L'ÉMIGRATION BASQUE AU VENEZUELA.
Les Basques ont émigré de façon massive en Amérique, Nord et Sud, pendant plus d'un siècle.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Eclair, le 22 février 1903 :
"Le Venezuela.
Les divers éléments de la population Vénézuélienne.
Dans la zone tempérée. — Les conquistadores. — Les peuplades autochtones. — Le levain de l’avenir. — La prépondérance des Espagnols. — La classification des Indiens. — Le rôle des Catalans et des Basques.
Ainsi qu'on s'y pouvait attendre, le peuple vénézolano ne s’est pas "cristallisé" dans la région basse, ni dans les llanos, ni sur les bords du prestigieux Orénoque ; c’est dans la zone tempérée des hauteurs qu’il a réuni ses éléments, au-dessus des 550-600 mètres où la tierra templada sc dégage définitivement de la tierra caliente.
Les Conquistadores ne se trouvèrent pas, à leur arrivée dans le pays, devenu depuis le Vénézuéla, devant une civilisation positive, consistante, déjà relativement avancée, comme au Mexique devant celle des Aztecs, en Colombie, devant celle des Muyscas, au Pérou devant celle des Quichuas.
lis n'y rencontrèrent que des peuplades et sous peuplades sans cohésion, sans agriculture raisonnée, sans industries, sans lettres et sans finances ; bref, des enfants de la nature appartenant à diverses races ou sous races, à divers idiomes ou systèmes d’idiomes.
CARTE DU VENEZUELA 1925 |
Les uns étaient grands, les autres moyens, d'autres étaient encore nains et n’avaient, dit l'un des conquérants, que cinq empans de haut, soit un mètre. D’aucuns étaient autochtones, c'est-à-dire fixés depuis longtemps sur le sol, sans que leurs traditions les fissent venir d’Orient ou d’Occident, ou du Sud, voire du Nord, par-dessus la mer ; mais diverses tribus de la terre froide et de la terre tempérée venaient originairement des monts, plateaux de la Colombie, et dans les Llanos chassaient et pêchaient des clams de la nation des Caraïbes primitivement partis du Brésil.
Dans ce milieu vague, inconsistant, incohérent, impuissant, les Espagnols furent le levain de l’avenir. Pas seulement des Espagnols de race, mais aussi des Européens "espagnolisants" accompagnant les fiers "hidalgos" en qualité de co-conquérants, co-convertisseurs, co-éducateurs et avant tout, co-dévastateurs.
L’Espagne possédait alors l'hégémonie dans le monde occidental ; son roi était aussi l'empereur du Saint-Empire ; les routiers de la conquête américaine étaient sans doute surtout des Castillans, des Andalous, des Estrémaduriens, des Catalans (et beaucoup de Basques) ; en second lieu venaient des Allemands, des Brabançons, des Flamands, des Italiens et autres. Naturellement, tout ce monde "épique" parlait le castillan ; et ce fut le castillan qui donna le ton à la nouvelle société née du mélange avec les indigènes ; lui qui, finalement, hérita de tous les idiomes des aborigènes, comme le catholicisme absorba tous leurs fétichistes et toutes leurs traditions.
TIMBRE DU VENEZUELA 1903 |
Avec le temps, presque tout ce qui n’était pas espagnol disparut en apparence, et maintenant, l’immense majorité des Vénézuéliens ne connaît que l’espagnol, ne pense qu’en espagnol et n'a de révérence que pour le "très saint sacrement de l’autel" ; mais, comme on peut bien croire, le fond du fond, l’âme d’une multitude de Vénézolans, soi-disant Castillans, garde encore, en ses profondeurs, les instincts ataviques ; la foule des Indiens, indienne encore, en vérité vraie, est peinte "à la caballero".
Les Indiens, encore considérés et classés comme tels, ceux qui ont gardé quelques restes d’indépendance, et ceux qu'on ne range pas parmi les Blancs en dépit de la bienveillance qui blanchit ici tant de Peaux Bouges, les Indios se divisent officiellement en deux classes : Indios racionales (Indiens raisonnables) ou Gente de razon (hommes de raison) et Indios sin razon (Indiens sans raison) perdus dans les bois et les savanes.
PIECE BOLIVAR 1903 |
Parmi les Espagnols qui ont modelé le pays, ceux qui ont fait le plus pour le transformer à demi en terre européenne, les Catalans et les Basques, n’étaient justement pas des Castillanophones.
Les Catalans parlaient et parlent encore une sorte de languedocien très voisin de nos patois du Sud-Ouest et du Sud. Ils vinrent en grand nombre, principalement en qualité de commerçants, de spéculateurs, d’hommes de métiers, d'industriels, habitués à réussir partout et toujours. Car, dit le proverbe espagnol, "de la pierre même un Catalan sait tirer du pain".
Plus nombreux, peut-être, certainement plus influents à la longue, débarquèrent les Basques, ces Escualdunacs, dont l'idiome, aux mots démesurés, ressemble au turc, au hongrois, à l'iroquois, à l’algonquin, plus qu'au latin et à l’espagnol. Le Vénézuéla leur doit la fondation des villes de La Guaira, de Puerto Cabello, de Calabozo, le premier peuplement des bords du lac de Valencia et de la vallée d’Aragua, ce qu’il a de plus amène, de plus riche, de plus habité dans toute la République. Le "libérateur" de l’Amérique espagnole, tout au moins du Vénézuéla, de la Colombie, de l’Icuador, du Pérou, de la Bolivie, le vainqueur de Junin et d’Ayacucho, l’homme aux statues sans nombre, Simon Bolivar, qui, bien entendu, plus de deux siècles après l'immigration de ses ancêtres, ne savait pas un traître mot de basque, était de lignée basque, ayant pour ancêtre un des Escualdunacs qui jetèrent les fondements de La Guaira.
STATUE DE SIMON BOLIVAR A GUAYAQUIL 1903 |
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