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samedi 29 octobre 2022

LES FÊTES EUSKARIENNES D'AZPEITIA EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1893 (quatrième partie)

 

LES FÊTES EUSKARIENNES EN 1893.


A partir de 1851, Antoine d'Abbadie organise, chaque année, dans les 7 provinces, des concours annuels de pelote et de bertsu (versification en Basque).




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FÊTES EUSKARIENNES AZPEITIA 1893
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet Charles Bernadou, dans le livre Azpeitia, les fêtes Euskariennes 

de septembre 1893 :



"Azpeitia et la vallée d'Yraurgui. Les jeux.



... A cette époque, l’intelligent courage de D. Pedro de Larrumbide et de ses 200 miliciens, envoyés par la Junta provincial sut détourner l’orage de la première invasion française et sauver le trésor dont bonne partie prit secrètement le chemin de Madrid.



Un peu plus tard, les Prémontrés d’Urdach, chassés de leur abbaye par les armées françaises, se réfugient à Loyola qu’ils occupent jusqu’en 1806. Pendant deux ans, un courageux commissaire du roi d’Espagne fait encore bonne garde. Mais en 1808 éclate la guerre de l’Indépendance, le trésor est enfoui, et un peu plus tard, en 1812, envoyé à Bilbao.



La fameuse statue d’argent de saint Ignace y fut embarquée pour Cadix, où on la reçut avec les honneurs réservés aux capitaines généraux.



De 1813 à 1816, Loyola fut transformé en hôpital militaire ; la Casa Santa demeura toutefois ouverte, et l’on y célébra la messe les dimanches et fêtes.



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MAISON SAINTE DE LOYOLA AZPEITIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Enfin, en 1816, à la demande des Azpeitians et par ordre du roi, du 1er avril, quatre vieux jésuites, les PP. Arévalo, Sorosain, Oyarzabal et Huarte, reviennent habiter ces lieux bénis et y sont reçus, on devine avec quelle joie ! par les habitants de la vallée ; vers la fin de cette même année, la députation provinciale envoie à Loyola la statue d’Ignace rapportée de Cadix.



Durant ces cinquante dernières années, les bons Pères ont dû reprendre plus d’une fois le chemin de l’exil ; la ville d’Azpeitia a dû acheter, à beaux deniers comptants, la statue d’argent d’Ignace, mise à l’encan. La fameuse république de Prim, Serrano y Topète, n’a pas manqué d’user contre les jésuites des mêmes procédés aimables, expulsions, confiscations et le reste. En deçà comme au-delà des Pyrénées, ce sont toujours mêmes cris harmonieux et mêmes procédés de ces amants si passionnés de la liberté, qu’en bons jacobins ils la veulent tout entière pour eux !



Mais l’heure du triomphé a sonné... au moins pour quelque temps : l'année 1888 a vu, après deux cents ans, l’achèvement de l’œuvre gigantesque de Fontana et la solennelle consécration de la superbe église de Loyola.



Pendant que nous échangeons ces mille souvenirs grandioses avec notre aimable compagnon de voyage, M. le chanoine Adéma, nos rapides chevaux ont bientôt atteint Loyola, nous tournons brusquement à gauche et traversons l’Urola sur un vieux pont à arcades ogivales : nous voici au pied du majestueux escalier.



Nous montons, nous saluons la statue d’Ignace et allons frapper à la porte du vaste parloir. Bientôt arrive le bon Père supérieur qui nous fait le plus gracieux accueil : il nous permet de tout voir et nous donne pour guide un vénérable Père qui, avec une complaisance jamais lassée, nous promène partout.



Loyola se compose d’une vaste église ronde, avec coupole, flanquée, à droite et à gauche, de deux ailes gigantesques : au milieu de l’aile droite a été religieusement conservée, suivant le vœu de la famille, la Casa Solar, aujourd’hui la Casa Santa, de saint Ignace.



