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dimanche 15 janvier 2023

LA DIVISION DE BAYONNE À CRAONNE EN JANVIER 1915 (première partie)

 

LA DIVISION DE BAYONNE À CRAONNE.


La 36ème division d'infanterie est une division d'infanterie de l'armée de terre française qui a participé à la Première et à la Seconde Guerre mondiale.




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MONUMENT AUX BASQUES
A LA GLOIRE DE LA 36EME D.I.




Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 23 mai 1928 :



"L’héroïsme de la 36me Division à Craonne... Le 25 Janvier 1915.


A la mémoire des soldats de la Division de Bayonne tombés sur le plateau de Craonne, ces lignes sont dédiées par un ancien combattant.



On ne pourra jamais écrire l’histoire de cette bataille. Aussi, ne trouvera-t-on pas ici un récit de cette sanglante journée. Toute relation serait inexacte ; il ne servirait même à rien de consul ter patiemment les archives de la 36e D. I., d'y classer les rapports, renseignements ou ordres que l’on a pu conserver. Nous ne voulons essayer que d’en donner l’aspect général afin d’apporter, une fois de plus, la preuve d’un héroïsme qui ne s’est jamais démenti, même dans les conditions les plus lamentables. 



Il y avait en ligne, ce jour-là deux régiments, les 18e et 34e, le premier tenant le front, plateau de Paissy, Bois Foulon, la Creute ; le second le secteur Hurtebise, Vauclerc. Malgré les travaux déjà commencés pour doubler la première position par une position de résistance, on peut dire que la défense n était assurée que par la première ligne. Or, cette ligne était impuissante à résister à un choc, n'ayant derrière elle que la pente raide de la falaise. Cette invraisemblable situation durait, il est vrai, depuis quatre mois ; mais la bravoure la plus acharnée ne pouvait empêcher une attaque violente de faire une brèche dans ce mur fragile surplombant un ravin. Le point le plus délicat était le front de la Creute où les tranchées françaises étaient à très courte distance des tranchées ennemies (de 20 à 50 mètres). La crête, sur tout le front, appartenait aux Boches. Dès lors, il était impossible, de jour, d’amener le moindre renfort, soit par Quiches, soit par le hameau de la Vallée-Foulon. Et même sur les points où les cheminements existaient, les boyaux étaient encore trop rares pour permettre la mise en place et le départ de renforts au secours de la position attaquée. 



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VUE GENERALE DES RUINES DE LA VALLEE FOULON AISNE


Cette difficulté rendait, en outre, la liaison impossible. Sur le front même, elle n'existait qu'entre les sentinelles ; les chefs de bataillon ne pouvaient communiquer entre eux. En profondeur, nul moyen rapide et sûr n'existait pour relier la première ligne avec le commandant du régiment et celui-ci n’avait que des liaisons très lentes avec la brigade (château de Bellevue et Beaurieux), la division (Maizy), le corps d'Armée (Merval). Bien avant le début de l'attaque, le téléphone était devenu inutilisable. Restaient les coureurs qui firent des prodiges ; mais la boue, les barrages et les distances les rendirent bien insuffisants. De là, il advint que le commandement n’eut que des renseignements tardifs, que les combattants reçurent des ordres inexécutables ; que les uns ou les autres ne purent profiter des occasions favorables. Les critiques, parfois si violentes, qui furent dressées après l’affaire, à telle ou telle unité, tombent d’elles-mêmes si l’on se rend compte de cette lacune si grave : le manque de liaison. Ajoutons que l’ennemi, au contraire, pouvait circuler à l’aise sur les pentes nord du terrain d’attaque, faire coulisser des renforts derrière la crête et embrasser, d'un coup d’œil, les opérations. 



Faut-il donc accuser le commandement de s'être laissé surprendre pour n’avoir pas compris la situation précaire des troupes ? Non. Sans doute, il eût été plus sage de reculer avant le coup de force ennemi, sur des positions moins fragiles, mais à l'heure où, en Champagne, le gain de 50 mètres de tranchée était salué comme une victoire. où une légère avance en Argonne avait les honneurs du communiqué, pouvait-on, sans affoler l’opinion, reculer de quelques centaines de mètres en un secteur si important et si chèrement conquis ? Par ailleurs, n’était-ce pas compromettre toute la tête de pont au nord de l'Aisne ? Enfin, on n’avait pas encore compris le sens exact du principe affirmé par Joffre : "On ne lutte pas avec des hommes contre du matériel."



