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mardi 31 janvier 2023

L'ENFANT AU PAYS BASQUE EN 1897 (deuxième partie)

 

L'ENFANT AU PAYS BASQUE EN 1897.


A partir de 1895, Mme Virginie d'Abbadie d'Arrast (femme d'Antoine) écrit plusieurs articles sur le Pays Basque dans le journal bimensuel La Femme.




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SOCOA 
PAYS BASQUE D'ANTAN







Voici ce que rapporta à ce sujet le journal bimensuel La Femme, le 15 mars 1897, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :



"L'enfant dans le Pays Basque.



... Une autre superstition attribue les indispositions des enfants à l'imprudence de la mère, qui n'a pas craint de les exposer aux regards du public en les menant promener par les rues et sur les routes. Plus les babies sont frais, roses, souriants, plus le danger qui les menace est grand. Une mère qui a vraiment au coeur le souci de ses enfants s'abstient de les promener ; elle évite, s'ils sortent avec elle, de les revêtir de jolis vêtements. Rien n'attire sur les innocents le mauvais oeil, l'Esprit malin, comme une robe de couleur claire, un bonnet orné de rubans, un manteau garni de broderies et de dentelles. Pour conjurer le sort, la mère met le pouce entre les doigts quand elle se trouve, son enfant sur les bras, dans une compagnie qu'elle ne connaît pas. De loin en loin, elle renouvelle le signe. Ce signe, universellement en usage chez tous les peuples superstitieux, s'accompagne chez les Basques des mots cabalistiques : Puyes eta Makhila, que l'on peut traduire par : Décampe, ou gare au bâton. L'expression est l'équivalent de : Vade rétro, Satanas. Puyes est un terme qui exprime le dégoût, et makhila, c'est le bâton des Basques.


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HOMME AU MAKILA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voir un chat noir sauter, par la fenêtre dans la chambre et s'enfuir en bondissant est de mauvais augure. Le chat est un émissaire du sorcier qui jette au passage sur le nourrisson le mal inexplicable dont il dépérit. Le pays basque croit encore aux sorciers que l'on appelle "Aztiac". Les Aztiacs se réunissent, tout comme au moyen âge, pour aller au sabbat, "Akhe larria". Tel individu de tel village est réputé pour être aztiac de grand pouvoir et de grande renommée. C'est un fin matois qui s'entend à exploiter la crédulité et se fait payer de façon à vivre grassement aux dépens de ses dupes.



Pour augmenter son prestige, il s'attache une femme dont le dévouement est à toute épreuve. Un individu vient le consulter pour une maladie des bêtes... ou des gens de la ferme, pour un animal qui s'est égaré, pour un objet auquel on tenait qui est perdu. Avant d'introduire le solliciteur auprès de son maître, la femme l'interroge, se fait raconter adroitement d'où il vient, à quelle maison il appartient, ce qu'il désire... elle instruit en secret le sorcier des circonstances qu'elle vient d'apprendre. On s'imagine ensuite l'ébahissement du paysan qui s'entend raconter son histoire. Comment mettrait-il en doute que le sorcier ne soit doué de seconde vue ? Notre malin personnage profite du moment psychologique pour rendre son oracle qu'il revêt d'une forme ambiguë à rendre jalouses les anciennes pythonisses de Delphes. "Ne craignez rien, dira-t-il d'un ton sentencieux, les porcs que vous avez perdus se retrouveront. Ils sont dans un endroit où je les vois ; oui, je les vois distinctement. Soyez donc tranquille et allez porter tout de suite cette bonne nouvelle à votre femme." Ces belles assurances suffisent pour satisfaire le crédule bonhomme, tant est aveugle la sottise humaine. 



On accuse les vieilles femmes d'être sorcières lorsqu'elles sont bossues. Les yeux bordés de rouge sont un indice auquel personne ne peut se méprendre. On ne soupçonnera jamais une femme jolie et agréable d'avoir des relations avec les puissances des ténèbres ; la spécialité n'est attribuée qu'aux plus laides et aux plus pauvres, que Cette réputation vient accabler d'un surcroît de misères. Personne ne veut louer de logement aux femmes suspectes de sorcellerie : on les empêche de dormir, on démolit le mur de leur jardin, on jette des pierres contre leur maison ; il leur faut chercher un autre gîte que tous leur refusent.



La femme T... était une de ces vieilles femmes très pauvres et laides dont tout le monde dans son village avait peur. L'épicier B..., qui était pourtant un homme instruit, qui savait lire et écrire en français comme en basque, la redoutait à l'extrême ; un jour qu'elle entrait dans l'épicerie, il se sentit pris subitement d'un vertige : "Sers-la vite, crie-t-il à sa fille, et fais-la sortir." Son malaise passa, mais la peur ne fit que croître. Il ne doutait pas que la femme T... ne fût le diable en personne. Quelque temps après, elle se présenta à la porte de la boutique, ayant quelques denrées à acheter. A sa vue, l'épicier, bouleversé, s'évanouit tout net. Après cette aventure, comment ne pas croire au mauvais oeil ?



