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dimanche 9 juillet 2023

LES ANIMAUX AU PAYS BASQUE EN 1898 (sixième partie)

 

LES "HÔTES DE LA MAISON BASQUE" EN 1898.


Au début du 20ème siècle, les animaux domestiques occupent une grande place, dans le monde rural, et en particulier au Pays Basque.






pays basque autrefois  animaux abeille
ABEILLE






Voici ce que rapporta à ce sujet la revue bimensuelle La Femme, le 1er août 1898, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :


"Les "hôtes de la Maison Basque" (suite).



... Une scène merveilleusement racontée par Fénimore Cooper dans le Dernier des Mohicans, fait admirablement comprendre les superstitions fétichistes elles moeurs qui en sont les conséquences. Il nous montre un Peau-Rouge, un Castor de la tribu des Castors, qui vient à passer devant une colonie de vrais castors. Le Castor s'arrête pour adresser la parole à ses parents ; s'il avait omis cette formalité, il aurait commis une grave inconvenance, une profanation. Cet homme ne pouvait passer devant une république si puissante de ses ancêtres sans leur accorder une preuve de respect. Il fit halte et leur parla sur le même ton de bienveillance et d'amitié que s'il s'était adressé à des êtres intelligents : il les traita de "cousins" et conclut en suppliant ces animaux de répandre sur sa tribu une partie de la sagesse qui fait leur grande réputation.



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LE DERNIER DES MOHICANS
ILLUSTR TUCK ET FILS



Chez le Basque, nous constatons qu'il n'y a plus que de rares vestiges de ces anciennes croyances. Aucune famille, à quelques rares exceptions, ne porte le nom d'un animal. On nous a cité deux familles seulement, dont l'une s'appelle "Cboribit", Oiseau, et l'autre appartient à l'ancienne et noble souche des "Belzunce", c'est à dire Hibou noir. L'archevêque de Marseille, que son dévouement pendant l'épidémie de peste en 1720 a rendu illustre, était un Bélzunce. Ainsi, peu de traces dans les noms des familles d'une origine fétichiste.



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HENRI-FRANCOIS-XAVIER DE BELSUNCE DE CASTELMORON
EVÊQUE DE MARSEILLE DE 1709 A 1755



Ne peut-on pas attribuer la formation les noms de famille basques à une cause très naturelle, très logique ? Ce qui détermine le nom, c'est d'une manière constante la situation du lieu où s'élève la maison, l'espèce de végétation qui l'entoure : les eaux, sources, fontaines, ruisseaux qui l'avoisinent. On est Monsieur "de la Coudraye". "Sous le chêne", "près du pommier", "au pied de la source", "à la tête de la montagne", "de l'endroit rocailleux", "de la lande", "près de l'église" etc., etc. N'est-il pas permis de penser que ces appellations sont la conséquence de l'état primitif migrateur du peuple basque ? Chassées de leur sol natal à la suite d'un cataclysme, dont le souvenir est devenu confus dans les traditions humaines, ou expulsées brutalement par des envahisseurs, ces antiques tribus ont erré à travers le monde à la recherche d'une nouvelle patrie. Elles ont campé au milieu des nations sans avoir le temps d'adopter les croyances et les coutumes des peuples chez qui elles passaient, et lorsqu'à la fin, à la faveur des circonstances, elles ont pu faire halte et se fixer dans les régions pyrénéennes, dans des cantons qu'aucun autre peuple ne leur disputait, ce sont les sites eux-mêmes où les émigrants s'arrêtèrent, où ils élevèrent une première hutte, qui leur fournirent des noms. Le nom d'abord était celui de l'établissement que l'on venait de fonder, puis, par extension, par l'usage, la famille s'est désignée du même nom que sa demeure.



Sous l'abri primitif qu'ils avaient édifié à la hâte, les nouveaux habitants des contreforts pyrénéens ont songé à une installation plus durable. La hutte est devenue une masure, et la masure un maison. A mesure qu'ils s'initiaient à la culture de la terre, qu'ils entreprenaient des travaux, ils durent s'approprier les animaux que les nations voisines possédaient et dont elles savaient tirer parti : les espèces qu'ils introduisirent, nouvelles venues chez eux et par suite races étrangères, arrivaient à une époque trop tardive pour que des traditions aient pu prendre naissance, et l'empreinte caractéristique qu'une longue et antique cohabitation avec les bêtes a laissée chez les autres nations, a fait défaut dans une grande mesure chez les Basques. Culte, légendes, superstitions-fétiches, apologues, proverbes, littérature animalesques, rien de tout cela ne se retrouve ici avec la netteté que présentent les traditions des autres peuples. Avant l'époque où ils se sont enfuis, s'échappant de la mystérieuse catastrophe, de telles traditions existaient-elles parmi eux? Possédaient-ils des races domestiques particulières à leurs contrées ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre. Si la tradition existait auparavant, elle a été en partie effacée, elle s'est atténuée pendant la période dés tribulations que le peuple a sans doute traversée, et si les Basques primitifs possédaient des races d'animaux domestiques qui leur fussent particulières, ces races ont disparu et aujourd'hui les bêtes qu'abritent leurs fermes sont les mêmes que chez leurs voisins de la Gascogne et de l'Espagne.



