LA PISCINE DE LA CHAMBRE D'AMOUR À ANGLET EN 1951.
Dès 1926, on pense à construire une piscine à Anglet, à la Chambre d'Amour. Cette piscine sera inaugurée le 10 août 1929.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Paris-presse, L'Intransigeant, le 10 août 1951, sous la
plume de René Miquel :
"Paris-presse. Le journal des vacances.
Biarritz.
A la Chambre d'Amour la nudité n'abolit pas l'esprit de caste.
Biarritz, 9 août.
Biarritz peut laisser à Capri le privilège des bains royaux. La piscine de la Chambre d'Amour, qui étire sa superstructure de ciment sur la plage la moins populeuse de la côte basque, est bien le lieu du monde où l'on voit autant d'altesses, de marquises et de milliardaires offrir ensemble leur nudité aux ardeurs du soleil et aux regards d'estivants moins bien nés.
Car, pour la modique somme de deux cents francs, n'importe qui peut s'acheter à la porte de la Chambre d’Amour, le droit de crawler dans la même eau d'émeraude que le marquis de Moretalla, le comte de Aguilar, M. Da Silva Ramos, le prince Troubetzkoï, les Windsor et l'infante d'Espagne. Pour deux cents francs, on peut compter les poils de la poitrine du grand industriel, découvrir qu'un arbitre de l'élégance a les genoux cagneux et qu'une héritière de Chicago a une coquetterie à l'omoplate. De ces points de vue, la Chambre d'Amour est un réconfortant sujet de méditation. Une jeune femme de ma connaissance dont le métier est de poser pour les magazines, sort chaque fois de la Chambre d'Amour plus gaie qu'elle n'y est entrée. En revanche. on peut acquérir ici, en un seul été ou en une seule saison, une réelle aisance mondaine et un sourire las tout à fait distingué.
La grande affaire quand on est ni titré ni richissime — mais simplement toléré en ce lieu somme toute public — c'est de se faire inviter à dîner dans une de ces magnifiques résidences basques qui se nomment Haïtzura, Peisteguy, Soriano. etc.
Une querelle des anges.
On est loin, à Biarritz, du mélange des classes de la Côte d’Azur et des familiarités entre princes, starlets et commerçants aisés. Chacun à son rang. Il y a, ici, des gens fort bien élevés propres et correctement vêtus qui dépensent des trésors d'esprit à l'intention des marquises, sans jamais parvenir à se faire prier au château. Les grands d'Espagne ont implanté dans ce pays de traditions le sens de le caste et leurs commensaux, de noblesse plus récente, les imitent en tous points.
Midi à la Chambre d'Amour correspond à l'aube. Le matin, la piscine n'appartient guère qu'aux roturiers. C'est à partir de 13 heures qu'arrivent les personnalités. Au bar, le prince Troubetzkoï. en longue chemise flottante hawaïenne, à fleurs jaunes et vertes, s'entretient avec deux comtesses locales.
PRINCE IGOR TROUBETZKOY |
L’infante d’Espagne, aux cheveux blond vénitien, est en short. Le marquis d'Arcangues, maire d'Arcangues et homme de lettres, conte, en termes choisis, la dernière histoire drôle du curé de sa paroisse, l'abbé Moulier, prêtre républicain, pelotari et fataliste. Un débat genre "sexe des anges", a failli animer, hier, le bar, à propos de la soirée "Bleu Biarritz", qui doit avoir lieu samedi prochain au Bellevue.
— Qu'est-ce, au juste, que le "Bleu Biarritz" ? On hésitait entre l'outremer et le bleu de Prusse. Or, d'après A.-M. Cassandre, qui brosse à l'hôtel du Palais le décor d'un ballet de Marie-Laure de Noaille, ce bleu, lancé par Lanvin en février dernier, ne serait ni plus ni moins que le vieux bleu de coeruleum, autrement dit le bleu de ciel. C'est exactement la couleur du sweater que le duc de Windsor a ramené de Cannes et qu'il arbore lorsqu'il met son pantalon de velours à cotes très fines, de couleur bleue également, mais bleu de roi.
Le duc essaie ses matelas.
Le duc de Windsor est venu reconnaître sa "cabana" à la piscine. Une "cabana" est une cabine de bois largement ouverte et large jusqu'aux dimensions d'un box pour voiture américaine. Toutes les neuf alignées parallèlement au bassin, séparées l'une de l'autre par un portique, les "cabana" sont meublées selon le goût de leur occupants : glaces, tableaux, tentures, mais surtout divans, fauteuils et matelas de plage. Il ne suffit pas de payer pour devenir le locataire d'une cabana. Il faut être agréé par les locataires voisins qui sont MM. Dubonnet, MM. Saint-Frères (bâches et ficelles), le marquis de Portago, les milliardaires internationaux Ortiz-Echague, O'Malley-Kevses, Hirschon et Heoton.
MARQUIS DE PORTAGO 1938 |
Les Windsor ont été agréés à l’unanimité, faut-il le dire. En visitant sa "cabana", le duc a trouvé peu confortables les fauteuils en osier noir recouverts de coussins grenats, qu'avait installés son secrétaire particulier. Après les avoir essayés, il a parcouru Biarritz à pied afin d'en acheter d’autres. Dans un magasin de la place Clemenceau. il s’est étendu de tout son long sur un matelas qui dut lui paraître d'un moelleux suffisant puisqu'il l’acheta sur l’heure.
Pour éviter les curieux et les photographes à la piscine de la Chambre d'Amour, où ils ont loué une "cabana" pour la saison, le duc et la duchesse ont demandé à pouvoir entrer par la porte de service. Le directeur de la piscine leur a remis une clef du cadenas qui ferme cette porte.
Le couple ducal ne s'est guère rendu, pourtant, jusqu'ici, à la Chambre d'Amour. La salle de jeu du Bellevue le retient tard dans la nuit. Devant le tapis vert, la duchesse retrouve chaque soir, l’ex-ministre de la guerre britannique Hore-Belisha, la reine de la tomate en sauce, Mrs Heintz (ketchup-tomato) et le matador Luiz Miguel Dominguin, qui risque à la roulette une fortune gagnée en défiant la mort."
MATADOR LUIS MIGUEL DOMINGUIN |
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