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samedi 29 juillet 2023

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1934 (dix-huitième partie)

 


L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.


C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.



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ALEXANDRE STAVISKY


Comme je vous l'ai indiqué précédemment, puisque nous sommes samedi, voici un autre article 

sur le "feuilleton" de l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 26 janvier 

1934 :



"De la journée de M. Guébin aux comptes fantastiques de M. Cohen  "appréciateur" du Crédit de Bayonne.



Il y eut hier un moment de surprise lorsqu'on apprit que M. Guébin, arrivé de Paris accompagné d'inspecteurs de la police, était allé, après une première entrevue de ses défenseurs avec le juge d’instruction, déjeuner à Biarritz. 


Ce n’est que l’après-midi qu’il a été entendu par M. d’Uhalt, contrairement d ailleurs à ce qu'écrivent quelques confrères parisiens disant que "le juge n'avait même pas vu le directeur de La Confiance". Il a fourni au magistral des explications qui ont déterminé sa décision de renvoyer Al. Guébin à Paris, comme prévenu libre. On lira plus loin ce que furent les explications du directeur de la Confiance-Foncière


Il a donc repris le train pour Paris. Reviendra-t-il quelque jour à Bayonne ? Savoir ?... Ses explications ne donnent pas satisfaction à tout le monde. La justice est saisie, ainsi qu’on répète souvent, depuis le début de l’affaire, laissons-la agir. 


Mais si certains éprouvèrent quelque surprise sur le cas Guébin, la stupéfaction est générale et énorme, lorsqu’on entend les révélations des experts chargés d’examiner les "bijoux" trouvés dans les boites scellées qui avaient été déposées par Tissier au Crédit Lyonnais. 


On en rirait, s'il y avait de quoi rire en cette affaire. Tels de ces bijoux avaient été estimés par "l’appréciateur" 600 000 fr., qui n'en valaient que 1 800 ; tels autres 500 000 fr. qui ne valaient rien du tout, car il ne s'agissait que de simple verroterie pour nègres du Bas-Congo... Pas même des cailloux du Rhin. 


L'expert ne manque pas de dire que quelqu'un après lui a subtilisé les vrais bijoux pour les remplacer par des faux. 


Evidemment, quand on a le talent de prestidigitateur de Tissier... Mais les scellés sont là, — tels qu’ils furent posés. La défense de Cohen semblerait déjà bien précaire, si ses antécédents ne diminuaient pas encore la confiance qu'on peut avoir en sa parole. 


D'autre part, il a été établi que les bons souscrits étaient la propriété de "Monsieur Alexandre".  


"Tous les bons que vous souscrivez, écrivait Tissier en qualité de directeur, sont la propriété de M. Alexandre, qui les règle toujours précédemment, comme il se doit et, en conséquence, vous devez verser entre ses mains le montant des dits bons. " 


C’était, on s'en rend compte, de l'argent bien placé !


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JUGE D'INSTRUCTION M D'UHALT
PARIS-SOIR 16 JANVIER 1934



Henri Cohen cherchait à vendre le mois dernier des lots importants de bijoux.



Le "petit Cohen", le nouveau locataire de la Villa Chagrin, était bien connu à Paris dans le monde des diamantaires. Après voir débuté dans la vie comme... jockey, il s’établit courtier en pierres fines, — suivant, en cela, ainsi qu’on le sait, les traces de son père, — mais il se brouillait bientôt avec celui-ci. 


Quelques affaires fâcheuses qui lui valurent de faire un assez long séjour "à l’ombre", l’amenèrent, sur ces entrefaites, à changer une fois de plus de profession : il se fit musicien de jazz. L’escroquerie de Bayonne devait lui permettre de retrouver un lustre passager... en attendant de l’amener à reprendre le chemin de la prison. 


Au commencement de décembre dernier, Cohen fut aperçu par des habitués du club des diamantaires et des cafés des environs. Il était dans sa somptueuse automobile et transportait de nombreux bijoux et des pierres précieuses, dont il venait sans doute traiter la négociation. 


Toutefois, les témoins qui le virent à cette époque, ne furent pas pressentis par lui à cc sujet. Sans doute, "l’appréciateur", qui voyait grand, à l’imitation de ses patrons, jugea-t-il ces petits négociants trop modestes pour être susceptibles de lui acheter les lots importants dont il était détenteur. Il ne leur fit aucune proposition. Main on peut penser qu'il mena pourtant à bien les opérations de... liquidation qu’il projetait. 


S’adressa-t-il à certains gros acheteurs encore inconnus ? Fit-il procéder à des ventes aux enchères ? C’est ce qu’une enquête approfondie dans les milieux spécialisés révélera sans doute sous peu. 



Le cas de Camille Aymard.



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CAMILLE AYMARD
PHOTO AGENCE MEURISSE


Sous ce titre, nous lisons dans la "Liberté" de Paris :  


"On sait dans quelles circonstances, M. Camille Aymard a été arrêté, il y a quinze jours, la veille du jour où devait venir au Palais-Bourbon, le premier débat politique sur le scandale Stavisky.  


