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dimanche 30 octobre 2022

L'ARRESTATION DE LA COMTESSE MARGA D'ANDURAIN "LA MATA-HARI" BASQUE EN 1946 (quatrième partie)


L'ARRESTATION DE MARGA D'ANDURAIN EN 1946.


Marga d'Andurain, née Jeanne Amélie Marguerite Clérisse le 29 mai 1893 à Bayonne (Basses-Pyrénées) et morte le 5 novembre 1948 dans la baie de Tanger (Maroc), est une aventurière française.


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MARGA D'ANDURAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN

Source de nombreux fantasmes, elle fut tour accusée d'espionnage, de meurtres, de trafic de drogue, de perles ou de diamants, mais elle a surtout marqué son temps pour avoir tenté d'être la première européenne à pénétrer dans la cité sainte de la Mecque. Elle fut assassinée à bord de son yacht, le Djéïlan, à 55 ans.



Voici ce que rapporta au sujet de son arrestation la presse nationale dans plusieurs éditions :


  • L'Aube, le 31 décembre 1946 :


"J'ai l'habitude de l'aventure. Je saurai me défendre dit aux journalistes Marga d'Andurain qui a subi hier l'interrogatoire d'identité.



Huit jours exactement après avoir quitté précipitamment une surprise-party sur la promenade des Anglais, Marga d’Andurain a été incarcérée hier dans une cellule de la Petite-Roquette. 



Entre deux gendarmes, l'ancienne favorite du roi Ibn Seoud, est descendue dimanche, à 9 h. 20, sur le quai de la gare de Lyon, du rapide de Nice. D’une mise négligée sous un lourd manteau de vison et chaussée de bottillons fourrés, cette petite bonne femme brune porte allègrement ses 51 ans. 



Au désespoir des photographes, "Marga" se dérobe à leur objectif en se voilant le visage d’un fou lard écossais. 



— J’ai l’habitude de l’aventure, je saurai bien me défendre, assure-t-elle d’un ton calme. 



Désireux d’éviter les incidents de couloirs et l’afflux des reporters, M. Goletty, juge d’instruction, s’est rendu dans l’après-midi au dépôt, en passant par les couloirs souterrains du Palais, afin de faire subir à Marga d’Andurain le classique interrogatoire d’identité : 

— Je suis Jeanne, Claire, Marguerite, Amélie Clérisse, née le 29 novembre 1895 à Bayonne, vicomtesse d’Andurain par le mariage. 



Avant d’être écrouée à la Petite Roquette, la vicomtesse — en robe de chambre et dépeignée — déclare choisir pour défenseur Me Marie-Louise Jacquier, fille de M. Marcel Cachin. Mais l’avocate étant actuellement en province, l’interrogatoire sur le fond ne pourra avoir lieu avant plusieurs jours. 



Contradictions sur le fond...



Jacques d’Andurain, le fils de la vicomtesse d’Andurain, journaliste à Nice, n’attend pas son retour pour multiplier de son côté les plaidoiries ! 



— Lors de mon retour prochain à Nice, ma mère sera très certainement avec moi, assure-t-il de nouveau. 



"Je suis persuadé que M. Clérisse, notaire à Bayonne, père de Raymond Clérisse, empoisonné mystérieusement, ne se portera pas partie civile ; son fils, alors qu’il était en traitement à l’hôpital, ayant rejeté toutes les accusations portées contre ma mère. 


Mise en cause en 1933, en 1934 en 1936, dans plusieurs drames qui se sont déroulés en Moyen-Orient, a poursuivi M. Jacques d’Andurain, des jugements impartiaux l’ont toujours innocentée.



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MARGA D'ANDURAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



 ... et politiques



Toutefois, à la suite de cette déclaration formulant l’espoir que la plainte portée contre sa mère au sujet de Raymond Clérisse serait retirée par M. Clérisse, notaire à Bayonne, père du défunt, celui-ci a déclaré qu’il ne saurait être question du retrait de cette plainte, et qu’il s’était porté partie civile. 



Le "Populaire" de dimanche publie une information de l’A.E.P. prêtant au notaire de Bayonne des révélations... inattendues : 

M. Clérisse, notaire à Bayonne, père du filleul de Marga d’Andurain, mort empoissonné, a déclaré, au cours d'un conversation, que la comtesse avait hérité d’un de ses parents. Le légataire, révolté contre la bourgeoisie, vivait en désaccord avec sa famille. A sa mort, il laissa la moitié de sa fortune à la comtesse. L’autre part était destinée à Marcel Cachin. 