Les chefs de la 36e D. I. savaient à quel point ils pouvaient compter sur leurs hommes ; ils ne savaient pas assez encore la puissance du matériel ennemi. 



Ce matériel fut amené à pied d’œuvre par les Allemands avec habileté. Les défenseurs des tranchées françaises furent surpris, quelques jours avant l’attaque, par des tirs inaccoutumés. Aux habituels 77 et 150 venant de la vallée de l’Ailette s’ajoutèrent quelques rafales isolées de 105 fusants et quelques coups de tonnerre de 210. En toute première ligne, de grosses bombes firent trembler le sol çà et là. La nuit, les veilleurs signalèrent des bruits de moteurs, des appels de cornes, et plus près, des cliquetis de barbelés. La concordance de ces renseignements éveilla-t-elle l’attention du commandement ? Sans doute, car les consignes, en cas d’attaque, furent rappelées, des alertes exécutées, des ordres nouveaux donnés. Hélas ! les officiers d’artillerie se regardaient avec tristesse : les caissons étaient vides. Hélas ! les mitrailleuses étaient presque absentes. Hélas ! les grenades manquaient totalement au fantassin. La première ligne française ne fut enfoncée que par le matériel. 



Cela posé, — et il était nécessaire pour qu’on pût juger la 36e D. I. de parler de ces questions techniques, — que restait-il à faire aux troupes en face d’une attaque de cette puissance ? Se faire hacher sur place en arrêtant le plus possible les flots des assaillants. Cette tâche fut admirablement remplie par les 18e et 34e d’infanterie. Grâce au rempart de poitrines qu’ils opposèrent aux balles, obus et grenades des ennemis, la masse d’attaque fut brisée, perdit son élan, ne put se creuser qu’un étroit passage, à la Creute, et alla mourir, épuisée, sur les pentes du bois Foulon et de Hurtebise. 



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OBSERVATOIRE FRANCAIS CRAONNE 1916


Autour du plateau de Paissy.



Le 25 janvier, vers midi, les "minen", les 105 et 210 tombent par rafales fréquentes sur le redan du plateau de Paissy, la corne nord du bois Feulon, le ravineau, le trou d’Enfer, l’entrée de la Grande Creute, les pentes sud de la ferme Hurtebise. La Creute disparait dans un nuage gris ; à travers les épaisses volutes, on aperçoit cependant une flamme claire, la flamme d’un feu de paille allumé par le bataillon de première ligne. C’est le signal convenu, signal primitif, mais le seul possible pour apprendre à l’arrière que l’attaque commence. En effet, au milieu des roulements du bombardement, on perçoit flottement le crépitement précipité des mitrailleuses. Dans la vallée, près de Vassognes, de Jumigny, au bois de Beaurieux, les batteries de 75 qui eu tôt fait de vider leurs caissons, sont pilonnées par les marmites boches. Les 105 fusants, aux panaches verdâtres, cessant de cracher leur mitraille sur les tranchées, arrosent les villages de la vallée, les routes, les bois, tandis que les lourds percutants renversent les murs, crèvent des toits, défoncent des caves.



Que se passe-t-il en ligne ? Mystère. Les mitrailleuses se sont tues. On n’entend plus que le claquement intermittent des coups de fusil et l’explosion étouffée des grenades. Ce silence presque complet pèse sur le cœur ; on devine que là-haut, on s’égorge. En effet, les Allemands ont débouché en plusieurs colonnes. A droite, au secteur du 34e la colonne d’attaque a été prise aussitôt par les feux de l’infanterie et le barrage d’une batterie de 75 ; elle n’a pas pu aborder la première ligne. Au contre, devant la Creute, un bond a suffi pour franchir l’intervalle qui séparait les deux tranchées ; tandis que les guetteurs tirent des coups de fusil, ou lancent des coups de baïonnette, contre les premiers assaillants, de nouveaux ennemis accourent qui les massacrent. Les mitrailleurs sont tués sur leur pièce avant d’avoir pu tirer. Cependant, grimpant le long des boyaux, semblables sur ce point à des escaliers, s’adossant aux pare-éclats, se coulant de trou d’obus en trou d’obus, les sections de renfort empêchent les Allemands de déboucher de la première ligne. Cinquante mètres à peine les séparaient de l’entrée de la Creute ; ils ne purent y parvenir qu’à la nuit, après deux heures de combat. 