D’après les déclarations publiques du juge d’instruction de Bayonne, les charges relevées contre lui et figurant au dossier sont légères, si légères, si insuffisantes même qu’on a cherché à les renforcer à la faveur d’une perquisition au domicile du prévenu.  


Une pièce complémentaire a été versée au dossier. Il ne semble pas qu’elle modifie en quoi que ce soit la position de M. Camille Aymard.  


Pourtant, lorsqu’il a été transféré, samedi, de Bayonne à Pau, où doit être discutée en appel sa demande de mise en liberté provisoire, l’autorité l'a fait enchaîner comme un dangereux criminel. Elle l’a fait voyager et l’a exposé en cet état aux yeux du public, entre deux gendarmes. 


Dans le même temps, il y a à la Chambre, un député inculpé dans la même affaire, qui n’a pas été arrêté, et un autre qui, grâce à un certificat de médecin, jouit de la liberté provisoire. 


C’est là une monstruosité contre laquelle nous renouvelons notre protestation. 


Quand la justice s’abaisse à de pareils procédés, elle perd toute dignité et devient un simple instrument de persécution politique. 


M. Camille Aymard a été inculpé, avant tout, par représailles politiques. Tant que le tribunal ne s’est pas prononcé, son innocence doit être présumée.  


La bestiale rigueur dont on a usé à son égard a soulevé l'indignation de toute la presse, ainsi qu’en témoignent les articles véhéments de journalistes appartenant à tous les partis.


Le Syndicat de la presse parisienne, saisi de la question, se réunira incessamment et fera connaître son avis. 


Nous sommes sûrs d'avance qu’il sera d’accord avec le nôtre et s'élèvent contre les atteintes multipliées portées, en ces derniers temps, aux libertés essentielles de la presse."



Les explications financières de M. Guébin. Les budgets additionnels du Crédit et son plafond.


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M GUEBIN DIRECTEUR LA CONFIANCE
PHOTO AGENCE MEURISSE
AFFAIRE STAVISKY 1934


La journée d’hier a été marquée par l’arrivée à Bayonne, de M. Guébin, directeur de la "Confiance". On sait déjà que M. Guébin n’a été entendu par le juge d’instruction qu’à 3 heures 25 de l’après-midi, et qu’à 4 heures 15 il sortait du cabinet du juge en qualité de prévenu libre. 


Quelques instants après, nous avons pu rejoindre Me Maurice Kanoui et Me Félix Ribet, ses avocats, qui, avec une fermeté souriante, se sont refusés à toute interview. 


Cependant, ils ont bien voulu nous déclarer être très heureux d’avoir pu démontrer la bonne foi de leur client au juge "qui a été convaincu". 


En effet, c’est après l’examen des documents apportés par ses défenseurs, que M. Guébin, tout en restant inculpé de recel et de complicité d’escroquerie, n’a pas été mis sous mandat de dépôt. 


Malgré le silence du juge d’instruction et des défenseurs de M. Guébin, nous avons nu nous procurer quelques renseignements intéressants dont nous certifions l’exactitude. 


Les deux défenseurs auraient apporté au juge les photographies de documents authentiques qui prouvent qu’en 1931, le Conseil d’administration du Crédit municipal et le Conseil Municipal de Bayonne avaient fait approuver par le Préfet deux budgets se chiffrant globalement à 83 millions. 


Des budgets de même nature, l’un de 83 millions également pour 1932, et l’autre de 104 millions pour 1933, avaient été approuvés dans les mêmes conditions par les administrations compétentes : préfet ou sous-préfet ou secrétaire général. 


On arrivait donc ainsi, en additionnant les trois budgets, à un total de 270 millions formant plafond, puis que la loi qui réglemente les Monts-de-Piété dit que les bons peuvent être émis dans la limite du budget. 


En avril 1931, le budget du Crédit Municipal avait été fixé tout d’abord à 42 millions, mais, en présence de l’afflux considérable des bijoux un budget supplémentaire de 41 millions avait été voté. 


L’année suivante, 1932, le Conseil d’administration vota d’un seul coup un budget égal à la totalité de celui de 1931, c’est-à-dire de 83 millions, et, à la fin de cette année 1932, comme les Bons engagés pour deux ans arrivaient à échéance, le Conseil vota pour 1933, un budget de 104 millions. 


Nous nous répétons, peut penser le lecteur, mais c’est volontairement que nous entrons dans le détail de ce mécanisme compliqué afin qu’il paraisse suffisamment clair. 


