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lundi 3 juillet 2023

LA VOIE FERRÉE HENDAYE-IRUN AU TRIBUNAL À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1902

LA VOIE FERRÉE HENDAYE-IRUN EN 1902.


En 1902, des négociants Hendayais assignent au tribunal des compagnies de chemins de fer des deux côtés de la frontière franco-espagnole.




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GARE D'HENDAYE 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Droit, le 28 juin 1902 :


"Tribunal Civil de Bayonne. Présidence de M. Villeneuve.

Audience du 3 juin 1902. Chemin de fer. — Voie ferrée entre Hendaye et Irun. — Pont International. — Circulation et transport des marchandises. — Timbre Français. — Perception. — Demande à fin de restitution de sommes. — Rejet. 



La voie ferrée existant entre Hendaye et Irun a beau avoir un caractère international en ce sens que, sur ce parcours, il y a pénétration et circulation, côte à côte, des trains et rails français allant, au-delà du pont international sur la Bidassoa, sur le sol espagnol jusqu'à Irun d'une part, des trains et rails espagnols allant, au delà du même pont, sur le sol français jusqu'à Hendaye, d'autre part ; il y a beau avoir, de par les traités ou la convention internationale du 8 avril 1864, une coexistence en quelque sorte, dans ces quelques kilomètres de rails et voies ferrées reliant Hendaye à Irun, des deux souverainetés française et espagnole, s'exerçant simultanément par leurs services respectifs de douane, de personnels de la Compagnie française du Midi, de Compagnie espagnole du Nord d'Espagne les attributs de la souveraineté territoriale française retenus sur cette portion du territoire (d'Hendaye à Irun) sont trop nombreux et prépondérants pour que le droit de timbre français de 0 fr. 35 et de 0 fr. 70 sur les récépissés, lettres de voiture, etc., accompagnant les expéditions de provenance espagnole à destination d'Hendaye ne puisse et doive être perçu et pour que ces expéditions ne soient pas réputées avoir circulé sur sol français, condition indispensable mais suffisante pour l'assiette et l'application de cet impôt. 



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ARRIVEE DU TRAIN D'ESPAGNE A HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La démarcation de la frontière franco-espagnole se trouve bien au milieu du lit de la petite rivière, historiquement célèbre, la Bidassoa, à trente-cinq et quelques kilomètres de Bayonne ; par suite, la première moitié du pont international jeté sur cette rivière est française, et la deuxième moitié est espagnole. Mais il n’a pas été possible de faire coïncider les gares extrêmes de la Compagnie française des chemins de fer du Midi et de la Compagnie espagnole des chemins de fer du Nord de l’Espagne, avec tous leurs services d’exploitation de voyageurs, de marchandises, d’expéditions des uns et des autres, d’opérations de douanes, sur ce pont et en ce point précis. En outre, les rails espagnols ont un écartement plus large de quelques centimètres que les rails français. Il a donc été adopté en 1864, pour tout concilier, le modus vivendi suivant :


Le personnel, les rails, les voitures, les trains, de la Compagnie française du Midi, sont autorisés à pénétrer et circuler au delà du point précis précité de la frontière française, et sur sol espagnol, jusqu’à Irun ville et première gare espagnoles ; par réciprocité, le personnel, les rails, les voitures, les trains de la Compagnie espagnole du Nord d’Espagne sont autorisés à pénétrer et circuler, au delà du point précis précité de la frontière espagnole, et sur sol français, jusqu’à Hendaye, première ville et première station françaises ; de telle sorte, les rails français et trains français, les rails et trains espagnols sont établis et circulent côte à côte entre Hendaye et Irun, Irun et Hendaye.


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PONT INTERNATIONAL HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les douaniers espagnols et les douaniers français opèrent côte à côte dans ces deux stations extrêmes : Hendaye et Irun ; la force publique est franco-espagnole dans ces deux gares.



