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vendredi 7 octobre 2022

AU PAYS DE LA PELOTE AU PAYS BASQUE AVEC CHIQUITO DE CAMBO EN AOÛT 1904

AU PAYS DE LA PELOTE EN 1904.


Au début du 20ème siècle, la pelote Basque est le sport national du Pays Basque, Nord et Sud.




pays basque autrefois pelote chiquito cambo
CHIQUITO DE CAMBO 1902
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal quotidien Le Vélo, le 12 août 1904, sous la plume de 

Paul-Adrien Schayé :


"Au pays de la pelote.


Frontons et trinquets.



Saint-Jean-de-Luz, un jour de printemps.



On m’avait dit : Vous y verrez une noce basque, une vraie noce, bien "dans le ton" couleur locale, — et j’y suis venu.



C’est, sur la route qui mène en ville, le long de maisons historiques dont les fenêtres semblent pleurer de la vigne vierge, une petite caravane régulière. Elle marche, au son d’une chanson lente et rythmée, s’en va par les rues, la mariée en jolie robe, un fichu de dentelle sur la tête, le marié en simple veston serré à la taille. Tout le monde suit, les vieux se tenant par le bras, les petits par la main, comme dans les gravures "du temps". C’est l’expression consacrée lorsqu'il s’agit d'indiquer une époque ancien style. Il est tout à fait égal à la noce de n’être pas nouveau jeu, car elle ignore les pièces de M. Lavedan.



Un café-vins-liqueurs de bien modeste apparence, et les voilà tous qui s’y engouffrent. Le patron, un gros homme, qui débite derrière son comptoir des consommations de premier choix — dit-il, — s’effare de leur arrivée et comme il n’a pas de place pour les loger, ouvre la porte de son "trinquet".



C’est une grande salle, haute et claire, aux murs nus : un vrai coin de jeu de paume adapté à la pelote basque. Une tribune — un balcon plutôt, grossièrement construit en bois se trouve juché à mi-chemin du plafond.



Le jour y est un peu blafard, la couleur en est un peu grise, malgré la chaux dont la pièce a été badigeonnée.



Toute la noce, là-dedans, se consulte, et c’est vite fait : une décision est prise. Les femmes et les vieux grimpent dans la tribune, par un couloir extérieur, à l’espagnole, dont la maison est flanquée. Les hommes restent en bas, le marié tout le premier, et un petit va chercher une pelote.



C’est une partie qui commence. Les joueurs se démènent, courent, prennent la balle avec une dextérité merveilleuse, se précipitent et la saisissent lorsqu’elle va toucher terre, ou bien lui tendent la paume de leur main nue sur laquelle elle vient frapper brusquement.



Ils ont les mains dures, ces joueurs basques, et c'est, je crois, d'avoir reçu dans leur vie beaucoup de pelotes semblables, bien plutôt qu'en raison d’un travail physique... En ce pays, ce sport a conquis une importance telle que rien, désormais, ne semble devoir le détrôner. Les "trinquets" sont chaque dimanche envahis par une foule de joueurs et de spectateurs, et les "frontons", dans toutes les bourgades, sont le théâtre de luttes régulières auxquelles chacun se passionne.


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TRINQUET DE ST-PALAIS
BASSE-NAVARRE D'ANTAN


... La mariée, du haut de sa tribune, regarde. Elle a de jolis yeux, le teint brun, et, sous sa mantille, ses cheveux lourds forment un casque qui écrasé un peu son front. Elle s'intéresse au jeu, et surtout à son mari, un grand garçon solide et souple, qui fait gagner son camp, et elle reçoit, du haut de sa tribune présidentielle, beaucoup de compliments et de jolies phrases basques...



Les joueurs changent, la partie se continue. Une heure se passe... et brusquement, on s’aperçoit que les mariés s’en sont allés, tout doucement, sans le dire à personne, en oubliant toute la noce dans le trinquet...



Guéthary, un dimanche



Dans le pays, des affiches ont annoncé une partie de pelote, au fronton. Tous les frontons portent du reste la même enseigne et se ressemblent : un mur élevé, surélevé encore par un grillage de fer, une grande étendue de cent mètres, et, à droite ou à gauche, une tribune assez mal construite qui garde un air de fête foraine avec ses guirlandes et ses toiles fanées. On s’y entasse pour voir Chiquito.




