LES INONDATIONS DE 1937.
Tout au long de l'Histoire, plusieurs crues historiques ont touché le Pays Basque, en particulier la Soule et la Basse-Navarre.
Je vous ai déjà parlé des crues de 1879, de 1895 et de 1913.
Voici ce que rapporta au sujet des inondations de 1937 le journal La Dépêche, le 5 octobre 1937,
sous la plume de Naychent :
"Des inondations ravagent le Pays Basque.
Dans la région de Mauléon et de Tardets, les gaves emportent ponts, routes, maisons et récoltes.
Pau, 4 octobre. — Dimanche, vers 19 heures, une crue du Saison, à la jonction des deux gaves, vers Tardets, se déclarait soudain avec une rapidité et une violence inouïes. Une heure plus tard, le gave ne fut plus qu'un torrent immense et furieux, dévastant tout sur son passage. Une trombe dévalant de la montagne où les eaux de pluie s'étaient accumulées avait provoqué le sinistre.
Le pont de la route de Larrau fut en partie détruit et deux maisons durent être évacuées en toute hâte dans le village de Licq-Atherey, déjà. si éprouvé il y a un a, par un incendie. Une maison et une grange ne résistèrent pas à la poussée des eaux, mais, fort heureusement, il n'y eut pas de victimes.
Le pont voûté du village a. été emporté ainsi que la passerelle de Laguenge, à Ados. Une maison envahie par le flot a dû être évacuée et dans beaucoup d'autres les habitants se sont réfugiés au premier étage ou dans les greniers.
A Haux. trois ponts sur quatre ont été détruits.
Partout c'est un spectacle de désolation. Les routes sont coupées et la plupart des communications interrompues. Sur de grandes étendues les champs sont ravinés. Toute cette belle vallée a terriblement souffert.
Le gave, après avoir exercé ses ravages, qui se chiffrent par des pertes considérables, a baissé de 6 mètres ce matin entre 2 et 7 heures.
A Mauléon le maximum était atteint à 1 heure du matin avec 9 mètres. Dans cette ville industrielle les dégâts sont également très importants. Les usines riveraines ont été inondées et des stocks de marchandises abîmés. Deux voitures automobiles ont disparu emportées par la masse liquide.
La décrue a commencé à se faire sentir vers 6 heures et, une heure plus tard, les eaux avaient baissé de plus de 6 mètres. La soudaineté du sinistre s'est donc fait sentir dans toute la vallée.
M. Maurice Mathieu, préfet des Basses-Pyrénées, accompagné du sous-préfet d'Oloron, s'est rendu sur les lieux où se trouvent déjà le capitaine et le lieutenant de gendarmerie.
Les secours s'organisent pour venir en aide aux sinistrés.
Un mort, plus d'un million de dégâts.
Mauléon. 4 octobre. — Une trombe d'eau d'une violence extrême s'est abattue hier dimanche 3 octobre sur toute la vallée : Licq-Tardets-Mauléon. La pluie n'ayant cessé de tomber durant toute la journée, le niveau du gave de Mauléon, le Saison, montait normalement, mais dans la soirée une véritable trombe s'est abattue, interrompant la circulation et occasionnant de graves dégâts.
Brusquement, vers 23 heures, le niveau du Saison montait à plus de 4 mètres et dépassait le pont de la rue Pasteur. Le gave inondait les caves des Galeries Modernes, les maisons et la fabrique d'espadrilles situées en bordure.
GALERIES MODERNES MAULEON PAYS BASQUE D'ANTAN |
Malgré le dévouement des pompiers et de la population mauléonaise accourue à l'appel du tocsin, ceux-ci n'ont réussi qu'en partie à circonscrire le fléau. Des maisons, des ponts ont été emportés sous les yeux impuissants des sauveteurs.
On déplore un mort et des dégâts s'élevant à plus d'un million de francs pour la région de Mauléon seulement.
Les dégâts sont considérables.
Tardets, 4 octobre. — Nous avons signalé plus haut les inondations qui ont ravagé dimanche soir la région de Mauléon et de Tardets.
Une visite que nous venons de faire sur les lieux confirme, hélas ! tous ces navrants détails, auxquels il faut ajouter la perte d'une vie humaine.
Nous avons sous les yeux un bien triste spectacle. Dans le décor des montagnes encapuchonnées de brume, sous la pluie fine qui tombe sans arrêt, la vallée du Saison est bouleversée, ravinée.
BORDS DU SAISON MAULEON PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le gave, ayant emporté dans sa course folle la plupart des ponts, roule des eaux limoneuses et gronde sourdement parmi les pierres et les arbres déracinés.
Déjà, avant de pénétrer en Pays basque, les vallées béarnaises nous avaient préparé au tableau.