Il apparaît donc que la "Confiance foncière" a négocié les Bons du Crédit municipal de Bayonne dans une limite inférieure au plafond puisque son total n’atteint que 220 millions. D'autre part, M. Guébin aurait affirmé et "prouvé" que le président du Comité général des Assurances avait reçu (au moment où il communiquait aux Compagnies la lettre du ministère du travail concernant le placement des réserves en Bons des Crédits municipaux), un état de toutes les Compagnies d’Assurances, indiquant le montant des Bons de Bayonne se trouvant dans leurs portefeuilles ; l’ensemble aurait été communiqué au ministère du travail. 



Les opérations du Crédit et le Ministère du Travail.


M. Guébin aurait assuré par ailleurs que chaque compagnie d’Assurances était obligée, aux termes de la loi, d’envoyer au ministère du travail, un état des modifications survenues dans ses portefeuilles, au cours du trimestre ; il était donc possible à la Direction du Contrôle des Assurances du ministère du travail de se rendre compte du montant des Bons répartis entre les Compagnies, montant qui, le 31 juillet 1933, dépassait sensiblement 150 millions. 


Et M. Guébin qui, volontiers, d’inculpé deviendrait plaignant, aurait argué de son entière bonne foi, surprise par des procédés savants, par des renseignements suggestifs, par des patronages impressionnants : Bayonne, centre important des engagements de bijoux : apports des émigrés espagnols, apports des diamantaires ennuyés par la baisse subite du diamant, certitude de la garantie de la Ville et de l’Etat affirmée par des lettres du député Garat. 


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JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE 

Et, pour affirmer encore la bonne foi de la compagnie "La Confiance foncière", M. Guébin aurait fait état d’un jugement prononcé a Bayonne en septembre 1933. 


A cette époque, des bijoux sur lesquels le Crédit municipal de Bayonne avait avancé 15 millions, allaient être vendus, faute d’avoir été dégagés, à temps par leurs propriétaires, trois diamantaires de Paris, MM. Hatot, Schmitz et... Voix. 


Ces messieurs se portant en référé demandèrent qu’il soit sursis à la vente, en raison de la crise économique qui les mettait dans l’impossibilité de dégager leurs bijoux. 


Leur avocat, Me Raphaël Petit, secrétaire de M Bonnaure, demanda le renvoi de la vente à fin décembre 1934, mais le Président du Tribunal ne la renvoya qu’à fin décembre 1933 disant cependant, dans un de ses attendus, qu’il ne pouvait être contesté que les gages dont on demandait la vente, étaient d’une valeur très largement supérieure aux sommes empruntées. 


Lorsque la "Confiance foncière" fut informée de ce jugement, son sous-directeur écrivit à Tissier pour lui rappeler qu’il avait 15 jours devant lui pour faire appel et que, d’ailleurs, cette décision était contraire à la loi. 



Autre son des cloches.


Tout ce que nous venons de. dire est, en quelque sorte, l’écho des cloches du beffroi Guébin ; nous avons entendu d’autres carillons, aussi sonores, et nous enregistrons leurs sons. 


Non, non, disent-ils, tout ce que vous avez entendu dire sur les budgets est présenté sous un jour spécieux. Voici la vérité : les budgets ne s’additionnent pas ; un budget est fait pour un exercice dont il ne peut dépasser les limites ; il est inadmissible dans ces conditions, qu’on puisse totaliser des budgets d’exercices différents. 


Quelle peut être l’opinion du spectateur objectif devant deux thèses aussi différentes, et présentées avec la même apparente sincérité ? Quoi qu’il en soit, il y a un fait : M. Guébin a repris le soir même le train pour Paris, en prévenu libre. 


Chez M. Dupouy


Après l’interrogatoire de M. Guébin, M. d'Uhalt accompagné de son greffier M. Sicres, est allé chez M. Dupouy, auquel il a présenté les bijoux qui lui avaient été confiés par Mlle Sabatier. 


M. Dupouy a reconnu ces bijoux, ainsi qu’une somme de 75 000 francs qui était contenue dans le paquet, mais les experts n’ont pas pu se prononcer sur la valeur des dits bijoux, qu'ils examineront ce matin. 


M. d'Uhalt, a reçu encore de nouveaux chèques ; il en possède actuellement environ 500. 



Bijoux "fantaisie" et évaluations fantaisistes.


Au Crédit Municipal, les experts ont poursuivi leur travail en présence de M. Lauga, juge suppléant. 


Dans la matinée, les experts ont examiné le contenu de trois boîtes ; la première portait cette appréciation de Cohen : valeur, 375 000 fr. ; les experts ont apprécié le contenu à 1 500 francs ; la deuxième, 500 000 francs, estime Cohen, valeur réelle : néant, répondent les experts ; la troisième, 500 000 francs, dit encore Cohen, valeur réelle : néant, répondent de nouveau les experts. 


Dans l’après-midi, les experts ont examiné le contenu de deux autres boîtes également surestimées dans des proportions fantastiques : il s’agissait de verroterie et de pacotille de bazar parmi lesquelles on a découvert quelques perles véritables, mais d’une qualité plus que médiocre."



A suivre...





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