé.


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ACTEUR OPERA FRANCOIS MONDAUD 


Le voilà, le fiancé : il n’est pas joli ! Bien que ce capitaine Mariano, du 46e, soit l’un des plus joyeux lurons de Bilbao, — sans doute un fort joueur de bilbaoquet, — je sens que, l’épousant, j'aurais du mal à lui être fidèle ; au lieu de boire du vin de coca Mariani. il lui faudrait se mettre au vin de cocu Mariano.



Dans la coulisse, M. Ragueneau chante l'Hymne carliste, dont voici le début en langue basque : Guernikako arbola, Dabede incatuba, Euskaldunen artean, Gustisz maitatuba ; ça n’est pas très clair, mais c’est si doux à l’oreille !




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CHANSON GUERNICACO ARBOLA

Habanera où les choristes déclarent que les amoureux vont "chercher la lune". C’est un peu grivois. Je ne dirai pas que cet épisode m’a paru comme la lune, et je passe au second acte.



Là plus de musique du tout ! Bouvet parle tout le temps, devant une petite Bourse, installe dans la corbeille des agents de change, pendant que les religieuses du voisinage égrènent des Ave Maria et finissent, émoustillées par l'éloquence de Bouvet, par entonner, elles aussi, Guernikako, Guernikaka. Quel drôle de pays !



Le troisième acte nous montre des soldats couchés avec leurs limousines, bien que la scène ne se passe pas dans la Haute-Vienne. La mignonne Elven, sous le travesti de Perica, impressionne favorablement les fauteuils d'orchestre. Coups de fusil, roulements de timbales. Le capitaine Mariano s’est orné d'une splendide paire d’éperons qui doit être bien commode pour courir dans les rocs (peut-être qu'il s'en sert pour piquer les croupes des monts ?).



Sur le cadavre de ce pauvre Juan (à qui tout à l'heure elle criait : Viens à moi, tout mon cœur t’appelle, avec une quinte augmentée assez poignante), Mlle Lafarge se lamente. Son motif de tendresse, qui a déjà fait les frais du dernier prélude, pleure encore à l'orchestre, haché par les rappels de l’hymne basque. La toile tombe.



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CHANT "GUERNIKAKO ARBOLA"
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ouvreuse loyale, je confesse qu’à la sortie le livret de MM. Gailhard et Gheusi est peu favorablement apprécié ; on lui attribue l'incertitude du succès, car enfin la pièce a marché gheusi-couça. On trouve que le directeur de l'Opéra aurait mieux fait de s’en tenir à ses attributions.



Chacun son métier, les Basques seront bien gardés."






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