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samedi 22 juillet 2023

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1934 (dix-septième partie)

 

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.


C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.



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ALEXANDRE STAVISKY


Comme je vous l'ai indiqué précédemment, puisque nous sommes samedi, voici un autre article 

sur le "feuilleton" de l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 25 janvier 

1934 :


"... Le successeur de Tissier.


La procédure de révocation introduite contre Gustave Tissier, ex-directeur du Crédit municipal, a été notifiée à l’inculpé à la Maison d’arrêt. 


M. Baratchart, receveur municipal de Bayonne, auquel la gérance provisoire du Crédit municipal avait été offerte ces jours derniers, et qui avait réservé sa réponse, a finalement accepté de remplir ces délicates fonctions. 



Un mot de M. Gibert.


Nous avons dit hier que M. Gibert, commissaire de police, proteste contre la mesure prise à son endroit et veut saisir de son cas le Conseil de discipline. 


A un envoyé du Petit Parisien qui lui disait : "— On vous reproche de n'avoir point avisé de ces faits la Sûreté générale." M. Gibert aurait répondu : " — Tous les parlementaires qui sont en même temps maires de leur commune comprendront mon abstention." 



"Par ordre de Paris, silence à Bayonne !" 

M. d’Uhalt a été "invité" à ne plus rien dire aux journalistes. 


"Par ordre de Paris, silence à Bayonne !" c’est le titre d’un article adressé par son envoyé spécial à L'Echo de Paris. Nous le reproduisons ci-dessous, à titre documentaire : 


En vous annonçant, il y a quelques jours que trois inculpations nouvelles étaient prochaines, je ne devançais que de peu les événements. 


Ce soir, en effet, fort tard, à la suite de l’interrogatoire de Tissier, un mandat d’amener a été transmis télégraphiquement à Paris contre M. Guébin, directeur de la Compagnie d’assurances La Confiance. Nous ne savons pas ce que le juge a demandé à Tissier et moins encore ce que Tissier a répondu mais cette dernière inculpation, qui était d’ailleurs prévue depuis le début de l’affaire n’a surpris personne ici. 


Il est à présumer que M. Guébin sera amené ici très rapidement. 


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M GUEBIN DIRECTEUR LA CONFIANCE
PHOTO AGENCE MEURISSE
AFFAIRE STAVISKY 1934



S'il est un reproche que l'on peut adresser à la justice en cette affaire, ce n’est certainement pas celui de se livrer à une action précipitée. Nous ne méconnaissons pas les difficultés que présentent deux instructions, l’une menée à Paris, l'autre subordonnée à la première et qui se déroule à Bayonne. Cependant, du train où vont les choses, si l’on ne change pas de méthode, il faudra des mois et des mois pour que les principaux bénéficiaires des escroqueries de Stavisky viennent payer leur dette à Bayonne. 


Ce n’est pas précisément ce que demande l’opinion publique. Tout se passe comme si on voulait, en haut lieu, faire traîner cette enquête et provoquer la lassitude. Déjà, l’enquête s’enfonce dans les méandres dc la procédure. On pense dégoûter les chroniqueurs en leur donnant chaque jour des bribes de renseignements, des rogatons, des miettes... Eh bien, tant pis ! tant pis ! Cela nous oblige à chercher ailleurs. Et c’est peut-être la vérité qui y gagne... 



Entre le silence imposé et les erreurs volontaires.


M. d’Uhalt a reçu des ordres venus de très haut. Plus un mot aux journalistes. La consigne est que le public ne doit rien savoir. Le juge n’est pas personnellement responsable de ce qui se passe. Mais on lui a rappelé une certaine circulaire que tout le monde avait oubliée et qui le contraint, paraît-il, à une réserve très stricte. 


Il ne faut plus que des curieux viennent poser des questions. L’affaire Stavisky doit se régler entre initiés, sans frais et sans fracas. Quel besoin a le public de se mêler d’une affaire dont il sera simplement appelé à payer les frais ? A-t-on idée d'une impudence pareille ? 


