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lundi 24 octobre 2022

GUSTAVE-HENRI COLIN PEINTRE DU PAYS BASQUE

GUSTAVE-HENRI COLIN PEINTRE DU PAYS BASQUE.


Gustave-Henri Colin, né à Arras le 11 juillet 1828 et mort à Paris 17ème arrondissement le 29 décembre 1910, est un peintre français.



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GUSTAVE-HENRI COLIN DANS SON ATELIER



Voici ce que rapporta à son sujet le quotidien Comoedia, le 7 janvier 1811, sous la plume d'Arsène 

Alexandre :



"La semaine artistique.

Un burgrave.



La dernière fois que je vis venir vers moi Gustave Colin, j'eus la tragique entrevision de la mort des plus grands arbres de la forêt. Je pus en même temps me faire une idée de ce que purent être les dernières heures de certaines augustes figures d'autrefois, comblées d'ans, et frappées enfin dans leur finale verdeur ; c'est ainsi, par exemple, que Tintoret a pu traîner, sur cette terre, ses pas encore puissants, mais inexorablement ralentis.



C'était toujours la même stature peu commune, la même expression, fière et lointaine, la même majesté que quatre-vingt-deux années dont plus de soixante remplies de nobles efforts, peuvent  donner à un homme de labeur et à un homme de bien. Mais pour la première fois la hautaine démarche avait quelque chose de cassé ; la voix était une plainte sourde, qui, pour être voilée n'en était que plus déchirante. La plainte d'un enfant et celle d'un vieillard sont de ces choses qui vous laissent sans force, et qui vous font le plus sentir votre impuissance à créer le bonheur que vous voudriez, et qu'ils attendent de vous avec impatience. Il y a des confiances bien cruelles.



Ce grand peintre venait me demander comment s'y prendre pour vendre le plus tôt possible, tout de suite, quelques admirables œuvres qu'il avait dans son atelier. Il ne voulait pas, et je ne lui aurais conseillé pour rien au monde, que ce fût un "débarras". Nous cherchâmes ensemble quelles personnes intelligentes et fastueuses pouvaient payer ces choses à leur valeur. La liste, il faut le dire, en était singulièrement restreinte. Le plan que nous avions ébauché ne fut pas suivi jusqu'au bout : il comporta sans doute trop d'amertume, ou plus de vigueur qu'il n'en restait à ce colosse miné. Je n'eus plus les nouvelles que j'attendais ; rien qu'une plainte d'une écriture agonisante, pour protester contre la place indigne de ses ans et de sa valeur, qu'on avait donnée à une de ses dernières oeuvres dans l'exposition des achats de l'Etat... Et voici quelques jours après, la lettre encadrée de noir que je trouve dans ma boîte du journal.



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ATTELAGE BASQUE
PAR GUSTAVE-HENRI COLIN



J'ai encore dans l'oreille l'accent de chagrin et de persistance avec lequel cette voix affaiblie me disait : "Il me faudrait telle somme pour quitter Paris, pour retourner à ma maison de Saint-Jean-de-Luz. Si je pouvais en ce moment revoir le soleil, et les Pyrénées, et l'Océan, je referais un bail de quelques années avec la vie. Hélas ! on ne peut pas donner l'Océan, les Pyrénées, et le soleil, à un grand artiste qu'on admire, mails on s'indigne que le public et les soi-disant amateurs de peinture ne les lui aient pas donnés.



Il est certain qu'ils furent envers lui d'une, surprenante injustice. Ils n'aiment point ce qui est trop puissant et trop généreux de sève. Ils laissent livrés à eux-mêmes ceux qui ont l'air de pouvoir se passer d'eux. Et, comme celui qui produit a cependant besoin du succès et de l'argent, ou bien il est brisé de bonne heure, et désespéré, ou bien, s'il a une force indomptable et les plus étonnantes ressources vitales, toute son existence est une longue lutte, où la grandeur de l'esprit doit sans cesse étouffer, terrasser la médiocrité des circonstances. Une belle oeuvre, qui semble naître de nouveau dès que son auteur est mort, aura été produite sans que celui qui y mit toute son âme et ses énergies sans cesse renaissantes en ait retiré autre chose que le pain sec et le minimum des honneurs. C'aura été le cas de Gustave Colin et c'est le résumé die sa carrière. Il ne faut pas en général, être trop grand pour son temps; il dit : "Adressez-vous à mon successeur."