Autrefois, on eût bel et bien brûlé cette malheureuse comme une certaine Jeanne d'Abbadie, de Ciboure, sorcière avérée, qui fut livrée aux flammes du bûcher, au XVIIe siècle, après la confession qu'elle en fit de s'être souvent transportée à Terre-Neuve. Là, perchée sur le haut du mât du navire (elle n'osait entrer dedans, car il était béni), Jeanne d'Abbadie et ses compagnes, les autres "sorguinas" dont était Marie de Larralde, qui fréquentait les sabbats depuis l'âge de douze ans, jetaient des poudres et empoisonnaient tout ce que les pauvres marins avaient mis à sécher au bord de la mer ; elles excitaient des orages et des tempêtes pour perdre les embarcations, puis, elles revenaient, aussitôt au point de départ. Ces "sorguinas" étaient plus de deux mille de toutes les paroisses du Labourd (Le Conseiller de l'Ancre, cité par Francisque Michel. Le Pays basque), qui fréquentaient le sabbat, Des enfants de sept ans, de dix ans, avouaient de même y avoir assisté quoiqu'ils ne fussent pas sorciers, car on ne commençait à l'être qu'à vingt ans ; mais fils ou filles de sorciers, ou dérobés à leurs parents, ils avaient été initiés à leur insu aux pratiques infernales.


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SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Parmi les usages superstitieux dont les Basques entouraient la naissance de leurs enfants, devons-nous mentionner l'antique et primitive coutume de la Couvade, que leur historien, Augustin Chaho, n'hésite pas à leur attribuer ? Sa célèbre légende cantabre en fait foi. Le barde Lara retrace les origines des Euskariens et chante les vertus d'Aïtor, père de la race Indo-Atlantide.



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CARTE DE L'ATLANTIDE 
PAR HOMERE ET DIODORE


'Les enfants de ma race, ainsi s'exprime le barde, pénétrés de respect pour les vicissitudes, qui ont marqué la carrière de leur aïeul, ont conservé des usages commémoratifs que les peuples de race étrangère trouvent singuliers, parce qu'ils n'en connaissent pas l'origine. Ainsi, quand une jeune mère quitte son lit de douleur et d'enfantement, l'époux prend un instant sa place auprès du nouveau-né, comme si l'aspiration d'une haleine virile et du souffle paternel devait communiquer la force à cet être frêle et chétif, doué d'une impressionnabilité magnétique." (Hist. des Basques, p. 174, par Aug. Chaho, Bayonne, 1847.) Il est possible que dans les temps anciens la pratique de la couvade ait existé chez les Basques. Il est difficile de se former sur ce point une opinion. D'après M. le révérend Wentworth Webster, dont les études si savantes sur les origines et les moeurs des Basques font autorité, l'argument le plus sérieux en faveur de l'existence de cet usage dans l'antiquité est dans le mot couvade même. Il est constaté que le mot, s'applique à l'habitude de la couvade chez les Américains au XVIIIe siècle. Ce mot, dans le même sens, doit avoir existé préalablement parmi les peuples pyrénéens, mais cette preuve n'est pas tout à fait concluante par elle-même. Il reste démontré que le fait de la couvade n'existe pas chez les Basques actuels. On a souvent fait demander à des médecins et à des sages-femmes du pays basque, s'ils avaient connu aucune semblable habitude. Personne n'a pu constater un seul cas et les quelques exemples qu'on a pensé pouvoir invoquer sont ou des récits de seconde main ou des témoignages controuvés. Chez les peuples sauvages qui pratiquent la couvade, l'hypothèse la plus raisonnable attribue cette façon d'agir du père comme un témoignage évident qu'il reconnaît être sien l'enfant qui vient de naître et qu'il veut lui constituer une manière d'état-civil.



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LA COUVADE AUTREFOIS


Revenons-en à notre petit Basque. Dès qu'il peut s'échapper de son berceau, on le laisse vaguer à quatre pattes comme il lui plaît et où il lui plaît ; il tombe, il se cogne, il roule le long des escaliers, peu importe, tout lui réussit. Le pays basque est le paradis des enfants. Le petit frère ou la petite soeur est chargé de veiller sur lui ; cette façon de bonne suffit pour assurer sa sécurité, et on déplore rarement un accident ; l'instinct préserve les petits. On n'a jamais entendu dire que l'enfant du meunier se fût noyé ; pourtant il court au bord de la rivière, il s'ébat sur la digue, mais il est bien reconnu que l'eau ne veut pas des petits meuniers."



A suivre...



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