D’ailleurs pourquoi aurions-nous des renseignements à Bayonne ? Est-ce que l’affaire Stavisky n’est pas instruite à Paris ? Et à Paris seulement ? Par la Sûreté et le Parquet ? 


Est-ce que ce soir le mandat d'arrêt contre Guébin n’a pas été demandé par Paris ? Alors que M. d’Uhalt était occupé avec Tissier au Crédit Municipal à compter des petites boîtes contenant, croit-on, des bijoux, à vérifier si les scellés étaient intacts, à inscrire des numéros d'ordre sur de gros registres, un substitut du Parquet de Bayonne est arrivé tout essoufflé. Paris demandait que l’on interrogeât immédiatement Tissier. M. d’Uhalt a été bien embarrassé. Car il y a la loi. Cette loi s’opposait précisément à cc que Tissier toit interrogé. Il fallait l’assentiment de Me Delmas qui, pour des raisons qui lui sont personnelles, accepta. Une heure plus tard, le mandat d’amener contre M. Guébin, qui était à ce moment entendu en tant que témoin à Paris, était signé.  



M. Garat est très déprimé.


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JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE 


Le correspondant de la "Petite Gironde" écrit : 

Un des gardiens de la prison a déclaré : "Joseph Garat est une ruine. Vous ne le reconnaîtriez pas, lui qui avait l’air si terrible, avec sa moustache en crocs, il ne se rase plus, il ne se débarbouille plus, il pleure toute la journée. Quand il ne reste pas couché, il se tient la tête entre les mains, assis sur son lit. Il est absolument effondré." 



A Paris

Quelques questions.


C’est "La Liberté", de Paris, qui les pose, soit personnellement, soit en citant d’autres journaux : 


I. — Les comptes en banque de Stavisky.


Est-il exact que l’un des comptes en banque les plus importants de la Société Alex ait été ouvert à la Banque Française d’Outre-Mer, 43, avenue de l’Opéra ? 

Est-il exact que Stavisky ait opéré, en personne, dans cet établissement de crédit d’importants mouvements de fonds ? 

Est-il exact que la Sûreté ait, jusqu’ici, "négligé" de prendre connaissance, dans celte banque, des bénéficiaires des chèques tirés par Stavisky ? Nous posons ces questions pour aider la justice à faire toute la lumière sur les compromissions révélées autour de Stavisky. 



II. — Les références de l'escroc ? 


L'"Agence Radio" a publié hier l’information suivante : 

"Le baron Koranyi, ancien ministre hongrois à Paris, déclare : "Etant donné le préjudice qui leur a été causé, les optants hongrois ont perdu tout espoir d’obtenir réparation des pertes qui leur ont été causées..." — c’est le texte exprès du ministre hongrois — "... Par l'action d'hommes qui étaient venus vers eux nantis de lettres de recommandation signées par des personnes très illustres." 


Lue à la tribune par M. Philippe Henriot, cette déclaration a produit une vive sensation. Mais aucun des personnage très illustres ne s’est levé de son banc pour revendiquer la paternité des références fournies à l’escroc. Auront-ils aujourd’hui plus de courage ? 



III. — Et M. Bonnet



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GEORGES BONNET
MINISTRE DES FINANCES 1934



On raconte, rue de Rivoli, qu’une note détaillée sur les étranges opérations de Stavisky et la nécessité d’y mettre fin a été transmise au ministre des finances par le service central de la comptabilité publique. 


Cette note serait datée du 16 octobre 1933. 


Est-il exact que, dès juin 1933, le trésorier-payeur général des Basses-Pyrénées ait rendu compte à M. Bonnet des singulières opérations du Crédit de Bayonne ? 


Il paraît utile de faire la lumière sur ccs différentes notes et de savoir si elles ont bien été transmises à M. Georges Bonnet ou si elles ont été arrêtées en route et par qui.  



IV — Le rôle de M. Dalimier.



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ALBERT DALIMIER
MINISTRE DES COLONIES
DU 26 NOVEMBRE 1933 AU 9 JANVIER 1934



L’Echo de Paris a publié la note suivante : 


"On sait qu’une lettre du ministère du travail adressée à M. Dubarry et dont nous avons publié le texte, recommandait aux compagnies d’assurances l’achat des bons de Bayonne.


