LE PAYS BASQUE ET LA MUSIQUE EN SEPTEMBRE 1942 (deuxième et dernière partie)

 

LE PAYS BASQUE ET LA MUSIQUE EN SEPTEMBRE 1942.

De nombreux compositeurs d'origine ou amoureux du Pays Basque ont composé des oeuvres musicales en rapport avec ce pays.

COMPOSITEUR GUSTAVE SAMALZEUILH

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Temps, le 15 septembre 1942, par Gustave 

Zamazeuilh :

"Le Pays Basque et la musique.

Saint-Jean-de-Luz fut, on le sait, depuis longtemps un centre de musique. Nul n'y a plus contribué que Mme Ducourau-Petit, la dévouée animatrice de la société "Charles Bordes" qui a trop sacrifié sa vivante production personnelle : un Trio, une Suite basque pour orchestre, des Chansons basques, des Pièces de piano, pour faire connaître à son public, en une longue série d'auditions depuis 1892, toute l'histoire de la musique chorale, de Monteverde à Honegger, tout le folklore basque chanté et dansé. De son côté, Mme Idiatbard, de naissance euscarienne française, s'est fait connaître par des pièces de piano, et une suite orchestrale, Guipuzcoa, où se trahissent des inexpériences, mais qui n'en affirment pas moins des qualités de couleur dont il sera curieux de suivre le développement. Voici d'autre part, du côté masculin, M. Charles Colin, auteur d'une Maïtena notoire sur les bords de la Nivelle, et dont les scènes populaires, d'une sincérité touchante, sont supérieures aux scènes d'action. Dussé-je aller pour cela jusqu'à Dax ou en Marensin, je m'en voudrais de ne pas annexer aux originaires euscariens M. Léon Canton pour ses Chansons harmonisées, le regretté Claude Duboscq pour ses délicates Mélodies, et surtout M. René de Castera qui, ami de Charles Bordes et familier des rythmes basques, les a maintes fois utilisés en fin musicien, notamment dans le divertissement de son Trio, le finale de sa Sonate pour violon et piano, et les deux pièces médianes de son Concert pour piano, violoncelle, flûte et clarinette.

OPERA MAÎTENA 
PAYS BASQUE D'ANTAN

La richesse du folklore basque, la diversité, la poésie si variée de ses paysages de mer et de montagne, les mètres particuliers de ses danses ont attiré, après Bordes et Pierné, beaucoup de musiciens, venus d'autres horizons, qui y ont puisé l'inspiration d'oeuvres, dont plusieurs compteront dans l'histoire de la musique de ce temps. De Bordeaux lui sont venus d'abord Raoul Laparra et Ermend-Bonnal. Je ne vous apprendrai pas les dons d'évocation lyrique et pittoresque qui donnent a la musique directe, spontanée, un peu fruste parfois de Laparra, un accent particulier. Comme dans celles où il a chanté l'Espagne, si chère à son coeur, vous les retrouverez dans ses oeuvres de source euscarienne : la suite d'orchestre Lore Dantzariak, où chaque fleur danse son pas, et l'Irrintzina lance ses fusées ; le Dimanche basque pour piano et orchestre, qui nous conduit successivement vers la vieille église, au jeu de pelote, devant une maison aux murs blancs, et à la fête vespérale ; les mélodies, pleines d'une libre saveur, sur les thèmes populaires, telles Etche-Churria, Bidarraiko gizona... Quant à Ermend-Bonnal, son séjour prolongé dans le pays, comme directeur de l'Ecole de musique de Bayonne, lui a dicté toute une série d'oeuvres d'inspiration basque, où s'affirment la ferme écriture, les tendances élevées, la tenue musicale qui sont toujours les siennes. Ses Chansons, ses Cantiques basques, ses Poèmes euscariens pour orgue, son Trio, son Deuxième quatuor pour instruments à cordes, sa Suite basque pour orchestre, aux brefs croquis si véridiques et si vivement enlevés, comptent parmi les heureuses contributions apportées à la région. A titre documentaire, avant de quitter les Girondins de naissance, sinon d'origine, je mentionne ici le Chiquito de Jean Nouguès, représenté à l'Opéra-Comique peu avant la guerre de 1914, et, dans un tout autre ordre d'idées, les oeuvres que j'ai personnellement écrites sous l'impression de mes nombreux séjours dans le pays ou sur la côte : Nuit, Naïades au soir, poèmes pour orchestre, le Chant de la mer, poème en trois parties pour piano.