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PELOTE BASQUE 
CHIQUITO DE CAMBO


Au pays de la pelote, Chiquito, c’est l’homme populaire. On aime, là comme ailleurs, à s’exagérer toutes choses et à se trouver des gloires régionales. Celle de Chiquito, réduite à de plus simples proportions, est juste. C’est un bon athlète au tempérament vif, alerte, un peu emporté parfois, toujours sincère lorsqu’il s’agit de son sport. Il est né à Cambo, ce qui rend les habitants de ce bourg très fiers de lui, et son portrait, la chistera en main, en costume de lutte, fait l’originalité des cartes postales illustrées.



Ce qu’est Chiquito, son jeu, sa netteté, sa grande souplesse, sa précision, je ne le rappellerai pas. Il est venu faire à Paris, pour la pelote, une propagande par l’exemple qui a donné des résultats ; pourtant on ne l’a pas vu dans le cadre qui sied au jeu, sous un clair soleil, au milieu de filles en costume du pays, de gens enthousiastes et compétents. On y discute, on se dispute, on s’interpelle après les séances, et pendant la partie, un chanteur bizarre annonce les coups en les accompagnant de couplets basques, phrases chantées que tout le monde répète, et qui se modulent gravement.



pays basque autrefois pelote cambo
PELOTE BASQUE
CHIQUITO DE CAMBO



Il n’est pas rare de voir ainsi, dans les pays où certains sports prennent une valeur de plus en plus grande, combien tout ce qui touche à ces sports devient grave et sérieux. Si la pelote, en Béarn, n’a pas encore acquis l’importance du cricket en Angleterre — ces matches de cricket dont les grands journaux parlent en première page comme de l’événement le plus important du jour — elle est déjà le sport à la mode, le sport de race, auquel tout le monde pense, dont chacun parle et que travaillent les gamins lorsqu’ils sortent de l’école — ou lorsqu’ils oublient d’y aller.



La Bidassoa



Par une petit chemin de traverse, on arrive de Hendaye à la rivière, d'où un bac vous passe à Irun. C’est tout près du pont du chemin de fer, derrière lequel le stationnaire français, amarré à la berge, semble toujours attendre qu’il y ait assez d’eau pour partir. Le petit chemin de traverse, près de la Bidassoa, est gardé par deux marins français qui fument consciencieusement leur pipe, et de l’autre quelques carabiniers espagnols, le fusil à la main, surveillent gravement la plaine.





pays basque autrefois navale frontiere base stationnaire
LE GRONDEUR STATIONNAIRE HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



A Irun, au milieu de la rue, des enfants jouent à la pelote. Plus loin, ce sont des hommes. Ailleurs, ce sont des soldats. Pourtant, sur tous les murs de la vieille église, sur les monuments, sur les maisons aussi, il est écrit : "Défense de jouer à la pelote sous peine d’amende". Mais cette belle défense ne sert à rien. Chacun a dans sa poche une balle entourée de laine, et les agents de police ou bien les gendarmes ne pourraient les en empêcher.



pais vasco antes guipuzcoa iglesia
IRUN GUIPUSCOA 1905
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il y a dans Irun — et c'est un fait qu’il convient de rapprocher de cet amour immodéré de la pelote — beaucoup de carreaux cassés. Les sculptures des antiques portes s’effritent plus vite qu’ailleurs. Souvent même, en passant le coin d’une rue, risque-t-on de recevoir en plein visage un projectile vigoureusement lancé. Mais ce sont des inconvénients qui ne gênent guère les habitants de la ville, puisque tout le monde y est habitué.



Seuls, au milieu de tout ce pays que ce sport passionne, une vingtaine d’hommes, peut-être moins, n’y pensent guère. Ce sont les marins du stationnaire, qui terminent leur temps à l’Etat. Ils ont pour le sport du cru le doux mépris de gens qui savent d’autres sports lointains. Et ils restent ainsi pendant des mois, sur la Bidassoa dont on voit souvent le fond, isolés, chez eux, dans leur maison à peine flottante, regardant avec pitié les douaniers espagnols qui s’exercent à la pelote sur les murs de leur corps de garde."



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