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jeudi 12 janvier 2023

L'EMPLOI DES "PATOIS" DANS L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE AU PAYS BASQUE EN 1925

L'EMPLOI DES "PATOIS" AU PAYS BASQUE EN 1925.


Depuis plusieurs siècles, les relations entre les langues régionales appelées "patois" et la langue française ont été souvent conflictuelles.



livre patois langues minoritaires france
LIVRE LES PATOIS
ALBERT DAUZAT 1927



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 20 août 1925 :



"L'emploi des Patois dans l'Enseignement primaire.


Le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-arts vient d'adresser aux recteurs une circulaire sur l'emploi des patois et idiomes dans l'enseignement primaire. Nous en extrayons les passages suivants :


"Confirmant la réponse faite par mon prédécesseur aux recteurs de Bordeaux, Toulouse, Aix et Montpellier à la date du 20 décembre 1924, je crois devoir écarter les suggestions émises en divers congrès depuis 1914 et tendant à l'utilisation des idiomes locaux (basque, breton, gascon et languedoc en général) pour l'enseignement du français dans les écoles primaires." 


"Cette méthode, disait M. François-Albert, est très discutable... on ne voit pas comment le basque et le breton pourraient servir à l'enseignement du français." Si je me préoccupe d'ajouter à cette fin de non-recevoir, c'est parce que plusieurs bons Français, animés d'un zèle de renaissance, ont réclamé que l'Etat fixât en cette matière sa position et fît au régionalisme sa part ou sa place définie.


homme politique ministre instruction publique
FRANCOIS ALBERT
MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 1924



Ils insistent pour obtenir que les instituteurs parlant un patois soient autorisés à l'utiliser dans leurs classes et donnent à leurs élèves des versions et des thèmes, comme s'il s'agissait de langues "nobles" telles que le latin et le grec. Ils demandent que dans les écoles normales on accorde une place à l'enseignement scientifique des parlers locaux, soutenant que la connaissance du patois en sus du français augmente la valeur sociale de l'homme par la seule gymnastique bilingue qu'elle suppose nécessiter. C'est pour servir de point de départ et pour servir d'appui à l'enseignement du français que l'introduction du patois à l'école primaire est sollicitée, sinon réclamée sur le mode irrité de la polémique.



Est-il donc vrai que le dialecte local puisse servir à enseigner le français. Ce n'est, à cette heure, l'avis d'aucun pédagogue qualifié. Qui songe à mettre en oeuvre le breton, le basque ou le flamand pour faciliter l'intelligence du français ?



Je sais bien que l'étude d'une langue autre que la langue maternelle, nous initie au mécanisme linguistique de notre propre langue, mais je sais aussi que savoir une langue étrangère, c'est, posséder le moyen de connaître directement la civilisation et la littérature du peuple qui la parle, c'est accroître, d'autant notre propre valeur humaine et sociale. Il n'est pas indifférent à la formation de nos maîtres d'apprendre n'importe quelle langue étrangère. Le maître qui aura appris le français, et le basque aura-t-il autant élargi ses capacités humaines et sociales que celui qui saura le français et l'allemand, le français et l'anglais, le français et l'espagnol ou l'italien, ou le russe, ou toute autre langue étrangère riche de toute la vie intellectuelle et sentimentale d'un grand peuple moderne, expression de toute son activité et de toute sa prospérité économique ?



A l'école primaire, nos instituteurs doivent habituer les enfants à mettre dans les mots toute la réalité qu'ils expriment. Le danger à éviter, c'est que nos enfants puissent employer des mots et des phrases sans leur donner toujours leur sens exact. Or, la traduction d'un mot français par un mot patois dispenserait trop souvent les maîtres et les élèves de cet effort salutaire - sans doute ils pourront avoir deux mots pour exprimer une même réalité ; mais soucieux de rapprocher les deux lexiques, ils risquent peut-être de ne plus rapprocher les mots des choses elles-mêmes. La traduction des mots les dispenserait de la vision des choses. Et, d'autre part, quand nous faisons effort pour donner à tous les enfants de France une même langue, claire et nette, où les mots et les phrases traduisent sans ambiguïté ni incertitude les idées ou les sentiments de chacun, ne serait-ce point se contredire soi-même que de fournir aux mots et aux tournures dialectales la facilité et la tentation de s'introduire dans le français de nos écoles ?



Aussi bien, c'est un Strasbourgeois, Arbogast, qui inspire le texte du 3 Brumaire, an II, où il est dit : "l'Enseignement public est partout dirigé de manière qu'un de ses premiers bienfaits soit que la langue française devienne en peu de temps la langue familière de toutes les parties de la République. Dans toutes les parties de la République, l'instruction ne se fait qu'en langue française". Ni classe en latin. ni école en patois : l'unification par l'enseignement public du français.



En dépit des vicissitudes que devait subir cet enseignement public sous le Directoire et le Consulat, l'essentiel de ces prescriptions révolutionnaires a subsisté dans les instructions données par Napoléon à ses préfets et à ses avenues. L'enquête sur les idiomes à laquelle il est procédé de 1806 à 1813 tend à les dénombrer pour les mieux combattre au bénéfice de la langue unique.



Cette même continuité de politique par la langue s'affirme au cours des années de laïcisation républicaine : M. Fallières, par une circulaire du 30 octobre 1890, M. Waldeck-Rousseau, par une dépêche du 26 janvier 1901, prohibaient l'usage des dialectes dans les prédications et les leçons de catéchismes. Par 339 voix contre 185, le 16 janvier 1903, la Chambre des députés approuvait M. Emile Combes, président du Conseil et ministre des cultes, d'avoir renouvelé ces prohibitions - et cela après un débat prolongé, au cours duquel le chef du Gouvernement avait exposé la doctrine traditionnelle et continue dont j'ai trop rapidement évoqué l'histoire.



Je rattache mes instructions à cette doctrine. L'école laïque, pas plus que l'Eglise concordataire, ne saurait abriter des parlers concurrents d'une langue française dont le culte jaloux n'aura jamais assez d'autels."




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