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mercredi 19 avril 2023

L'ÉCRIVAIN PIO BAROJA À VERA DE BIDASOA - BERA EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN MARS 1930

PIO BAROJA À VERA DE BIDASOA EN 1930.


Pio Baroja y Nessi, né le 28 décembre 1872 à Saint-Sébastien (Donostia) et mort à Madrid le 30 octobre 1956, est un écrivain espagnol de la génération de 98.



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ECRIVAIN PIO BAROJA




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 6 mars 1930, sous la plume de Georges 

Pillement :



"Les écrivains d'Espagne.


Une visite à Pio Baroja au Pays basque.



Ne convient-il pas, au moment où paraît la traduction de l'œuvre la plus célèbre du grand romancier espagnol, Pio Baroja, La Busca (en français : A l'Aventure), cette peinture si émouvante des bas-fonds de Madrid, de faire mieux connaître aux lecteurs français cet écrivain si curieux et si personnel qu'on a souvent appelé le "Dostoïewski espagnol".




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LIVRE A L'AVENTURE PIO BAROJA



Il habite généralement une vieille maison basque, à Vera, tout près de la frontière française, sur les limites de la Navarre et des Pays basques. Cette situation de borne frontière de sa demeure doit plaire particulièrement à Baroja, l'homme le plus indépendant de la terre, celui qui tient le plus à son indépendance.



Allons lui rendre visite. Douze heures de train. Nous descendons à Irun.



Pio Baroja est venu nous attendre à la gare. Nous reconnaissons sa moustache et sa barbiche grisonnantes, son air à la fois bourru et bon enfant. Il porte le béret basque. Le chauffeur à son volant porte lui aussi la "boina", la coiffure traditionnelle des Basques.



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ECRIVAIN PIO BAROJA
COMOEDIA 6 MARS 1930



Nous remontons la vallée de la Bidassoa, verdoyante, resserrée entre deux chaînes de montagnes, l'une française, l'autre espagnole. On passe auprès de l'île des Faisans, île historique où eurent lieu toutes sortes de conférences et de traités.



L'auto file. Tous les dix mètres, un carabinier. Baroja m'explique que les roseaux sur le bord de la rivière sont des roseaux stratégiques, la Providence des contrebandiers. Il me montre, à côté de la caserne des carabiniers, la maison d'un "gitano" qui a, paraît-il, commis plusieurs assassinats, mais qui a su, chaque fois, se procurer un alibi ! Comme il habite porte à porte avec les gendarmes !...



Un pont sur la Bidassoa et, au pied d'une montagne, une croix. Là se rejoignent les frontières de France, de Navarre et des Pays basques.



Cette croix marque aussi l'endroit où furent fusillés des carabiniers faits prisonniers par le curé de Santa-Cruz pendant la guerre carliste. Le curé de Santa-Cruz est ce féroce chef de bande que Pio Baroja a évoqué dans son roman Zalacaïn l'aventurier, ce délicieux roman d'aventures au pays basque.


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LIVRE ZALACAIN L'AVENTURIER 
DE PIO BAROJA



Mais un pneu crève. Nous nous asseyons sur le mur de pierres qui surplombe la petite rivière, bordée sur cette berge par un fouillis d'arbres et d'arbustes, et de l'autre par la montagne à pic dans laquelle s'ouvre le tunnel du petit chemin de fer à voie étroite qui conduit à Vera.



Baroja me montre, au fond, des montagnes qu'on s'est mis en tête de boiser. D'ici peu, tout l'aspect du pays basque changera si cette pratique se généralise.



Enfin, nous repartons. Nous traversons le petit village de Vera, pittoresquement étendu dans cette vallée maintenant élargie et entourée d'un cercle harmonieux de collines et de montagnes, et nous arrivons à la maison de Baroja, à l'autre bout du village, près d'un ruisseau, à peu de distance de la frontière française.