A Féas, "le Vert" qui, il y a quelques jours encore, n'était qu'un mince filet d'eau glissant sur les cailloux, se déchaînait. Rempli d'eau jusqu'au haut du talus, les chemins qui longent son lit ressemblent à autant de canaux.
A Aramits et au bas de la côte de Lannes, on trouve sur la route les traces récentes du passage du flot, mais tout cela est insignifiant à côté du désastre qui maintenant s'étend devant nous vers Tardets jusqu'au delà de Licq-Atherey et vers Mauléon.
Le dévouement de la gendarmerie.
"Il était 19 heures, nous dit le brigadier de la gendarmerie de , lorsque nos collègues de Licq nous informèrent que les maisons Bordacha et Elgohyen étaient envahies par les eaux.
Nous essayâmes de gagner aussitôt le village qui, vous le savez, est distant de 6 kilomètres, mais la route était coupée.
Ayant de l'eau jusqu'à la poitrine, nous ne pouvions passer, le courant rendant d'ailleurs nos efforts inutiles. Nous devions cependant réussit à entrer à Licq en empruntant les sentiers de montagne."
Poursuivant son récit, le brigadier nous fait part des difficultés que ses hommes et lui connurent à leur retour.
A Bourg-d'Adense, l'eau, à 22 heures, atteignait 1 m. 50 et la tâche n'était pourtant pas terminée, puisque à Alos leur présence était nécessaire pour porter secours à deux familles sinistrées : les familles Capdeville et Baratçabal. Par des chemins détournés ils finirent par atteindre l'école libre située en face de la maison Baratçabal où s'étaient réfugiés les voisins dont l'immeuble avait été le premier envahi par les eaux. Dans la cour transformée en un lac sillonné par des courants dangereux, les gendarmes avancent vers la maison. Mais ils ne peuvent y parvenir. Il y a trop d'eau !
Ils conseillèrent alors aux sinistrés de se réfugier au premier étage et déjà le torrent limoneux battait les murs, ravinait les champs.
A minuit 45 le pont d'Alos était emporté. Un peu plus tard ce fut le commencement de la décrue. A 4 heures, le Gave avait à peu près regagné son lit.
PONT D'ALOS SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les pertes aux usines.
La fabrique de draps de M. Constantin, à Alos, a subi des dégâts qui seraient évalués à 50 000 francs, mais ce sont surtout les usines riveraines du gave, à Mauléon, qui ont le plus souffert.
USINE ELECTRIQUE BALLAGORRY MAULEON PATS BASQUE D'ANTAN |
Les fabriques de sandales de MM. Bessouat et Cherbéro sont particulièrement éprouvées. Ce soir encore, des marchandises se trouvent sous les eaux.
La crue a causé bien d'autres dégâts dans cette ville en raison même de sa soudaineté.
Dans le garage de M. Larrat, épicier en gros, deux voitures neuves ont été emportées par les eaux, ainsi que six fûts d'essence. D'autres voitures bloquées contre les murs sont très endommagées.
Enfin, on craint que les dégâts causés aux usines n'entraînent un chômage a assez prolongé.
Les ponts détruits.
Contrairement à ce qu'on avait tout d'abord annoncé par suite d'une confusion inexplicable, le pont voûté du village de Licq-Atherey a résisté à la poussée brutale des eaux.
C'est le pont de l'agglomération d'Atherey qui a été emporté. Il n'en reste plus rien et on ne dirait certes pas qu'il y avait un ouvrage d'art à cet endroit. La passerelle de Lalingue a été également détruite, ainsi que le pont de l'Arrau et celui de la Jonction, près de l'usine de Sainte-Engrace.
PONT DE JONCTION DES EAUX SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pendant toute la matinée d'aujourd'hui de vives inquiétudes s'étaient manifestées au sujet de la disparition d'un jeune homme de Licq, M. Uthurrart, dont la bicyclette avait été retrouvée sur la route. fort heureusement, il est rentré sain et sauf.
Des maisons effondrées.
Plusieurs maisons se sont effondrées, devant l'attaque du flot envahisseur. A Licq-Atherey, que nous n'avons pu atteindre tout à fait par suite des eaux qui, à 100 mètres du village, recouvrent la route, une maison et deux granges ont été détruites. Une de ces dernières contenait encore tout le bétail qui n'a pu être sauvé.
Une femme noyée à Mauléon.
A Mauléon une pensionnaire de l'hospice, âgée de 84 ans, surprise par la crue, a été noyée. C'est la seule perte de vie humaine qui soit à déplorer.
HOSPICE ST-LOUIS MAULEON PAYS BASQUE D'ANTAN |
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