Toujours selon Me Clérisse, Marga d'Andurain s’était inscrite au parti communiste après avoir été membre de l’Action française. 

Notre souci d’objectivité nous commande d’ajouter que M. Jacques d’Andurain a démenti, hier soir, cette information dans sa totalité."



  • France-Soir, le 3 janvier 1947 :

"La plus mystérieuse aventurière de ce temps peinte par elle-même.


Épouse de Soleiman, j’ai failli pour adultère, être attachée à la queue d’un cheval... et je porte, sur la poitrine, la trace des baïonnettes de la police de l'Emir.

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MARGA D'ANDURAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



A quinze ans, après avoir été la terreur de tous les couvents de la région de Bayonne, Marga d’Andurain a épousé à Biarritz le vicomte Pierre d’Andurain. Avec lui elle court la grande aventure, va en Amérique du Sud, puis en Syrie. Après la guerre de 1914, elle retourne dans le Proche-Orient, s’installe avec son mari à Palmyre, rassemble des bergers affamés, devient Zeinab, chef de tribu arabe. Un jour l’envie la prend d’aller dans la citadelle sacrée du Nedjd où aucun Européen ne doit pénétrer. Pour pouvoir s’y rendre, elle divorce, épouse, suivant le rite musulman, un ami de son cuisinier Soleiman, qu’elle achète 30 000 francs. Elle vit au harem, pénètre dans les lieux sacrés. Mais un soir elle s’échappe pour aller danser avec des Européens. Elle est arrêtée, accusée d’adultère, enfermée, passible de mort. Elle s’évade.



Je résolus de me cacher dans une chambre de l’hôtel de Djeddah, avec le petit Maigret, le fils du consul qui, par hasard, devenait mon protecteur. Il pensait que le mieux serait de me faire rentrer en France. Mais, installés dans cette chambre, et pendant que nous parlions, nous nous apercevons qu’il y a aux fenêtres des barreaux. Quand, vers minuit, Maigret décide de partir, nous entendons fermer la porte d’en bas. 



Aucune solution. Nous étions bloqués. — Tant pis, lui dis-je, vous allez passer la nuit ici. N’oubliez pas que je suis musulmane et que je n’ai même pas le droit de regarder un chrétien... Espérons que demain apportera la solution de cet imbroglio.



Mais voici qu’au milieu de la nuit, on frappe violemment à notre porte.



Le petit Maigret et moi sommes morts de peur. 

— Qui est là ? 

— Viens, me dit une voix. On t’appelle au téléphone. 



Je refuse de sortir.



Mais nous entendons dehors des allées et venues. Et une autre voix :

— On dit que Soleiman, toi époux, est en train de mourir.



Plus le temps de tergiverser. Je dis à Maigret :

— Cachez-vous sous le lit. Décidément, il vaut mieux que je descende au téléphone.



Un Arabe me dit : 

— Soleiman est très malade. Quelle folie ! Je l’avais vu le matin même. Et il m’avait fait une scène parce que j’avais l’intention d’aller danser sur un bateau anglais. Assommée par toutes ces histoires, j’étais montée pour préparer ma valise. Lorsque j’étais descendue, il était parti... Je ne devais plus jamais revoir mon mari arabe.

— Tu lui avais donné un cachet ? me dit l’homme.



Sans doute. Mais Soleiman "faisait le monsieur" et s’amusait à prendre des remèdes. Un jour à Suez pour le distraire et lui égayer le caractère (qu'il avait sombre et ennuyeux), je lui avais donné des pilules purgatives. L’effet avait été excellent. Cette fois, c’est vrai, pour calmer sa colère, je lui avais offert un cachet de calamine. 



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MARGA D'ANDURAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Soliman est mort cette nuit.



Je remonte rapidement dans ma chambre. Je ferme la porte. Et je dis tout bas au petit Maigret :


— Il se passe un drame, La partie semble perdue. Je dois partir. Et vite.


A ce moment même, on entend une section qui arrive au pas dans cette grande nuit silencieuse. Nous sommes résolus à nous défendre. Mais il est trop tard. On frappe à la porte. Je n’ouvre pas.


— Police, dit la voix du dehors. Avec leurs baïonnettes ils ont brisé la porte et j’ai encore sur les seins la trace des pointes de ces baïonnettes, qui m’ont ensanglantée.