Les répondants n'y font rien. Il semble même que plus ils sont illustres, plus on leur résiste. A ses débuts Gustave Colin avait été acclamé par Théophile Gautier, par Thoré, par Paul de Saint-Victor. Sur la foi de ces grandes autorités, quelques collectionneurs voulurent bien se risquer modérément, de façon que le peintre ne fut pas réduit à mourir de faim absolument, ce qui eut été un trait de mauvaise volonté insigne. Mais la foule (j'entends la foule éclairée), ne voulut jamais mordre à cette nourriture âpre et forte qu'il lui servait. Des Espagnols qui ne sont pas jolis et culottés de soie ; des montagnes qui sont inébranlables et sourcilleuses ; un Océan qui a le mauvais goût d'être en sombre furie ; de vastes campagnes où un ciel immense roule lourdement sur une terre à la fois féconde et rebelle ; des villes ensoleillées où l'on sent les pulsations de la vie ; des grands arbres sombres qui tiennent tête aux aquilons ; tout un spectacle, en un mot, de majesté et de drames naturels, de nature et d'humanité, de réalité et de poésie, vraiment c'est trop peu de chose. Parlez-moi d'un cavalier Louis XIII peint d'après quelque sergent de ville déguisé, et occupant juste la superficie d'un couvercle de tabatière. Parlez-moi encore d'une Venise à la gelée de groseille ; ou bien d'un troupeau de moutons bien fabriqué d'après les meilleurs spécimens empaillés de l'espèce ovine. Ou bien, si vous préférez, moi, ça m'est égal, dans un tout autre ordre d'idées, parlez-moi d'une femme verte qui louche, comme en font les enfants dès qu'on leur paie une boîte d'aquarelle, ou de trois taches rouges surmontant, pour figurer des fleurs, un pot bleu de travers sur une table en pente. Voilà des choses que l'on peut couvrir d'or en toute confiance, les unes parce qu'elles satisfont la vanité, les autres parce qu'elles prêtent à la spéculation, — le diable m'enlève si je sais pourquoi, par exemple !



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LA CONCHA A DONOSTIA EN 1896
PAR GUSTAVE-HENRI COLIN



Pauvre Gustave Colin ! Je me laisse emporter comme nous le faisions dans votre haut et sombre atelier de la rue Victor-Massé, à l'heure où sur les voiles du crépuscule se détachaient vos saines et grandioses figures de femmes, de paysans basques, vos paysages abrupts ou vermeils, vos marines grondantes. Non, je veux demeurer calme même devant les grands dénis de justice, comme ceux dont votre vie est une suite interminable, et je poursuivrai maintenant cet article sur le ton de la sérénité qui convient à une œuvre à laquelle ne manquait sans doute pour être appréciée à sa véritable valeur, que la suprême consécration de la mort.



Gustave Colin était né à Arras, "vieille ville espagnole", aurait-il pu dire, comme disait Victor Hugo de Besançon. Je crois qu'il est bien inutile de chercher des explications d'atavisme pour affilier, de gré ou de force cet homme du Nord et des soleils froids aux peintres des sols brûlés, aux Affilier Coëllo et aux Velazquez. Il était né artiste parce qu'on naît comme cela ou pas, et voilà tout, et il aimait le grand dessin et la couleur intense parce que cela correspondait mieux au jeu de son solide organisme. Que de papier on eût économisé, que de théories on nous eût épargnées, si on s'était toujours borné à constater l'idiosyncrasie des artistes au lieu de vouloir les expliquer par toute sorte de raisons que l'on peut tout aussi bien remplacer par d'autres.



Il est tout naturel que Gustave Colin, d'Arras, ait pris pour grands patrons non seulement, comme on l'a dit les grands Espagnols, mais aussi les grands Vénitiens. Arras, c'est près de Lille, et Lille c'est près de Rubens, et Rubens est aussi près de Titien que Lille d'Arras. A l'époque où Gustave Colin commençait la peinture, on était en pleine période romantique. Victor Hugo avait magnifiquement chanté la grandeur de l'Espagne, et Théophile Gautier qui était allé Tra los montes révélait au monde artistique qui l'avait oubliée la splendeur sombre de l'œuvre des Zurbaran, des Harrera, et des Vélasquez. Il était fatal qu'un peintre aventureux, ayant beaucoup de force à dépenser, fût tenté d'aller se parfaire par là-bas. Colin vit Madrid et il vit Vélazquez, et les Titien peut-être les plus beaux qui soient, et il revit Rubens, et qui mieux est encore, ces surprenantes copies de Titien par Rubens, qui sont un des documents les plus émouvants sur les affinités qu'on puisse rencontrer en art. Cela suffisait. En revenant, le jeune artiste séjourna à Pasajes, — vous rappelez-vous le séjour que Victor Hugo raconta de façon si éblouissante et mordante ? — puis à Fontarabie, puis dans ces pays Basques qui sont déjà l'Espagne et qui sont encore la France c'est-à-dire la luxuriance ajoutée à la grandeur. Cela lui suffisait pour remplir désormais sa vie et nourrir son œuvre. Il débuta par cette admirable Partie de pelota, qui, mouvementée, ensoleillée, avec de l'endiablement dans un grand décor, et de la fierté dans cet endiablement, lui valut les prédictions heureuses de Théophile Gautier. Ce n'est qu'une affaire de temps pour que l'on soit sûr un jour que Gautier ne s'était pas trompé.


