LA RÉSIDENCE IMPÉRIALE DE MARRAC EN 1910.
Le domaine de Marrac se situe sur la commune de Bayonne et comprend les ruines du château construit au 18ème siècle par Marie-Anne de Neubourg, reine d'Espagne en exil.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin de la Société des Sciences et Arts de Bayonne, le
1er janvier 1910 :
"Le château Impérial.
... Ces objets ne furent pas mis en service, on les plaça dans le garde-meuble.
Un désagrément de même genre arriva aux meubles (6 caisses) adressés dé Paris, par le Conservateur du Mobilier Impérial ; les lustres étaient dégradés par la pluie, les meubles tâchés, les bois d'acajou moisis et plusieurs chaises avaient les bras et dossiers brisés. Il fallut remettre tout cela à neuf. Les tapis de pieds étaient de si mauvaise qualité que le tapissier du Château, consulté sur leur emploi, fut d'avis de placer simplement des couvertures de laine à la chambre de l'Empereur et à son cabinet de travail. Cependant un des tapis avait pu être utilisé pour le salon de 1'Impératrice et un second pour la chambre du duc de Frioul. Deux autres taillés et réparés purent être placés dans la chambre de l'Empereur et dans la salle à manger, en remplacement de celui qui était dans cette pièce et qui fut placé dans le cabinet de travail de S. M.
Après avoir meublé les appartements, il était nécessaire de garnir les offices, salles à manger, etc., de verrerie, porcelaine, cristaux et autres objets d'un usage quotidien. Un marchand de Bayonne, Laroche avait fait pour cinq cent soixante-onze francs de fournitures
Fourni :
8 soupières en faïence 60. 00
12 douzaines d'assiettes dont 4 à soupe 60. 00
8 pots à eau avec cuvette 56. 00
12 vases de nuit 36.00
10 douzaines gobelets à côtes 180. 00
2 paires burettes avec support en bois d'ébène 48. 00
Deux paires burettes communes 6. 00
Un cabaret garni de verres à liqueur 72. 00
12 cruches de grès 72. 00
12 terrines en terre vernie 9. 00
3 paniers en osier contenant 12 gobelets 8. 00
8 paires de salières taillées 24. 00
Frs. 571. 00
Blanchard aîné avait fait pour 140 fr. d'étamage et Bertrand Mège, vannier avait livré pour 60 fr., d'ouvrages de vannerie.
Les jardins et bosquets délaissés, mal entretenus, demandaient une réfection totale. Un habile jardinier, René Bruzeau envoyé par Debour, paysagiste à Orléans, s'était rendu à Marrac pour rétablir les jardins, faire les pelouses, les massifs, les ensemencer de fleurs rares et exotiques que M. Bonpland, Intendant de la Malmaison, avait expédiées par voiture particulière sur Bayonne.
Une pépinière dont l'Impératrice avait elle-même dressé le plan remplaça les petits jardins potagers que le personnel subalterne du château employait à ses usages.
Pour solder ces dépenses de réparations, d'entretien, de transport, l'adjudant du palais avait, à diverses reprises, demandé des fonds.
"Vous me dites, répond le Grand Maréchal à une de ces demandes, que vous devez beaucoup d'argent, mais vous ne me dites pas à combien se montent les travaux que vous avez faits. M. Ertault va vous faire parvenir 2 000 francs et vous indiquera le mode de comptabilité qu'il faut tenir".
Le 16 septembre, le quartier-maître des Palais Impériaux fait un nouvel envoi de fonds et donne à l'adjudant du Palais les instructions annoncées.
"Dans les pièces de dépenses que m'a fait le concierge du Château , écrit trois jours après Ertault au Gouverneur-de Marrac, il comprend ce qui vous revient pour votre traitement depuis le 19 Juillet jusques au 30 Octobre. Comme S. M. a consacré un fonds pour cet objet, dans le décret de nomination, j'ai établi avec le personnel de Septembre, une de traitement de la somme de Quatre cents francs qui vous sera soldée par les soins du Trésorier Général de la Couronne, lorsque ce travail aura été ordonnancé par M. l'Intendant Général.
Chaque mois vous serez également porté sur une feuille particulière qui vous sera payée de la même manière.
Si je consens à acquitter directement aux gens du Château, c'est que le budget de 1809 n'est point encore arrêté par l'Empereur et qu'il contient le rapport de ce qui est nécessaire pour solder la portion de 1808.
Je me mets donc en avance pour ne pas faire attendre ces employés et je vous prie, en conséquence, de remettre au sieur Lamaison la somme de 1020 frs. 70 pour solder les gages jusques à la fin de ce mois et je pense qu'il est nécessaire que vous vous assuriez que chacun est satisfait.
Je vais vous expédier 9 000 frs, car je ne reçois pas des nouvelles des Basses-Pyrénées pour pareille somme que je dois y toucher, et comme je tire sur vous beaucoup d'argent, et que la fin de Septembre va le nécessiter encore pour les employés que nous avons laissés à Marrac, je ne veux pas que tout cela empêche les paiements que vous devez faire pour les travaux du Château.
Ertault."
P.-S. Vous recevrez les 9 000 frs. en 3 caisses, qui vous parviendront, la première par le courrier d'aujourd'hui et les deux autres successivement".
Le 6 Octobre, nouvelle lettre d'Ertault :
"Vous devez avoir reçu, écrit-il au Général Sol, 9 000 frs. en argent ; j'attends toujours Dix mille et quelques cents francs que doit m'envoyer le Préfet de votre département et que je passerai ensuite à votre nom.