C'est une vieille maison basque toute tapissée de plantes grimpantes. Au-dessus de la grosse porte cloutée, un écusson, celui des ancêtres des Baroja. Un large escalier de pierre conduit aux pièces du premier étage, toutes remplies de vieux meubles basques, des arcas sculptées, des barguenos, d'immenses tables aux pieds torses. Aux murs, des gravures, des tableaux anciens, des primitifs. Dans la salle à manger, de vieux plats, de vieilles faïences. Le cadre est ravissant, d'un goût exquis, le type même de la vieille demeure basque.



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MAISON DE PIO BAROJA
VERA DE BIDASOA - BERA NAVARRE



Après le déjeuner, nous montons dans la bibliothèque, une pièce immense avec d'interminables rayons de livres. Pio Baroja a la passion des livres anciens et il nous en montre de très curieux en français et en espagnol, notamment sur la sorcellerie et la magie qui l'ont toujours fort attiré. Plusieurs de ses œuvres traitent de la magie au pays basque, notamment La Dame d'Urtubie.




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LIVRE LA DAME D'URTUBIE
DE PIO BAROJA



Nous parlons du livre que je viens de traduire. Baroja prend un air pensif, évoque ses souvenirs.


— Lorsque je l'écrivis, j'étais jeune encore, c'était à la fin du siècle dernier. J'avais fait de multiples expériences de la vie, j'avais été médecin de village, journaliste, associé dans une fabrique de pain, avant de me consacrer à la littérature. J'avais vécu avec des ouvriers et appris à connaître les bas-fonds de Madrid.


— Madrid a-t-il beaucoup changé depuis ?


— Certes, Madrid a été une des villes européennes qui ont le plus changé, la capitale ne s'est pas seulement étendue, mais le centre de la ville s'est modifié et à la modification physique a succédé la modification spirituelle. Madrid, alors, n'avait pas d'industrie, avait un petit commerce et une vie picaresque traditionnelle.



Son centre et son symbole étaient concentrés dans la place centrale, la Puerta del Sol, entourée de ruelles pleines de tavernes, maisons de jeu, de prêt, de rendez-vous. Cette Puerta del Sol était le lieu préféré des flâneurs et des désœuvrés. Blasco Ibanez s'est inspiré d'A l'Aventure pour écrire La Horde qui a peut-être plus d'unité, mais je crois que mon œuvre est plus directe, plus en contact avec la vie. Les types d'aventuriers, de vauriens et de femmes perdues que j'ai décrits, je les ai pris sur le vif, ils ont peut-être moins de condiment littéraire, mais ils ont plus de vigueur.



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PUERTA DEL SOL MADRID 1930



En effet, c'est un livre d'un réalisme systématique, sombre, désespéré, écrit dans un style clair, précis, dépouillé de toute littérature. Je le lui dis. Baroja sourit amèrement : 

— Oui, j'ai toujours cherché l'expression rapide et sans ornements et pratiqué une économie de moyens qui va jusqu'à la pauvreté. Cela m'a valu toutes sortes de reproches, j'ai la réputation de mal écrire. Comme vous avez tenu à garder scrupuleusement l'allure de mon style, ou de mon manque de style, on vous accusera de m'avoir mal traduit, d'écrire aussi mal le français que moi l'espagnol.



Et notre dialogue continue, oscillant de l'optimisme au pessimisme.



La conversation de Pio Baroja est toujours pleine d'humour, de sel, il parle de la littérature espagnole, égratigne l'un, n'épargne pas l'autre, mais sans méchanceté, sans aigreur. Il ne cherche qu'à montrer son indépendance. Il n'y a jamais en lui la moindre trace de calcul, de dissimulation, d'hypocrisie, ni, en général, à quelque degré que ce soit, aucune de ces aimables qualités — si souvent des défauts camouflés — qu'acquiert l'homme qui vit en société. Baroja, c'est Alceste dans sa maison de Vera. Et Alceste n'est-ce pas encore un des types d'hommes les plus nobles et les plus dignes d'être admirés ?



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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