ERMEND-BONNAL

Pour rester toujours en France, d'autres hommages, signés de musiciens notoires séduits par leurs venues plus ou moins fréquentes ont été rendus à l'Euscarie. Le Cadurcien Philippe Gaubert, fidèle à Guéthary pendant tous les derniers étés de sa vie, n'a-t-il pas intitulé Au pays basque un poème orchestral généreusement sonore, souvent joué dans les concerts, qui célèbre les montagnes et les fêtes populaires du Labourd ? Le Toulousain Jean Poueigh n'a-t-il pas signé un ouvrage de théâtre Perkain le Basque où il y a du mouvement et de la couleur ? Louis Aubert n'a-t-il pas expressivement traduit, dans une pièce de ses Sillages pianistiques, la poésie du site de la chapelle de Notre-Dame-de-Socorri, qui domine le village d'Urrugne ? Adolphe Borchard n'a-t-il pas extériorisé ses impressions dans un Euskual Herria brillamment écrit pour piano et orchestre, qu'il joua naguère aux Concerts Colonne et à Biarritz ?

Enfin, je ne voudrais pas passer sous silence l'apport important des Basques d'origine espagnole. Je ne puis, hélas ! ici, faute de documentation précise sous la main, vous parler des compositeurs de musique religieuse, aussi nombreux qu'actifs. Mais deux élèves de Vincent d'Indy ; Joseph Guridi, avec ses ouvrages de théâtre Amaya, Cazerio ; Uzandisaga, remarquablement doué, mort à vingt-sept ans, avec son ouverture Bidassoa, son Quatuor, ses Choeurs, sa Rhapsodie sur trois chants populaires basques pour piano qui semblaient lui garantir la plus brillante carrière, méritent certes d'être mieux connus chez nous, ainsi que V. Arregui avec sa Symphonie. Azcue avec son opéra Ortzuri, Larrega, Arambarri, Ruiz, Urunuela, P. Olazaran. Quant au R. P. Donostia, dont la haute compétence en matière de musique religieuse et populaire est depuis longtemps affirmée, son rôle bienfaisant doit être mis en évidence. J'en atteste, sur le premier terrain, ses Cahiers sur des thèmes grégoriens, sa musique de scène pour la Vie profonde de saint François d'Assise et la Queste de Graal d'Henri Ghéon, les Trois miracles de sainte Cécile, le Poème de la Passion ; sur le second, les précieux recueils du Chansonnier basque et de Gure Herria, la participation à la création de Saski-Naski, la "Chauve-Souris" basque, avec plusieurs scènes populaires, les cahiers des Clavecinistes basques du seizième au dix-huitième siècle, où il y a des pages achevées de forme et de sentiment. Les oeuvres basques personnelles du père Donostia manifestent une nature à la fois simple et raffinée dont le charme est communicatif. J'en ai, pour ma part, vivement ressenti la fraîcheur dans ses Préludes basques, sa plaintive Prière pour N.-D. de Socorri, sa nostalgique Errimina pour guitare, ses Chants, et ses Poèmes pour voix et piano, d'une persuasive douceur, d'une atmosphère souvent pénétrante.

DISQUE DU COMPOSITEUR AITA DONOSTIA

Si sommaire que soit cet exposé, fait en majeure partie de mémoire, il suffira j'espère pour vous faire entrevoir que les sept provinces basques, avec la richesse, la diversité de leur folklore, de leurs paysages, ont suscité, tant en France qu'en Espagne, toute une littérature musicale, de même que "le petit peuple qui saute et danse au haut des Pyrénées", comme l'appelait, assez improprement d'ailleurs, Voltaire, a apporté à l'art chorégraphique toute une série de figurations restées vivantes, et dont je ne puis songer à vous entretenir aujourd'hui. Il suffit d'ailleurs de regarder la démarche à la fois dégagée, élégante, ferme et souple d'un paysan ou d'une paysanne basques pour les sentir sensibles à l'eurythmie du geste. Il suffit de les entendre chanter, au haut d'une montagne ou sous la voûte d'une, église, pour les savoir naturellement musiciens. C'est ainsi qu'ont pu se constituer des groupements comme la Schola paroissiale de Saint-Jean-de-Luz, dont M. Lebout est le digne animateur, et qui, tant par la discipline que par le nombre et la qualité des voix, la classe de ses interprétations, pourrait en remontrer à beaucoup de chorales réputées. A ses côtés je n'oublie pas les chorales populaires Alegera, Lous Muts, le trio Irurak, qui font aussi de bonne besogne dans les diverses provinces de ce côté-ci de la frontière. Et je remets à ma prochaine chronique le soin de vous dire de quelle façon efficace, quoique à vrai dire assez différente, le Béarn voisin a lui aussi, ainsi que la région bigorroise, contribué au mouvement musical français."

Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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