L’émir de Djeddah a donné des instructions pour que je ne sois emmenée qu’à l’aube. Le directeur de la police s’est assis à la porte de ma chambre.



Le petit Maigret est sorti quelques instants de sous le lit. Il en a profité pour me raconter dans un souffle qu’à Médine, pour adultère, on avait attaché une femme à la queue d’un cheval.



Et moi, qui étais devenue musulmane, quels supplices le grand tortionnaire inventerait-il pour moi ?



A l’aurore, le chef de la police a frappé à la porte de ma chambre. On venait m’interroger.



Ma langue est littéralement collée au palais, J’ai dû la décoller avec mon doigt pour retrouver l’usage de la parole. Ce premier interrogatoire se passait en arabe. J’eus une inspiration :


— Le fils du consul de France est venu à mon secours, dis-je en montrant le petit Maigret.



C’est à cette inspiration que j’ai dû mon salut.


Ici s’arrête, en ce qui concerne la mort de Soleiman, le récit de Marga d’Andurain, Nous savons que Soleiman est mort dans la nuit ; que, sous bonne garde, elle a été transférée à la prison ; qu’elle est passée en jugement selon la loi musulmane. Mais une fois que l’autopsie de Soleiman a été faite et que les explications ont été données, Marga a été acquittée. Elle est sortie du harem et de sa prison. Elle a regagné Palmyre.


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MARGA D'ANDURAIN A PALMYRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Un jour d’été je quittai Palmyre, seule au volant de ma voiture, pour me rendre à Broumana, petite ville voisine de Beyrouth, villégiature d’été dans la montagne. Après le brutal passage d’un oued, l’essieu et les ressorts furent brisés nets. Je réussis péniblement à atteindre Kariatyn — une oasis à mi-chemin entre Palmyre et Damas. Là, je n’avais plus qu’à implorer le secours d’Allah. Il vint sous la forme d’autos mitrailleuses légères — celles qui assurent la surveillance des pistes du désert. Ce fut un jeu pour les soldats de démonter les ressorts et les essieux brisés, et, avec ces pièces détachées, je partis dans une Ford vers Damas. Je cite à dessein tous ces petits événements. A Damas, je remis à un garagiste les pièces à réparer. Je lui laissai la mission d’envoyer chercher ma voiture en panne à Kariatyn et je continuai mon voyage. 



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MARGA D'ANDURAIN
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Les trois autopsies de Mohamed Turqui.



Je devais être à Broumana l’hôte de M. et Mme KErchove d’Hallebast, ministre de Belgique.



Voici, jour par jour, mon emploi du temps :

Le 22, le ministre donne un grand déjeuner réunissant les principaux fonctionnaires du Haut-Commissariat ; le 23, Je me rends dans l’auto d’un ami chez le directeur du Service Archéologique de Syrie ; le 24, Je déjeune à Beyrouth avec des archéologues et des officiers. Le soir, Je dîne et Je sors avec le général commandant la cavalerie et les troupes spéciales du Levant ; le 25, Je remonte chez mes amis belges à Broumana. Et le 30, coup de théâtre, Je reçois de mon mari une lettre datée de Palmyre : Je suis tout simplement accusée d’avoir tué un jeune berger de ma tribu, Mohamed, que j’avais congédié quelques mois plus tôt. Or, cette lettre m’apprenait en même temps que Mohamed avait quitté Palmyre le 22 avec un chauffeur Hadidi, Le 25 au matin, le corps de Mohamed avait été trouvé sur la piste qui va de Palmyre à Deir-ez-zor, sur l’Euphrate.



Il doit être facile d'établir mon innocence. Je cours au tribunal de Damas où personne n’est au courant de l’affaire. Puis à Homs, où je trouvais le juge d’instruction arabe, Gabriel Sfer, qui avait mené l’enquête sur le meurtre. Et voici les conclusions de l’enquête :


Conclusion de la première autopsie. — Mohamed est mort d’une balle dans l’abdomen (revolver de 6 mm. 35, comme celui que je possédais) ; sans doute pour être bien sûr de sa mort, une auto est passée ensuite sur son cadavre. Il y a des témoins qui ont vu ma voiture jaune, conduite par moi-même sur la piste de Palmyre à Deir-ez-Zor. Cependant, il n’y a, pour ainsi dire, pas de sang sur le cadavre. C’est pourquoi le juge d’instruction demande une deuxième autopsie et réclame l’extraction de la balle de revolver.