Est-il vrai qu’un fonctionnaire du ministère, après avoir rédigé un avis défavorable, dut ajouter une autre phrase qui était favorable ? 


Est-il vrai que cette phrase a été ajoutée par ordre ? 


Est-il vrai encore que ce fonctionnaire qui a donné cet ordre vient de recevoir de l’avancement ? 


Est-il vrai enfin que deux inspecteurs généraux des finances ayant, au début de 1932, signalé des bruits étranges qui couraient dans la région du Sud-Ouest sur le Crédit municipal de Bayonne, aient proposé une inspection ? La réponse fut : "Vérifiez plutôt Carcassonne et Bordeaux."


Là encore la personne qui a donné ces instructions aurait obtenu un superbe avancement. 


Nous posons simplement ces questions, non pour augmenter le scandale, mais pour aider à la découverte de la vérité. 


Ces questions sont restées sans réponse comme toutes celles qui ont été posées à M. Chautemps et à M. Bonnet. 



V. — Une nouvelle piste.


Le Jour publie ce matin les questions suivantes :  


"Est-il exact que jusqu’aux dernières semaines de décembre 1933 Stavisky ait été le commanditaire d’une usine de prototypes d’avions militaires français ?  


N’avait-il pas placé dans cette usine un Espagnol qui, par hasard, ne se trouve pas en France en ce moment, M. Emilio Delgado de Salcedo, le même qui, l’an dernier, servait de courrier à Stavisky entre Paris et Bayonne, pour y chercher et en rapporter des bons et des espèces.


La Sûreté sait cela aussi bien et mieux que nous. Elle le savait avant nous. Peut-elle nous dire où se trouve M. Delgado qu’on pourrait avoir quelque intérêt à interroger ?"


Comme tous les gens qui pourraient donner des renseignements précis, M. Delgado n’a pas encore été interrogé. 



... L’arrestation de M. Guébin  et ses motifs


M. Paul-Louis Guébin, directeur de la "Confiance" a donc été, mardi soir, en vertu d’un mandat d’amener, lancé de Bayonne par M. d’Uhalt, conduit à la Sûreté. Il ne devait quitter la rue des Saussaies que pour gagner le poste de la rue Cambacérès, d’où il fut amené hier matin, au petit parquet. C’est là, comme on le verra plus loin, que lui fut signifiée l’inculpation ou plus exactement les deux inculpations retenues contre lui par le magistrat instructeur de Bayonne : recel et complicité d’escroquerie. 


Cette décision n’était pas faite pour surprendre ceux qui ont, de près, suivi l’affaire Stavisky. 


Et si elle fut prise par M. d’Uhalt a la suite d’un interrogatoire de Tissier, longuement entendu, sur sa demande, mardi après-midi, dans les locaux mêmes du Crédit Municipal de Bayonne, des faits précis et particulièrement connus de M. Demay qui conduit l’enquête à Paris, suffisaient amplement à la justifier. 


Le magistrat n’avait-il pas établi que M. Guébin avait reçu de Stavisky trois chèques de 55 825 francs, de 100 000 francs et de 30 000 francs ? 


Le directeur de la "Confiance" n'avait-il pas en banque deux comptes uniquement alimentés par les versements du faussaire ? 


Entendu récemment, comme on le sait, par M. Demay, M. Guébin avait fourni au magistrat des explications peut-être ingénieuses, mais certainement insuffisantes à convaincre un juge d’instruction... 



Explications ingénieuses.


Les 55 825 francs ? avait-il déclaré. Simple bonification d’escompte sur un bon de Bayonne d’abord escompté par la "Confiance", puis réescompté par une autre compagnie. Rien n’est plus normal. 


Quant aux 100 000 francs, le directeur de la "Confiance" prétendait simplement... les avoir gagnés aux courses.  

  Un jour, avait-il assuré, M. Alexandre me confia : 

— Sabine, une pouliche qui est ma propriété, mais appartient en titre à mon vieil ami Dorn y de Alzua, doit courir demain à Saint-Cloud. Jouez sur elle, vous n’y perdrez pas. 

