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lundi 3 octobre 2022

À PROPOS DE LA LANGUE BASQUE EN 1904

À PROPOS DE LA LANGUE BASQUE EN 1904.


Le Basque (euskara) est  la langue d'Europe occidentale la plus ancienne in situ.

Elle était appelée aquitain, dans l'Antiquité et Lingua Navarrorum (langue des Navarrais).  



pays basque autrefois dessin diable homualk bidarray
LE DIABLE ET LA LANGUE BASQUE A BIDARRAY
DESSIN D'HOMUALK




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Petite Gironde, le 22 juillet 1904, sous la plume de 

C. Béguin :



"A propos de la langue basque.



Les journaux se sont occupés récemment d’un polyglotte extraordinaire, professeur dans un petit collège d'Italie, M. Trombetti, auquel l’Académie romaine des Lincei a décerné un prix de 10 000 fr., et que le roi Victor-Emmanuel III, en récompense de ses mérites, s’empressa de pourvoir d’une chaire à l'Université de Bologne. M. Trombetti, dit-on, parle la plupart des langues du monde. Mais parle-t-il le basque ? Un de nos confrères parisiens, qui s’est posé la question, penche pour la négative. A ce propos, il a cité le cas d’un compatriote du professeur, le cardinal Mezzofanti, qui, lui, parlait soixante-dix langues, chiffre déjà respectable, et au sujet duquel il raconte une anecdote que je crois intéressant de rapporter ici. 



italie professeur langues 19ème siècle
PROFESSEUR ALFREDO TROMBETTI


cardinal italien linguiste 19ème siècle
CARDINAL GIUSEPPE MEZZOFANTI



Un jour, M. Antoine d’Abbadie, qui fut membre de l'institut, et dont le souvenir est demeuré si populaire dans tout le pays basque, étant de passage à Rome, s’en fut voir le cardinal et lui demanda s’il savait le basque



pays basque autrefois d'abbadie explorateur éthiopie traditions
ANTOINE D ABBADIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

— N’est-ce pas un patois ? demanda le cardinal. 



M. d’Abbadie lui expliqua que c'était la langue la plus ancienne et la plus mystérieuse du monde, sans parenté avec aucune autre. Et il se mit à lui parler basque. Le cardinal n’y comprit rien. 


— Donnez-moi une grammaire et un dictionnaire et revenez me voir dans quinze jours. 



Quinze jours plus tard, le cardinal recevait M. d’Abbadie en lui adressant la parole en basque, il avait appris à grand peine quelques phrases. 


— Eh bien ! Eminence, avez-vous trouvé une parenté à cette langue ? 

— Aucune. C'est un bolide ! 



Le cardinal avait prononcé le mot juste. La langue basque est bien, en effet, un bolide, une chose pas vue, qui ne ressemble à rien de connu, et qu’il faut renoncer a déchiffrer à l'aide des racines empruntées à d’autres langues. J'ajoute qu’elle appartient à un type dont il ne subsiste plus en Europe que quelques rarissimes variétés, deux ou trois tout au plus, parait-il, dans le Caucase et les régions hyperboréennes ; c’est le type des langues agglutinantes, c’est-à-dire ou plusieurs radicaux sont réunis, agglutinés, pour former un mot, un seul radical conservant son indépendance. On sait que toutes les langues de l'Occident, au contraire, sont du type à flexion, type dont la caractéristique réside dans la fusion entre eux des radicaux, dont aucun ne conserve son indépendance, taudis que dans les langues monosyllabiques (le chinois, par exemple), chaque mot est un monosyllabe représentant un radical, et qui reste indépendant. Les linguistes prétendent du reste que les langues du type le plus récent, qui est le type à flexion, sont passées successivement par chacune des deux phases précédentes, en commençant par la monosyllabique. 



Ces explications données, je voudrais examiner quelques reproches qui m’ont été adressés à l'occasion d’appréciations sur la langue euskarienne émises incidemment dans des articles parus ici-même, où j’exposais les revendications du nationalisme séparatiste et clérical dans les provinces basques espagnoles et, notamment, sa prétention de substituer un jour le basque à l’espagnol comme langue officielle de la Confédération indépendante que ce parti rêve de constituer. Le sentiment auquel ont obéi les basquisants qui m’ont fait l’honneur de m’écrire est, certes, très respectable ; mais je les soupçonne d’avoir, en la circonstance, imparfaitement saisi ma pensée, et je crains d'autre part, que leur attachement à la langue natale ne les induise en une partialité peu propice pour apprécier les imperfections et les insuffisances très compréhensibles qu'elle offre, et malgré lesquelles elle n’en reste pas moins un monument d’un intérêt scientifique indiscutable. 