Conclusion de la deuxième autopsie. — Le médecin militaire de Palmyre, le docteur Cardi, maintient son premier diagnostic. Il a, dit-il, constaté un orifice d’entrée dans l'abdomen et, par derrière, un orifice de sortie du projectile.



Le juge d’instruction admet difficilement cette conclusion.


Conclusion de la troisième autopsie. — Le docteur reconnaît qu’il faut renoncer à l’hypothèse d’une balle de revolver : les os brisés par l’écrasement de l'auto ont perforé les chairs.



Mon innocence était donc facile à démontrer : mon auto était encore au garage de Damas et moi, depuis quinze jours, je me trouvais entre Beyrouth et Broumana, c’est-à-dire à près de 450 km. du lieu du crime.



Quoi qu’il en fût, le Juge d’instruction lui-même m’avoua que certains Arabes demeuraient encore convaincus de ma culpabilité, tant il est vrai que les légendes et l’invraisemblable trouvent souvent plus de créance que les faits, et aussi parce que, disait-il, ces primitifs avalent une telle idée de moi qu’ils croyaient que tout m'était possible, en bien comme en mal.



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MARGA D'ANDURAIN
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Acquittée, mais poursuivie.



Je n’en avait d’ailleurs pas fini avec l’histoire de Mohamed et de la tribu des Turqui, à laquelle il appartenait. Mohamed avait, sans nul doute, été étranglé, puis, probablement pour dissimuler cet étranglement, une auto était passée sur son corps.



Il était vraiment difficile, étant donné ma petite taille, de me soupçonner d’avoir pu étrangler un homme.



Je parlai en haut lieu de cette affaire. Mais lorsque je me trouvai de nouveau à Beyrouth, mon mari m’écrivit que le Cheik Aboutous, chef de la tribu Turqui. répandait le bruit chez tous ses sujets, que c’était moi qui avait assassiné Mohamed ; qu’il conseillait à mes nouveaux bergers de ne pas rester à mon service ; que je tuais tous ceux qui me déplaisaient ; que j’avais déjà trois meurtres sur la conscience...



Le haut-commissaire me promit que Justice serait faite.



Au fait la preuve de mon innocence avait tenu à des circonstances entièrement fortuites. Supposons que je me sois trouvée à Palmyre au moment de la mort de Mohamed ; supposons que je sois sortie — comme il m’arrivait souvent — sur la piste Deir-ez-zor. il m’eût été impossible de me disculper. 



Une nuit de terreur.



En dépit de toutes les preuves, mes jours étaient en danger. Je ne pouvais plus m’éloigner ni sortir seule la nuit, même dans Palmyre. J'avais toujours auprès de moi mon bull-dog et un fusil. Mon ex-mari, qui avait son appartement dans une annexe — car nous tenions maintenant un hôtel à Palmyre — était venu habiter près de mol. Et toutes les nuits c’était des bruits suspects, des voix. On s’attendait au pire.


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Une nuit où nous étions couchés, Pierre et moi, dans la même chambre, je vois filtrer un rayon de lumière. J’entends des pas qui s’avancent ; des pas qui s’arrêtent. Ce sont des pieds nus sur le carrelage du petit salon.



Puis plus rien. Puis le bruit de la poignée de la porte qui tourne dans la nuit.



Dans cette nuit de désert et de grand silence.



Les pieds nus marchent dans l’ombre. L’homme s’avance. Il est arrivé près du lit. Pierre a crié :

— Qui est là ? Et des balles de revolver traversent la fenêtre.


Il y a des balles de revolver sur le lit.


Il y a une balle de revolver entre mes Jambes.



Les hommes ne savent pas encore ce qu’ils ont fait. Mais ils trouvent qu’il est temps de filer.


(On retrouvera, après leur départ, deux matraques en fer.)



Pierre a eu le courage de se lever pour aller chercher dans sa chambre son fusil de chasse. Les hommes sont partis. Ils continuent sans doute à guetter dans la nuit. Et Pierre tremble tellement qu’il ne réussit pas à mettre les cartouches dans son fusil.



Je veux appeler, crier. 


Mais aucun son ne sort de ma bouche. 



La fin de la nuit est horrible. Je suis pétrifiée. Même si Pierre était tombé mort à côté de moi. je n’aurais pu dire une parole, Je n'aurais pas pu faire un mouvement."



A suivre...





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