Néanmoins, la convention internationale du 8 avril 1864 a réservé la compétence exclusive des Tribunaux répressifs et non répressifs français sur la portion du territoire s’étendant entre Hendaye et le point précis sur le pont de la Bidassoa où coïncident les deux frontières.



C’est en cet état de fait qu’a été soulevée, entre l’administration des Domaines et du Timbre et les industriels français d'Hendaye dénommés au jugement, la difficulté qu’expose et tranche le jugement suivant, rendu sur le rapport de M. Villeneuve et les conclusions conformes de M. Levrat, juge suppléant :



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PONT INTERNATIONAL HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


"Le Tribunal ; 


Attendu que Légarralde et Lapeyre prétendent que l’Administration des Domaines et du Timbre a fait illégalement apposer des timbres de 0 fr. 35 et 0 fr. 70 sur les récépissés, lettres de voilure ou pièces en tenant lieu accompagnant les expéditions de provenance espagnole à destination d’Hendaye. effectuées par la Compagnie du chemin de fer du Nord de l'Espagne ; qu’ils demandent que l’Administration soit condamnée à restituer les sommes indûment perçues de ce chef, provisoirement évaluées à 100 francs ;


Attendu qu’il résulte des articles 10 de la loi du 13 mai 1863, 2 de la loi du 23 août 1871, 11 de la loi du 28 février 1872, 1er de la loi du 30 mars 1872 et du décret du 2 juin 1864 rendu pour faciliter l’exécution de la loi de 1863 précitée, que les Compagnies de chemins de fer sont tenues de délivrer des récépissés timbrés contenant les conditions du transport aux expéditeurs qui demandent des lettres de voiture ; que le droit de timbre de ces récépissés a été porté à 0 fr. 35 pour les transports en grande vitesse et à 0 fr. 70 pour les transports par voie ferrée autrement qu’en grande vitesse ; que des timbres mobiles doivent être apposés sur les récépissés accompagnant les envois venant des pays étrangers ou sur les pièces tenant lieu de récépissés ; que l’opposition et l’annulation sont confiées soit aux receveurs de l’Enregistrement, soit aux préposés des douanes ; qu’un arrêté du ministre des Finances du 7 mai 1864 a expressément autorisé les receveurs des douanes frontières de terre, placés dans les gares des chemins de fer, à apposer les timbres mobiles ;


Attendu que ces dispositions ne renferment aucune distinction ni entre les expéditions qui ont leur point de départ en France ou à l’étranger, pour le paiement des droits de timbre, ni entre les Compagnies de chemins de fer françaises ou étrangères qui opèrent les transports, ni entre les marchandises qui transitent et celles qui sont à destination des habitants du territoire français, quelque courte que soit la distance parcourue entre la frontière et le point d’arrivée ;


Attendu que Lapeyre et Légarralde, négociants à Hendaye, contestent la légalité de l’application des dispositions de lois susvisées aux marchandises transportées par la Compagnie du Nord de l’Espagne dont les rails traversent la ligne séparatrice de la France et de l’Espagne (ligne située dans le lit de la Bidassoa) sur le pont international jusqu’à la gare de sortie, française, d’Hendaye ; qu’ils prétendent que la circulation, sur le réseau du chemin de fer espagnol, s’est effectuée sur une fraction du territoire français dans laquelle les personnes et les marchandises ne sont plus soumises à la souveraineté française et sont affranchies, par conséquent, de l’impôt du timbre grevant en France tout contrat de transport ;