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PARTIE DE PELOTE A FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Fontarabie, admirable résumé de l'Espagne placé à la porte de l'Espagne même lui fournit aussi des thèmes extraordinairement nobles et originaux. Des processions aux bizarres costumes, des courses de taureaux, des sorties d'églises, où les femmes en mantilles ont une beauté et une gravité implacables. Quant à Saint-Jean-de-Luz, Ciboure, Guéthary, ils lui offrirent le spectacle incessant des efforts pour la culture du sol, et des luttes contre la fureur de la mer. Avec la dominante presque constante des monts qui forment comme l'arène où se déroulent ces vivifiantes tragédies, il fut vraiment unique en son .genre à montrer la poésie des travaux de l'homme, et de ses jeux. Des paysans en bérets qui guident leur charrue, des femmes en madras qui récoltent le maïs ou rapportent l'eau sur leur tête, marchant sur un rythme royal avec leurs pieds nus, des barques qui s'abandonnent à la mer menaçante tout en lui résistant, et puis parfois encore de beaux coins silencieux aux arbres qui épandent une ombre épaisse tandis que les maisons du village resplendissent au soleil comme des plaques d'or ; et puis encore, à de nombreuses reprises, de grandes figures en pied, grandes comme nature et plus grandes, attestent que cet homme aurait pu agencer des compositions gigantesques si son temps avait été capable de lui en fournir l'occasion, - tout cela affirmé avec simplicité et dignité, - voilà, tout au moins une partie de l'œuvre de ce méconnu, de ce presque inconnu, malgré le témoignage d'admiration que quelques-uns d'entre nous lui donnions chaque année avec persévérance.



Une année que par extraordinaire il avait été mis en belle place à la Société Nationale, il m'écrivit : "Mes camarades ont été aimables pour moi. Ils s'étonnaient de la simplicité des moyens pour arriver à l'effort voulu ; mais cette simplicité que l'on a toujours dit être la force, n'est pas de mise à une époque où tout le monde n'est pas né peintre, et où tout le monde fait de la peinture.


Je n'ai jamais été capable de faire une œuvre dite à sensation. Mon esprit le voudrait que mon œil s'y opposerait. Alors où est le sujet ? Où est l'attraction ? Quel résultat tirer d'une bagarre comme une exposition, si l'on n'a pas l'entrée des ministères ?"



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CHÂTEAU ET GOULET DE PASAJES
PAR GUSTAVE-HENRI COLIN



Ce sont les ministères en général, qui par une fatalité inexplicable - ou explicable trop tacitement - ne savent jamais découvrir l'entrée des ateliers où s'accomplissent les vraiment grandes œuvres de leur temps. C'est pour cela que devant l'histoire, il n'y a presque jamais aucun lien entre les gouvernements et le mouvement intellectuel qui s'est produit pendant leur durée. Ce qu'ils avaient patronné meurt, et ce qu'ils avaient ignoré se révèle. Mais ce n'est pas pour cela que j'ai écrit, cette fière parole ; c'est surtout pour faire respecter le véritable caractère de l'œuvre de Gustave Colin.



Quoique s'étant révélé au temps du romantisme et ayant été glorifié par les protagonistes du romantisme, il ne fut lui-même romantique en aucune façon : il fut naturaliste avec de la grandeur. La beauté intrinsèque des choses lui suffisait sans qu'il y ajoutât de la fantasmagorie. C'est pour cela que son œuvre, — mais il faudra du temps pour que nos musées en soient pourvus en quantité assez grande pour qu'on la puisse bien comprendre — est du même ordre et de la même qualité, et dégage les mêmes vertus que celles de Corot, de Rousseau, de Millet, à qui la gloire est venue plus tôt, — parce qu'ils étaient quelque peu ses aînés.



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PÊCHEURS A FONTARRABIE
PAR GUSTAVE-HENRI COLIN



Ajouterai-je à cette simple esquisse de portrait que cet homme de grande taille et de pure race, qui jusqu'à la quatre-vingtième année montra assez de force pour résister aux froideurs du public, à la mauvaise volonté des marchanda, aux difficultés de la vie matérielle, à maintes autres amertumes et souffrances, était un être d'une distinction extrême et d'une délicatesse rare et que ce beau peintre était un esprit d'une parfaite culture. Il n'est personne qui, l'ayant rencontré, ne se soit dit : "Voici un homme d'un autre âge, d'un autre monde ; sa démarche, son regard, sa parole sont en disproportion avec notre société, avec nos goûts, avec notre frivolité et notre petitesse." Si ces passants étaient méchants où inintelligents, ils essayaient de l'en punir. S'ils étaient capables de le comprendre et portés à l'aimer, ils pensaient tristement que la mort seule rend la grandeur excusable."




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