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FERME EN RUINES PAISSY AISNE



Une troisième colonne ennemie marcha sur la corne nord du bois Foulon ; mais les tirs étagés de la tranchée des zouaves et de la mitrailleuse du trou d’Enfer fauchèrent les rangs, et le glacis sur lequel ils descendaient, fut littéralement jonché de cadavres. Ainsi en alla-t-il jusqu'à ce que la mitrailleuse s’enraya et que la compagnie de la Corne du bois fut prise à revers. 



Car, une quatrième colonne, profitant d’un léger vallonnement qui la rendait invisible, put aborder sur le plateau de Paissy, le redan du Chemin Creux, ouvrage inachevé, destiné à flanquer la position avancée du bois, et que l’on n’avait pu encore relier en arrière à la Grande Courtine, tranchée de deuxième ligne, tenue par le 83e territorial, dont les feux eux-mêmes ne purent être utilisés. Enlevé presque sans coup férir, le redan permit aux Allemands de se glisser entre la compagnie qui résistait de front et la compagnie de réserve. Le bois tout entier allait-il tomber entre les mains de l’ennemi ? Ce succès obtenu, toute position, au nord d'Oulches, devenait intenable, prise à revers. La résistance opiniâtre du 34e qui défendait pied à pied ses positions à l’est de la Creute, eût été inutile. 





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FERME LA CREUTE AISNE JANVIER 1915



Non. Tout n’est pas perdu ! La compagnie de réserve du bois Foulon part à la contre-attaque, et, arbre par arbre, mètre par mètre, fait reculer l’Allemand. Celui-ci eût été écrasé comme dans un étau si la Compagnie de la Corne du bois avait pu encore tenir ; mais encerclée totalement, privée de sa mitrailleuse, réduite à une quarantaine d’hommes, elle crut toute la position perdue, ne chercha plus qu’à crever le cercle de l’ennemi, et, cela fait, se jeta dans la vallée Foulon ; elle avait tenu plus de deux heures. 



Héroïque entêtement.



Réduit à ces grandes lignes, le combat paraît simple ; en réalité, il y eut des flux et reflux, des échauffourées, des avances, des arrêts, des mêlées confuses qui rendirent de part et d’autre, toute direction du commandement impossible. Cependant, battu au bois Foulon, battu vers Hurtebise, le commandement allemand, en fin de journée, ne peut plus espérer offrir à l’empereur, pour sa fête, une triomphante victoire. 


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MONUMENT A HURTEBISE AISNE


Aux cinq régiments d’attaque, deux régiments de la 36e D. I. ont opposé une telle bravoure et tel héroïque entêtement, qu’il faut recommencer une nouvelle opération, ou se contenter d’un semblant de succès, chèrement payé. 



Que décidera-t-on pendant la nuit ? Enfermés dans la Creute, les restes du 3e bataillon du 18e résistent farouchement ; le 2e bataillon du 34e a dressé en face de la brèche, un solide mur que les petits Landais ne laisseront pas franchir ; le 1er bataillon du 18e poursuit une contre-attaque que la nuit ne pourra que favoriser. Et derrière ce front, les 49e et 12e viennent se ranger, à Oulches, et au nord de Vassognes, prêts à bondir. Les ténèbres tombent, glaciales et humides, sur les plateaux de Craonne et de Paissy, ensevelissant les morts et les vivants, semblant éteindre l’incendie de la bataille qui crépite encore çà et là, mais qui se rallumera, atrocement sanglante, durant la nuit du 25 au 26 janvier. 

Capitaine D."



A suivre...



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