J'ai vu par votre lettre que l'aperçu des dépenses était de plus de 60 000 frs. Lorsque vous croirez avoir besoin de fonds au-delà du crédit de 25 à 30 000 frs. qui vous est destiné, faites-le moi connaître, j'y pourvoirai".
Tous ces aménagements, tous ces travaux furent faits en pure perte, car l'Empereur ne revint que deux fois à Marrac et pour quelques heures, alors qu'il allait prendre le Commandement de l'Armée d'Espagne et qu'il revenait de la Péninsule.
Les appartements.
Un goût étrange, bizarre, présida à la construction de Marrac. L'immeuble était sans style, sans air, sans vue, sans lumière et, par surcroît, humide en hiver, très chaud en été ; tandis que à quelques pas, au sommet du plateau St.-Léon, un air pur, une chaleur vivifiante et un splendide panorama sur la vallée de la Nive, les côteaux de St.-Pierre, Mouguerre, Villefranque et la chaîne des Pyrénées auraient fait de cette résidence un séjour plein de charmes.
Nous avons donné au cours de cette étude la topographie du château. Nous allons entrer dans quelques détails sur les dispositions des appartements, leurs destinations, leur ameublement, à l'aide de documents inédits, notes, correspondances, inventaire d'une authenticité indiscutable.
L'immeuble se composait, nous l'avons déjà dit, d'un corps de logis avec deux pavillons en retour ; un rez-de-chaussée, élevé au-dessus de l'entresol, formant le premier étage, où se trouvaient les grands appartements et un étage à la Mansard.
Sa façade était d'une ordonnance fort simple. Un perron, donnant accès au vestibule par un escalier double, partageait l'édifice en deux parties bien distinctes. Dans ce vestibule, transformé en salon de service, se tenaient les officiers de service auprès de S. M., l'aide-de-camp, l'officier de jour, le chambellan de semaine et les personnes qui avaient demandé et obtenu audience au souverain. L'exiguïté des appartements n'avait pas permis de distraire une pièce pour en faire le salon de service ; ce salon contrairement à l'opinion d'un historiographe bayonnais, était installé dans le vestibule. Son ameublement se composait de quatre tables mécaniques, se vissant à volonté sur traverses, une autre table de forme ovale, le dessus en acajou, pliante et à coulisses, portée sur deux pieds tournés ; une table de trictrac en acajou, avec damier au-dessus, une autre table de forme ovale en bois de sapin, façon couleur acajou ; deux bergères de forme carrée ; un petit canapé en bois de noyer, couvert en gros de Tours, fond bleu à fleurs rouges et vertes, cloué de crêtes aurore, violet et blanc ; six fauteuils en cabriolet, bois garni d'étoffe ; six chaises paille fine en bois de cerisier, un lustre en cristal de Bohême, à monture argentée un tapis en drap vert bordé de franges à torsades or jaune estimé 600 fr..
Les appartements de l'Empereur étaient situés à l'aile gauche du Château. La première pièce était le salon de l'Empereur, pièce carrée avec portes à deux battants, ouvrant l'une sur le vestibule et deux autres sur un second salon.
Aux fenêtres, quatre rideaux de percale frangés par le bas ; une draperie en percale frangée par le bas, avec patères en cuivre de couleur, faisait toute la façade des deux croisées. Comme meubles, un canapé en bois de merisier couvert en gourgouran jaune, rayé satiné, bordé de galon broché en soie noire et jaune avec deux oreillers en plume ; une bergère même style, avec-deux carreaux en plume ; neuf petits fauteuils en bois garnis d'étoffe ; deux chaises en bois de merisier, à dossier à grille, le fond garni de velours d'Utrecht, cloué de crêtes ; un tapis en moquette, dessin à losanges et étoiles ; une console en bois d'acajou, le devant à pilastre, l'entrée de la clef du tiroir ornée de têtes de femme ; une autre console avec tiroir orné de deux griffons tenant une lyre à dessus de granit gris une table à quadrille en bois de mérisier recouverte en drap vert, le dessus à damier ; un lustre en cristal de Bohême à six lumières à monture argentée.
La cheminée en marbre noir avec colonne en stuc était ornée d'une pendule en marbre noir, deux aigles en supportaient le cadre, et sur la tablette deux vases en porcelaine montés sur cuivre doré. Dans le foyer, deux bras de cheminée à deux branches en cuivre avec un feu à 4 branches à garniture de cuivre d'une valeur de 200 francs, un balai d'âtre. Sur divers meubles épars, des flambeaux, deux en cuivre jaune et six autres en cuivre argenté.
Le second salon était aussi une grande pièce carrée aux murs recouverts de tapisserie en soie des Gobelins au parquet ciré ; ses quatre portes étaient garnies de portières en taffetas rouge à parasol, ornées de glands en soie, blanc et aurore. Des draperies dites cantonnières, également en taffetas rouge, franges et cordons de tirage en soie, relevées par douze patères en cuivre, à têtes de Mercure et de femmes, en bronze antique, garnissant les six fenêtres. Une tenture en damas cramoisi, ,dessin à palmes, tapissait la pièce.
Les meubles meublants étaient composés de deux bergères, en gondole, garnies de taffetas rouge ; de huit fauteuils garnis en plein bois, cloués dorés, (les sièges des fauteuils recouverts de tapisserie représentant des sujets tirés des Fables de Lafontaine). Un tapis d'Aubusson d'une valeur de 1 200 fr., à dessin sur fond vert parsemé de fleurs, entouré d'une large bordure couvrant le parquet.
TAPISSERIE D'AUBUSSON SUR LES FABLES DE LA FONTAINE |
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