En premier lieu, après avoir signalé, en le déplorant, un fait sur lequel sont d’accord tous ceux qui se sont occupés de la question, à savoir le recul du basque, j’en avais essayé une explication. Il est permis de se demander, disais-je, si ce phénomène de la disparition progressive du basque ne tient pas à des causes plus profondes (que l’action de la vie moderne) et, en quelque sorte, inhérentes à la langue elle-même. La raison n’en serait-elle pas que celui-ci est une langue d'un type exotique aussi riche en inflexions désignant les choses réelles et concrètes quelle est pauvre en termes servant à ex primer l’abstrait ? J’avoue qu’à la réflexion, cette explication ne me parait pas juste, et j'incline plutôt à croire que le recul du basque est dû à ce qu'il est d'un emploi assez limité. Un paysan gascon, en supposant qu’il ne sache que son patois, pourra se faire comprendre dans tout le Midi, tandis qu’un fermier basque, s’il veut vendre ses produits dans une foire du Béarn ou des Landes, devra nécessairement renoncer à se servir de sa langue usuelle. 



Mais ce n’est pas cela qui a alarmé mes correspondants. Le vocabulaire basque, m’a-t-on dit, possède des termes pour exprimer les abstractions. Examinons la valeur de cet argument. L’abstraction consiste bien, je suppose, à séparer par la pensée une qualité de toutes les autres qualités et circonstances auxquelles elle est associée dans la réalité des faits. Or, on a très souvent fait observer qu’il n’existe pas de mot simple purement basque ayant le sens que nous attribuons en français au mot animal, par exemple, ou au mot arbre ; par contre, chaque espèce d’animal ou chaque essence d’arbre à son nom. On ne peut pas dire sœur, mais on distingue la sœur d’un homme de celle d’une femme ; on ne peut pas dire fruit, mais il existe des mots pour désigner les différents fruits. Les Basques n’ont aucune expression pour âme, pour roi, pour loi, pour monde, etc. Dieu est simplement pour eux le Seigneur d’en haut. Le rédacteur d’un journal local, voulant me démontrer que j’étais dans l’erreur, a énuméré des mots basques exprimant le pouvoir, la vérité, le besoin, oublier, etc., sans se rendre compte que ces mots ne produisent pas des idées abstraites, mais des états de conscience provoqués par les êtres ou les objets extérieurs qui font impression sur nos sens. Certains linguistes ont soutenu que cette absence de mots exprimant les concepts abstraits était l’indice d’un état de civilisation peu avancé. Sans doute ! Mais il ne faut pas oublier que le basque remonte à une antiquité très reculée, à l’âge de pierre, dit-on, et il est permis de se demander où était alors la civilisation. Rien ne prouve, du reste, que si la langue basque avait poursuivi son développement sans subir des influences étrangères, les mots dont nous constatons l’absence ne sc seraient pas formés. 



Par contre, un fait remarquable est l'abondance et la richesse des synonymes dans la langue basque, abondance qui faisait dire avec beaucoup de raison au prince Lucien Bonaparte que "si le basque est pauvre dans un cas, il est six fois riche dans un autre".



Mes correspondants se sont aussi alarmés de voir que j'avais qualifié le basque d'idiome "rural" et de "langue inférieure". Est-il nécessaire de dire que ces termes n’avaient, dans ma pensée, en aucune façon un sens désobligeant. Le basque me parait être un idiome rural parce que les classes cultivées ne s’en servent pas dans leurs rapports entre elles et que son usage est surtout répandu dans la classe rurale. Quant à son infériorité, elle existe à mes yeux par comparaison avec des langues comme le français et l’espagnol, qui ont été assouplies et enrichies par des siècles de littérature. Cette infériorité, que je sache, n’a rien de déshonorant. Certes, on a écrit en basque et ou continue à y écrire ; il existe, en effet, des journaux rédigés en cette langue, et on cite même des érudits qui l’ont employée pour disserter sur des questions de linguistique. Mais ces productions n’ont pas été suffisantes pour unifier l’idiome euskarien divisé, on le sait, en plusieurs dialectes, ni pour imposer des règles orthographiques communes. 



saint jean de luz 1897 fêtes tradition pays basque
FÊTES TRADITION BASQUE ST JEAN DE LUZ 1897
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les imperfections très naturelles et très compréhensibles que j’ai signalées et que d'autres avaient signalées bien avant moi n’empêchent pas le basque d'être une langue pourvue de mérites propres et d’une très grande originalité. J’ajouterai, en terminant, que les Basques ont non seulement le droit, mais le devoir d’en maintenir l’usage parmi eux, car elle constitue un patrimoine dont ils sont responsables envers les générations à venir. Au surplus, comme le disait un orateur aux fêtes de la tradition basque à Saint-Jean-de-Luz, en 1896, la disparition d’une langue n’est-elle pas toujours une diminution de l’humanité ?"



(Source : Wikipédia)





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