LE "PROBLÈME BASQUE" EN 1904.
Au début du 20ème siècle, les aspirations des Basques à une certaine autonomie augmentent en Pays Basque Sud.
Voici ce que rapporta à ce sujet C. Béguin, dans la journal La Petite Gironde, le 8 juillet 1904 :
"Le problème Basque.
C’est une opinion très répandue que le peuple basque est en tram de disparaître par voie d'absorption lente, s’il n’a même disparu en grande partie. Déjà, il y a plusieurs années, Elisée Reclus adoptait pour le décrire ce titre pessimiste : un peuple qui s'en va. Certes, si on ne s’attache qu’aux signes purement extérieurs par où se traduit, aux yeux de la plupart, la personnalité du peuple basque, on est obligé de convenir que cette opinion est fondée. La race, sauf dans certains groupements isolés, n’a pas conservé sa pureté primitive, la langue a perdu beaucoup de terrain et ne cesse d’en perdre, les antiques croyances ont été ébranlées ; enfin, les anciennes traditions et les vieux usages, perpétués depuis des siècles, s’effacent peu à peu sous l’action niveleuse de la vie moderne. Par contre, ce qui est demeuré intact, c'est l'esprit, ou plutôt l’âme de la race. Le peuple basque a conservé une individualité très accusée qui fait de lui aujourd’hui encore un peuple à part et dont la permanence sc concilie difficilement avec la théorie généralement admise que j’ai rappelée plus haut. En réalité, au lieu d’avoir été absorbé par les éléments étrangers qui se sont fondus en lui, c’est lui-même qui les a absorbés et qui les a marqués de sa puissante empreinte.
Ce peuple aux origines mystérieuses, qui occupe en Europe une place si réduite, a joué un rôle qui n’est pas sans importance et sans grandeur. Il a produit en nombre considérable des esprits aventureux et des hommes d’action. Il a pris une large part à la découverte et à la colonisation du globe, et, à ce titre, il mérite d’être cité au premier rang parmi les grands peuples navigateurs et colonisateurs. Bien avant Christophe Colomb, les baleiniers basques abordaient sur les côtes de Terre-Neuve. C’est un Basque, Legazpi, qui fit la conquête des îles Philippines ; c’est également un Basque, Elcano, qui réalisa le premier voyage autour du monde. Basque était Garibay, le fondateur de Buenos-Ayres, ainsi que Bolivar, l'émancipateur du Venezuela et de la Nouvelle-Grenade. Et que dire de l’œuvre accomplie par les Basques au dix-neuvième siècle dans l’Amérique méridionale ! Ils ont essaimé partout sur l’étendue de ce vaste continent. C’est à leur esprit entreprenant et hardi, à leur goût héréditaire d’aventures, à leur énergie et aussi à leurs qualités laborieuses qu’il faut attribuer en majeure partie la colonisation de la République Argentine et du Chili. Dans toutes les branches de l’activité, leurs descendants continuent à y occuper des situations considérables. La plupart des grandes maisons de commerce et de banque à Buenos-Ayres, à Rosario, à Valparaiso et, d’une façon générale, dans tous les centres importants de l’Amérique espagnole, sont entre les mains de Basques. Dans la politique, ils tiennent également une place prépondérante, et les listes ministérielles des Etats sud-américains, comme on peut s’en rendre compte, sont composées en majorité de noms dont la consonnance caractéristique atteste l’origine basque. Il ne parait pas excessif de fixer à un minimum de 600 000 à 700 000 individus les Basques ou fils de Basques qui vivent en Amérique au commencement du vingtième siècle. C’est là une preuve caractéristique de la puissance d'expansion de la race.
Sur le versant français des Pyrénées, l'importance numérique des Basques est trop faible pour qu’ils aient pu jouer un rôle et marquer leur place. Ils n'occupent chez nous, on le sait, que l’arrondissement de Mauléon en entier et une partie de celui de Bayonne. Au surplus, notre régime politique centralisé à l’excès ne se prête guère à la formation de groupements régionaux. Mais en Espagne, ils forment la population de trois provinces, qui jusqu'à une époque encore peu éloignée de nous jouissaient d’une autonomie à peu près complète, et où, malgré les changements politiques survenus, subsistent des aspirations tenaces vers le retour à une existence indépendante. Ces provinces, il convient de le faire remarquer, ne sont pas des provinces quelconques ; elles composent avec la Catalogne la partie la plus riche, la plus industrieuse et la plus prospère de la Péninsule espagnole. Tous ceux qui ont voyagé en Espagne ont pu se rendre compte de la différence profonde qui sépare les provinces basques des régions de la Castille, et cette différence vise autant les aptitudes de la race que la nature du sol et l'aspect de la contrée. On y constate un besoin d’ordre, un goût de vie active et régulière qui contrastent avec l’incurie, le laisser-aller et la paresse dont on observe les signes si visibles dès que l’on s’enfonce vers le sud. L’Espagne, a-t-on pu dire souvent, non sans raison, ne commence qu’à l’Ebre.
Bilbao, capitale de la Biscaye, est devenu le premier centre industriel en même temps que le principal marché de capitaux de la monarchie. A vrai dire, son caractère est bien plus celui d’une cité américaine que d’une ville espagnole. Du reste, l’habitant de Bilbao rappelle par plus d’un côté l'Américain du Nord ; c'est la même activité, la même fièvre des affaires, la même orientation presque exclusive de l'esprit vers les réalités positives. Ici, contrairement à ce qui se passe dans les autres régions espagnoles, où la plupart des grandes entreprises sont entre les mains d’Anglais, de Français ou d’Allemands, c’est l’élément autochtone qui détient l’influence et la richesse. J'ajoute que depuis quelques années les hommes d’affaires et les capitalistes de Bilbao ont étendu leur rayon d’action bien au delà des provinces basques et qu'ils paraissent vouloir disputer aux étrangers le privilège dont ceux-ci ont joui jusqu’ici de mettre en valeur les richesses inexploitées de la Péninsule. On les rencontre partout, créant des industries, construisant des chemins de fer, prospectant des mines ou captant des chutes d’eau.
CARTE DE BISCAYE 1911 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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