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MAISON NATALE DE ST IGNACE DE LOYOLA AZPEITIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous promenons dans de vastes corridors où se déroule la longue série de portraits de tous les généraux de l’ordre, de ses martyrs et confesseurs ; au-dessus des portes des cellules est inscrit le nom des Pères espagnols, français, anglais, américains : nous visitons la belle chapelle des novices, le réfectoire, et jusqu’à une haute salle où se voient encore les pupitres des délégués venus ici l’an dernier des quatre coins du monde pour l’élection du dernier général : par les hautes croisées la vue s’étend, splendide, sur Azpeitia d’un côté, de l’autre sur Azcoitia et l’entrée de la vallée. Dans chacune des deux ailes un double et monumental escalier, orné de statues et de tableaux, relie tous les étages. Entre ces ailes et en arrière de l’édifice, se voient des promenoirs avec allées ombreuses, des jardins, un vaste potager fort bien entretenus.



L’église est une merveille où l’on ne sait le plus qu’admirer, des grandes lignes de l’ensemble — qui rappellent le Panthéon d’Agrippa ou plutôt la coupole de Saint-Pierre de Rome — ou des mille détails de sculpture et d’ornementation des autels et des tribunes. Nous avions vu cette église toute rayonnante de splendeur au soir du 31 juillet, quand le Salut solennel donné par l’évêque de Vitoria s’acheva par le chant triomphal de la Marcha de san Ignacio ; mais en la revoyant calme et silencieuse, nous avons pu apprécier mieux encore toutes ses beautés : haute coupole de marbre rose, ornée d’écussons gigantesques, éclairée de nombreuses fenêtres et portée par huit gros piliers de marbre noir ; sur les piliers, de blanches statues de saints ; derrière les piliers, un vaste pourtour avec autels de marbre ; en face de la grande porte d’entrée, le maître-autel aux mosaïques de marbre précieux, une merveille de sculpture. C’est là que se trouve la fameuse statue d’argent de saint Ignace. De grandes orgues, deux chaires, des tribunes, des grilles aux fines sculptures complètent ce bel ensemble, et partout le marbre reluit, rehaussé de minces filets d’or.



Au-devant de l’église le péristyle a grand air avec sa haute voûte, ses arcades, son triple escalier, sa statue de saint Ignace en marbre blanc et son vaste fronton sur lequel se détache le double écusson d’Espagne et d’Autriche, en mémoire de la reine Marie-Anne, veuve de Philippe IV, qui reçut Loyola des mains des descendants d’Ignace pour le transmettre à ses fils.



Outre cet écusson royal, une belle inscription sur les murs du collège rappelle cette donation princière :

Los Excelentissimos señores Don Luis Enriquez de Carrera y Doña Teresa Enriquez de Velasco, su muger, Marqueses de Alcañizas y Oropesa, Dueños Poseedores de la Venerable Casa Solar y Mayorazgo de Loyola en que nacio el Glorioso Patriarca San Ignacio, fundador de la Compañia de Jésus, cedieron libre y espontaneamente la dicha casa a la Serenissima Señora Doña Maria Anna de Austria, Reina Madre de Hespaña, para fundar en ella este Colegio Real de la Compañia, Año de 1681.



Mais la merveille des merveilles, c’est la Casa Santa, la maison où naquit Ignace et où il fut rapporté blessé du siège de Pampelune, pour se convertir bientôt et courir à d’autres et plus illustres batailles. Cette maison, précieusement conservée, suivant le vœu de la famille, au milieu des constructions élevées tout autour depuis 1689 garde, à l’extérieur, l’aspect si original des casas torres de la contrée. Au-dessus de l’ogive de la porte d’entrée, l’écu de Loyola (la chaudière accotée de deux loups) et l’inscription suivante :

Casa solar de Loyola

aqui nacio San Ignacio en 1491

Aqui Visitado por San Pedro

Y la Santisima Virgen

Se Entrego a Dios en 1521


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BLASON FAMILLE SAINT IGNACE

Jusqu’à la hauteur du premier étage, la construction est formée de larges assises de pierres grises ; au-dessus, et jusqu’au faîte, ce sont des murs de briques avec, au-dessous des fenêtres et du toit, des cordons en saillies losangées. Aux quatre angles, de petites tourelles en encorbellement.