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PONT INTERNATIONAL HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu, à cet égard, que les deux pays voisins (France, Espagne), dont la frontière géographique, dans le lit même de la Bidassoa, ne leur permettait pas d’édifier une gare au point terminus de leur territoire et qui avaient à tenir compte de la volonté de l’un d’eux (l’Espagne), d’exiger sur son territoire un écartement de rails différent, ont conclu une convention le 8 avril 1864 ; qu’ils ont déclaré régler les mesures de surveillance et de douane applicables au service international des deux lignes à créer, de manière à accélérer le transport des marchandises ; qu’il fut convenu que, sur la route internationale entre la station française d’Hendaye et la station espagnole d’Irun, l’action administrative s'étendrait pour chaque pays, sur la voie qui lui était réservée, jusqu'à la station étrangère, mais que la compétence des Tribunaux judiciaires, si leur intervention était nécessitée par un événement quelconque, n’aurait d’autre limite que la frontière des deux Etats ; qu’il fut stipulé aussi que chaque envoi serait accompagné d’une feuille de route distincte par lieu de destination, relatant le nombre et là nature des colis et destiné à être soumise au visa des employés des douanes ; que les agents des douanes, en fonctions dans la gare étrangère, seraient revêtus de leurs uniformes et porteurs de leurs armes, seraient affranchis du recrutement, des prestations communales, des impositions directes et personnelles, relèveraient de l’autorité de leur pays pour le service et la discipline, et jouiraient, sur la vue de leurs uniformes ou la représentation de leurs commissions, de tous les droits et privilèges que les lois nationales accordent aux agents officiels, ...mais que ces agents seraient soumis aux lois du pays et paieraient les contributions indirectes comme les autres étrangers ; qu’il fut entendu (article 22) qu’il ne serait pas plus dérogé aux lois de chaque pays en ce qui concernait les pénalités encourues dans le cas de fraude et de contravention qu’à celles qui prohiberaient ou restreindraient l’exportation, l'importation ou le transit ;


Attendu que la souveraineté française, sur le territoire où sont posés les rails de la Compagnie espagnole du chemin de fer du Nord d’Espagne, n’a nullement été aliénée par cette convention, en faveur de la nation, de la souveraineté espagnoles ; que les deux gouvernements n’avaient eu pour but que de régler les conditions d'un service de transports ; que les immunités indispensables ont été seulement accordées aux agents de la Compagnie du Nord de l'Espagne et de la Douane espagnole ; que c’est ainsi, par exemple, que la compétence des Tribunaux français a été expressément réservée ; que tous les agents étrangers restent placés, en ce qui ne concerne pas leur service, sous l’autorité des lois françaises et notamment des lois fiscales relatives aux contributions indirectes parmi lesquelles est classé l’impôt du timbre ;



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PONT INTERNATIONAL HENDAYE 
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu que le gouvernement français n’avait renoncé ni explicitement ni implicitement à appliquer l’impôt du timbre à l'occasion de la circulation des trains de la Compagnie espagnole sur les marchandises venant d'Espagne à destination d’Hendaye ; que le paiement de cet impôt est le prix de la protection qui est due en France aux marchandises, aux agents et aux trains, nonobstant la nationalité Espagnole de ces derniers :


Attendu que la perception, en Espagne, d’un impôt, proportionnel à la distance parcourue, jusqu’à la sortie du réseau et des rails espagnols à Hendaye, sur les expéditions, ne peut empêcher l’Administration des Finances en France d'agir en pleine indépendance sur tout le territoire pour l’application des lois fiscales ;


Attendu que le droit de percevoir l’impôt sur les expéditions de provenance espagnole repose sur l’existence de contrats de transports reconnus par les agents de la douane français et exécutés partiellement en territoire français ; que l’espèce à juger est identique à celle où les rails ayant le même écartement en France et dans des pays voisins de la France autres que l’Espagne, des trains de nationalité étrangère dépasseraient la frontière et viendraient décharger les marchandises dans l’intérieur de la première gare française ; qu’elle est encore identique à celle où des marchandises seraient expédiées d'Irun à Hendaye par la ligne française du Midi, qu’elles provinssent d’Irun ou d’autres points de la région ; qu’on ne saurait admettre, en effet, qu’en utilisant la ligne et les rails espagnols au lieu d’utiliser la ligne et les rails français, on puisse s’affranchir d’un impôt qui doit peser également sur tous les destinataires ;



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PONT INTERNATIONAL HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Par ces motifs ; 

Déboute Légarralde et Lapeyre de leurs demandes, fins et conclusions et les condamne aux dépens".







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