— Je n’y connais rien, répondis-je. 

— Eh bien, confiez-moi votre argent, rétorqua Alexandre. 


Je lui remis 4 000 francs, et je gagnai 96 800 francs... que je dus, d’ailleurs, réclamer plusieurs fois à Stavisky qui, finalement, me régla avec un chèque de 100 000 francs." 


Et M. Guébin d’expliquer ensuite comment il avait remis à l’escroc, qui n'avait pas d’argent sur lui, mais — par un hasard vraiment heureux, — un chèque de 100 000 francs, les 3 200 francs qui représentaient "la monnaie"... 


Pour le chèque de 30 000 francs, le directeur de la "Confiance" avait affirmé l’avoir reçu contre 30 000 francs "d’argent frais" dont Stavisky avait un urgent besoin, précisément après l'heure de la fermeture des guichets des banques... 


Pour les comptes en banque, M. Guébin s’était montré beaucoup moins loquace. 


"J'apporterai la justification des versements," avait-il pourtant déclaré. 


Mais M. Demay demeura sceptique. 



La surprise de M. Guébin


C’est un peu avant 20 heures, mardi soir, que les inspecteurs Courtois et Lecerre, de la Sûreté Générale, se rendirent 22, place Malesherbes, au domicile de M. Guébin. 


En quelques mots, les policiers invitèrent celui-ci à se rendre rue des Saussaies "pour communication urgente..." 


— Tout de suite ? interrogea M. Guébin ; mais c’est donc bien grave ? 


Los trois hommes s’engouffrèrent dans une voiture. Dix minutes après le directeur de la "Confiance" était introduit dans le bureau du commissaire Peudepièce. 


Les formalités du constat d’identité rapidement achevées, M. Guébin n’obtint qu’une faveur : téléphoner à son avocat Me Ribet, ainsi qu’il en exprimait le désir. 


Puis, prostré, défait, le directeur de la "Confiance" qui, un instant avant, avait paru croire qu’on le laisserait passer la nuit à son domicile, fut conduit au poste de police de la rue Cambacérès. Là, allongé sur un bat-flanc, le regard fixé vers la porte garnie de grilles, M. Guébin passa une partie de sa nuit à suivre les allées et venues des deux agents qui montaient la garde devant sa cellule.


Les heures s’égrenaient lentement, trop lentement à son gré. 


Enfin, à neuf heures du matin, les inspecteurs Courtois et Lecerre vinrent le chercher pour le conduire au petit parquet. 


A sa sortie du poste de police, le directeur de la "Confiance" déclara aux inspecteurs : 


— Quelle nuit atroce que celle que j’ai passée ! Quand donc ce cauchemar finira-t-il ? Je suis marié, j’ai trois enfants, une situation honorable, que me reproche-t-on ? Des négociations avec le Crédit municipal de Bayonne ? A ce sujet je suis bien tranquille. Allez, je ne suis pas un escroc ! 


Et, péniblement, M. Guébin, encore engourdi par sa première nuit de prisonnier, se hissa dans la voiture de la Sûreté... 



Au petit parquet.


Toujours entre ses deux gardes du corps, M. Guébin arriva vers 19 heures au petit parquet. 


Il fut immédiatement introduit dans le cabinet du substitut Terrier qui lui signifia l’inculpation de recel retenue à sa charge. 


Cette formalité venait d’être remplie, lorsque le directeur de la "Confiance" fut appelé chez le substitut Andrieu, chef de la deuxième section du parquet. Le magistrat venait de recevoir de Bayonne un nouveau mandat d’amener, lancé cette fois contre M. Guébin, pour complicité d’escroquerie ! 


Cette nouvelle inculpation, comme on peut le penser, ne fit qu'accroître l’accablement du directeur de la "Confiance". 


Aussi ses défenseurs, Maîtres Maurice Ribet et Kanoui, eurent-ils le plus grand mal à le réconforter quelque peu avant son départ pour le Dépôt, qu’il ne quittera maintenant que pour être conduit à la "Villa Chagrin", la vieille prison de Bayonne."


A suivre...











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