La maison tout entière est transformée en une série de chapelles ornées de sculptures, de marbres, de vitraux, de tableaux et de bas-reliefs redisant tous les épisodes de la vie d’Ignace. Entre tous ces sanctuaires, le plus édifiant et aussi le plus curieux est celui du troisième étage, l’ancienne chambre où le vaillant capitaine guérit de ses blessures, lut la vie des saints et se donna à Dieu. Un autel fort riche a été élevé à la place du lit ; de belles lampes y brûlent constamment autour d’une précieuse relique. Ce sanctuaire est séparé par une belle grille du reste de la salle, et au plafond se voient de naïfs et curieux bas-reliefs représentant saint Ignace prêchant les habitants d’Azpeitia, à son retour dans sa patrie, — saint Ignace remettant l’étendard de la foi à saint François-Xavier partant pour les Indes, — saint François de Borgia aux pieds de saint Ignace.



C’est ici qu’au 31 juillet et les jours suivants les romeros (pèlerins) se pressent nombreux pour vénérer le saint bien aimé des Basques et baiser ses reliques.



Nous ne saurions quitter Loyola sans faire ici un aveu : avant d’avoir longuement vu cette église et les autres églises et chapelles de Guipuzcoa, nous partagions sans réserve les préventions de nos amis de France à l’endroit de l’art espagnol ; volontiers nous aurions parlé du prétendu mauvais goût des architectes, décorateurs, peintres et sculpteurs d’au-delà les monts, construisant des édifices sombres, sans fenêtres, ressemblant à l’extérieur à des forteresses, surchargés à l’intérieur de retables immenses, de statues sans nombre, de dorures à profusion. Volontiers nous proclamions que nos églises de France, largement éclairées, de formes extérieures plus élégantes, d’ornementation plus sobre à l’intérieur, l’emportent au point de vue artistique. Après examen, nous sommes obligé de confesser que les églises de Guipuzcoa que nous avons pu voir — de Fontarabie à Saint-Sébastien et de Zumarraga à Zumaya et à Usurbil — sont de vrais musées étalant des merveilles, non pour le vain plaisir des yeux, mais pour l’enseignement des fidèles. Pas une où une vieille peinture sur bois, un Ecce Homo, une Sainte Famille, un Crucifiement, une Mater Dolorosa, n’attire et ne retienne le regard. Tel retable, à Irun, à Zumaya, à Azpeitia, retrace la vie tout entière des saints et des saintes les plus illustres. Et combien ces sculptures, pour qui sait les regarder, sont vivantes, expressives ! C’est le catéchisme et la vie des saints par les yeux. Pour le comprendre, il faut avoir vu les plus humbles filles du peuple et les enfants les contempler.



Chez nous, au contraire, grâce au triple vandalisme des classiques des deux derniers siècles, des tristes héros de 93 et des prétendus restaurateurs, amateurs ou officiels, de nos jours, quels barbarismes et quelles pauvretés en nos églises et même en nos cathédrales ! Sans doute on a fait des peintures murales, quelques-unes très belles, à Notre-Dame de Bayonne par exemple ; on a élevé de gracieux autels, on a copié plus ou moins heureusement de vieux vitraux... Mais tout cela est vraiment trop savant, trop exquis pour la foule qui, faute de mieux, surcharge parfois les autels de médiocres statues et de bouquets de fleurs artificielles ! Quelle différence avec l’art expressif et religieux avant tout, tel que l’avaient conçu et réalisé nos maîtres ès-œuvres du moyen âge, tel que nous l’avons vu, vivant encore, en Guipuzcoa !



Les derniers jeux. — Espatadantzaris Pilotaris et Chistularis.



Mais le ciel s’est éclairci, un faible rayon de soleil perce la nue ; il est plus que temps de nous arracher à ces lieux bénis où le grand cœur d’Ignace se donna pour jamais à son Divin Maître, et où ses fils mille fois chassés et toujours rappelés gardent si pieusement son culte et ses immortelles constitutions ; il nous faut dire adieu à la Santa Casa et regagner Azpeitia.