Dans cette rupture du lien de la tradition, il faut noter des exceptions. Ainsi l'abeille est traitée parles Basques et par leurs voisins du Béarn avec considération : on l'entoure de singulières prévenances ; on a pour elle d'étranges ménagements. D'où cela vient-il ? On prend grand soin des ruches, on est persuadé que si l'on manque d'égard vis-à-vis des abeilles, celles-ci s'en vont. Leur départ est un malheur, un signe de mauvais augure. On regarde leur présence dans une ferme comme un porte-bonheur. Lorsqu'on s'approche des abeilles, on leur parle. On les appelle "Mesdemoiselles Belles et Bonnes" ; on leur dit qu'elles sont gentilles ; s'il survient un événement dans la maison, une naissance, une mort, on se hâte de le leur annoncer. Jamais on ne ferait mal à une abeille, jamais un voleur n'oserait porter la main sur une ruche, ce ne serait rien moins qu'un sacrilège. Jamais il ne faut dire le nombre de ses ruches, sous peine d'être frappé par le malheur.



Il y a un an vint à mourir une basquaise dont le rucher était considérable, car elle laissait ses ruches se multiplier. et n'en retirait jamais le miel. Le juge de paix fut chargé parla famille d'aller annoncer aux abeilles la mort de leur maîtresse. Il s'acquitta de son message en termes affectueux, dans les formes de politesse requises pour témoigner son respect. Il est bien avéré que le petit peuple ailé s'en va et ne revient plus si on ne le prévient pas des changements qui surviennent dans la maison et si on ne conserve pas à son égard une politesse dont il puisse se sentir flatté.



Retrouvons-nous dans cette singulière coutume un vestige des anciennes croyances, des idées religieuses de certaines provinces du Danube, de la Grèce et de l'Asie-Mineure, où l'abeille n'était rien moins qu'un insecte sacré auquel on rendait un culte ? Il y a cependant une dissemblance, car là où l'abeille était adorée, les tribus, les individus portaient le nom de l'Abeille, comme chez les Peaux-Rouges il y a des Castors, des Ours et des Loups ; il n'en va pas ainsi chez les Basques. En Grèce, les médailles dont on a conservé des modèles étaient frappées avec l'emblème sacré qui était une abeille, et nous ne savons pas qu'on ait attribué jamais ce même emblème aux Basques. Au témoignage de Philostrate quand les Athéniens envoyèrent leurs premières colonies en lonie, les Muses sous forme d'abeilles servirent de guides aux émigrants. Sur les monnaies d'Ephèse on voyait une abeille. Hérodote rapporte que tout le nord du Danube était occupé par des Abeilles, c'est à dire par des tribus vouées au culte de l'abeille. Ce sont encore les Abeilles qui élèvent Jupiter sur le mont Ida. La restauration du temple de Delphes est attribuée aux Abeilles. Il y avait donc des tribus, des associations qui portaient le nom d'Abeilles, lesquelles étaient répandues sur une vaste surface de pays. (P.-F. Mac-Lennan, Fortnighltly Review, traduction de la Revue Britannique, 1870.)


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ABEILLE SUR MONNAIE D'EPHESE



Faut-il rattacher à quelque vestige d'un culte primitif de l'abeille une légende basque dont le caractère n'est pas anthropomorphe comme les autres légendes et qui semble s'inspirer de quelque lointaine croyance fétiche ? Nous soumettons le problème à l'appréciation des basquisants.



La légende est reproduite dans le Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts de Pau sous le titre des Mouches de Mendiondo.


"Le maître de la maison de Mendiondo était un grand fainéant et pourtant la besogne était toujours plus vile terminée chez lui que chez ses voisins. En une seule heure, dès le matin, la prairie au-dessous de la maison se trouva fauchée. Un dimanche, pendant la messe, fut scié tout le froment d'un champ.


Les voisins étaient fort étonnés, parce qu'ils ne voyaient jamais chez lui aucun ouvrier. Sa femme aussi se méfiait.


Or, un dimanche, avant de se rendre à la messe, elle vit de loin son mari cacher quelque chose dans les broussailles. Elle y alla, curieuse de savoir ce qu'il y avait mis et y trouva un étui. Elle l'ouvrit et il en sortit dix mouches.


Les mouches voltigent devant ses yeux, à ses oreilles et bourdonnent : Cer eguin, cer eguin, cer eguin (Quoi faire ? quoi faire ? quoi faire ?)


Epouvantée, la femme leur dit : «"Rentrez bien vile dans le trou." Les mouches aussitôt rentrent dans l'étui.


La femme le ferma et le remit en place.


Elle s'empressa de raconter à son mari ce qui lui était arrivé, et le mari avoua que c'étaient les mouches qui faisaient le travail de la ferme.


A partir de ce moment, quelque besogne que la femme leur donnât, elle était faite en un moment."



A suivre...



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