"L'OPÉRATION GABARDINE" À HENDAYE EN 1950.
Après la réouverture de la frontière franco-espagnole le 10 février 1948, le commerce reprend de deux côtés de cette frontière.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Paris Presse L'Intransigeant, le 17 août 1950, sous la
plume de Jean-Marc Concis :
"Hendaye. Au pont international la douane française s'efforce (à 1 contre 100) de contrôler "l'opération gabardine".
(De notre envoyé spécial Jean-Marc Concis).
Hendaye, 16 août.
Hendaye, tout le monde descend ! Cette phrase, lancée des centaines de fois par le haut-parleur nasillard de la gare, prend ici sa véritable signification. Charmante cité terminus de la côte basque, au bord de la baie de Chingoudy, cette station connaît actuellement une vogue inespérée grâce à sa double situation de ville-frontière et de plage en renom.
La grande offensive de ce que l'on désigne déjà sous le terme "d'opération gabardine" a commencé avec les premiers jours de vacances, s'amplifiant quotidiennement aux approches du 15 août. Ou s'en méfiait bien un peu dans les milieux autorisés, sans cependant croire à l'ampleur prise par le mouvement, car, depuis longtemps, les habitants riverains avaient déclenché de nombreuses escarmouches.
Soudain, comme au pays du matin calme, les troupes de choc des Basques et des Landais, auxquelles s'était jointe la troupe des innombrables touristes, attaquèrent sans avertissement.
Les douaniers, surpris, effectuèrent un léger repli stratégique devant le nombre, mais, malgré l'inégalité numérique, à 1 contre 100, reprirent leurs positions et, grâce à des renforts, maintiennent depuis lors, au prix de rudes efforts, leur tête de pont sur le fleuve.
A n’importe quelle heure du jour et de la nuit (car, depuis le 2 août, la frontière est ouverte sans interruption), â pied, à vélo ou en voiture, les touristes doivent faire patiemment la queue durant des heures, car l'administration des Douanes n'a pas, elle, déclaré la guerre à la paperasserie et il faut présenter une dizaine de pièces pour que retentisse l'attendu "Sésame", qui fait se lever la barrière au disque tricolore.
FRONTIERE HENDAYE 1948 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Une tour de Babel.
Quelle est donc la raison de cette subite affluence digne des ruées vers l'or de jadis ! Entrons chez Simon, le petit café de la frontière où les touristes viennent faire tamponner d'un typique cachet les cartes postales du coin. Au mur, d'innombrables photos dédicacées de toréadors : Paquito Munez, Conchita Cintron, Carlos Arruza et, au milieu, encadrée de noir, celle du regretté Manolete.
CAFE CHEZ SIMON HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Accoudé an comptoir devant un "Anis del Mono", un grand jeune homme ultra-chlc discute avec le barman et j'enregistre l'étrange déclaration suivante : "A Saint-Sébastien c'est fou ce qu'il y a comme monde, une vraie Tour de Babel. J'y al aperçu, entre autres personnalités, Franco, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Martln Antajo. Il passe ses vacances au château d'Ayete. Pensez, c'est intéressant pour le touriste : la pension complète dans un palace pour 1 000 francs par jour et 400 fr dans un hôtel (pour le mois d'août, naturellement qui, comme partout, est le mois le plus cher de l'année ; en juillet et septembre : baisse du quart). Tenez, cette gabardine de pure laine, coupe impeccable, 5 000 francs (maintenant j’ai tout à fait compris), ce complet prince de Galles taillé à la française 10 000 francs, cette paire de souliers sur mesures, triple semelle, 2 000 francs. On part avec un vieux bleu et des sandales et l'on revient transformé en dandy, comme sous l'effet d'un coup de baguette magique.
CHÂTEAU DE AYETE SAINT-SEBASTIEN DONOSTIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aussi 10 000 personnes par jour — minimum — franchissent-elles le pont international. Mais là aussi il ne faut pas exagérer, tel ce gros monsieur qui portait sur lui trois chemises de soie, autant de paires de chaussettes et deux pantalons. Il eut beau déclarer qu'il était très frileux, la plaisanterie resta sans effet. Et de nombreuses dépouilles s'entassent dans le poste de douane. Le dernier communiqué annonce : "Rien à signaler sur l'ensemble du front. Nous avons capturé sept gabardines et dix paires de bas nylon." (On a l'impression d'avoir déjà entendu ça quelque part.)
FRONTIERE IRUN 1951 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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