La fanfare y fait retentir un joyeux passe-rue et nous appelle au balcon de la Casa de l’Ayuntamiento, où nous retrouvons l’infatigable M. d’Abbadie, Mme d’Abbadie, M. le curé d’Azpeitia, les membres de la commission, entourant l’alcalde. Sur la place, la foule attend, anxieuse, les danseurs de Berris, anteiglisia de Biscaye près Durango, dont on dit merveille. Les voici qui s’avancent vers l’estrade, d’un pas vif, marqué par deux tamborileros jouant à ravir la flauta, le ttunttun et le tambour.



Ils sont huit, et à leur tête marche le fils d’un vaillant colonel carliste, Bengoitia, tenant en main l’épée de son père : tous les huit sont d’ailleurs armés d’une épée et d’un bâton ou plutôt d’une massue. Leur costume est à la fois très simple et très élégant : veste noire sur l’épaule, chemise et pantalon blancs, espadrilles blanches, béret et ceinture rouges, au bas des jambes quelques grelots. Le dernier des huit porte la bandera de Biscaye, qu’il brandit tout d’abord en faisant le moulinet sur la tête de ses compagnons inclinés, puis le drapeau est confié à l’un des alguazils d’Azpeitia.




pays basque autrefois danse espata
ESPATA DANTZA 
GROUPE ANGELUARAK ANGLET



L’espata dantza commence aussitôt : vestes, épées et massues sont déposées à terre ; sur un air de plus en plus vif et cadencé, les huit sautent, pirouettent, se croisent, s’entrecroisent avec une légèreté, une grâce et un ensemble parfaits ; après quoi chacun des danseurs exécute des solos, puis deux par deux, quatre par quatre, les huit pirouettent, lancent en l’air leur jambe gauche, se retournent avec une adresse et surtout une mesure étonnantes.



A ce prélude succède un double assaut d’abord à l’épée, puis à la massue, et les coups vigoureux retentissent, marquant le pas.



Cette danse des épées est de la plus haute originalité et probablement très ancienne dans les trois provinces.



D’aucuns la font remonter à las navas de Tolosa ou à la bataille de Beotibar en 1321. On nous dit cependant que les jeunes gens de Marquina et surtout ceux de Zumarraga y ajoutent quelques pas et des figures plus remarquables encore.



Le zortzico, tout aussi classique dans les provinces et en Navarre, est ensuite dansé et se compose de deux parties bien distinctes. Tout d’abord les huit se promènent lentement, se tenant par la main aux accords d’une marche solennelle. Puis le chef de file — l'aurescu — et le dernier des danseurs — l'atzescu — exécutent des solos de sauts et de pirouettes, reprenant toujours la main de leur voisin. La promenade et les solos achevés, deux des danseurs descendent de l’estrade et vont, le béret à la main, inviter une jeune fille de l’assistance qui vient se placer, droite, immobile, les yeux baissés, au milieu des danseurs ; les huit exécutent autour d’elle un pas joyeux et vif ; la jeune fille tend à l'aurescu son mouchoir de sa main droite et de sa main gauche prend le mouchoir du deuxième danseur ; la promenade lente et solennelle recommence autour de l’estrade ; au deuxième tour l'atzescu envoie quérir une deuxième danseuse, puis six jeunes filles montent à leur tour. Et alors les tamborileros, changeant brusquement de rythme et marquant un pas de danse, les huit jeunes gens et les huit jeunes filles se faisant vis-à-vis deux par deux, lèvent leurs bras en cadence et exécutent la jota vascongada, beaucoup plus modeste, plus grave, plus gracieuse aussi en sa noble simplicité, que la jota aragonesa.



pais vasco antes vascongadas bailes
AURRESKU
PROVINCES VASCONGADAS


pais vasco antes navarra bailes
AURRESKU
NAVARRE D'ANTAN



Cette deuxième partie du zortziko est évidemment de date plus récente que la première. Tous les assistants et aussi les graves personnages du balcon de la Casa Consistorial applaudissent, et les huit viennent recevoir le prix de 200 pesetas offert par la ville d’Azpeitia.



Par malheur, la pluie recommence et oblige de renvoyer encore la partie de pelote au blaid avec gants, si impatiemment attendue."



A suivre...






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