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dimanche 19 mai 2019

LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (troisième et dernière partie)


LA LANGUE BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.



REVOLUTION FRANCAISE


Le Pays Basque Nord, formé du Labourd, de la Soule et de la Basse-Navarre a été englobé avec 

le Béarn dans le département des Basses-Pyrénées, le 4 mars 1790.




Voici ce que raconta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son 

édition du 30 mai 1932 :



"La Révolution, l'Empire et la langue basque.



La brutalité des décrets montagnards n’aboutit qu’à peu de résultats immédiats. De son côté, la loi interdisant tout avancement dans les armées de la République aux Basques ignorant le français, suscitait bien des difficultés : au surplus, le service militaire obligatoire désormais apparu ne serait-il pas un instrument puissant de francisation ? Les principes désormais étaient posés. La Convention thermidorienne se décida à de larges et indispensables tolérances de pratique. 




C’est elle du moins qui se préoccupa de mettre sur pied toute une organisation de l’enseignement ; l’idée d’écoles normales apparut, pour former des instituteurs luttant contre les idiomes : au dix-neuvième siècle, ceux-ci n’interdisaient-ils pas souvent à leurs élèves, de "parler patois" ? L’Ecole Normale Supérieure eût été le couronnement du système : Ce fut Garat, membre de la Commission exécutive de l’Instruction publique, qui dévia l’Ecole du but projeté pour en faire un établissement d’enseignement du troisième degré, comme l’on dit aujourd’hui ; le décret du 6 vendémiaire an III, 27 septembre 1794, est en partie son œuvre. Lui-même y enseigna la philosophie jusqu'en août 1795. Les boutades de Napoléon sur l’ancien conventionnel n’avaient pas oublié la chose. Le décret du 19-20 octobre 1794, admit l'enseignement bilingue. Dans les Ecoles centrales — nous dirions les Lycées, — des "cours de grammaire générale" seraient réservés aux futurs instituteurs : on note 15 à 18 auditeurs dans les Basses-Pyrénées ; il en eût fallu des centaines. En 1789, les enquêtes notent un collège, à Bayonne où l’on enseignait le français, et pas seulement le latin. La statistique du 2 novembre 1794 note aussi l’état actuel des écoles primaires : il y en a très peu dans l’arrondissement d’Oloron ; à Pau, elles sont à moitié organisées ; pas un mot n’est dit sur le Pays Basque : silence significatif ! Mais les principes restaient posés, il fallait un jour ou l’autre, venir à bout de la barbarie des idiomes. Sous le Directoire, Santhonax le rappelait encore le 1er ventôse an VII, 19 février 1799, à propos du "ci-devant basque". 





C’est à cette époque directoriale que se place le premier concile national de l’Eglise constitutionnelle créée par la Constituante, désormais séparée de l’Etat et livrée à elle-même : était-il là, l’évêque constitutionnel de nos contrées, autour de ces quelques pasteurs abandonnés de partout qui virent Grégoire demander le remplacement du latin par le français dans la liturgie ? Toujours est-il que "l’auteur était de, ou à Bayonne", de cette brochure qui s’intitulait "Réformes à faire dans l'extérieur du culte catholique, substituer le français au latin pour la prière publique". Nous respecterons ses initiales : Joseph L. N. Notre auteur bayonnais y rappelait combien il avait souffert de la persécution ; l’introduction du français faisait le succès de la théophilanthropie, avec les facilités à la paresse qu’elle offrait par ailleurs ; on pourrait regagner les protestants ; enfin on obéirait à la lutte officielle contre les idiomes. Peu enthousiaste, le Concile se borna à ordonner une lecture en langue vulgaire de l’Epître et de l’Evangile, l’administration des sacrements en français, sauf pour les formules essentielles. Saurive, l’évêque constitutionnel de Dax, protesta vivement : à quoi bon des prières en français, là où seuls les fidèles ne comprenaient que le patois et le basque ? Allait-on dire la messe en basque ? C'est précisément l’objection basque que s’acharna à réfuter Grégoire toujours tenace. Le basque et le bas-breton ne sauraient faire la loi à la France. Mais le second Concile national n’avait plus aucun intérêt ; le Concordat était imminent. Y eut-il alors des livres liturgiques en langue basque ? Nous l’ignorons complètement. 






Sous l’Empire, un catéchisme unique devait enseigner l’obéissance à l’Empereur : fallut-il le traduire en basque, ou y songea-t-on ? Là encore, nous ne pouvons rien dire. L’enseignement primaire cependant était négligé, le latin et le grec revenaient dans les collèges, mais la tenace tradition de la centralisation révolutionnaire et impériale se retrouve dans le mépris des préfets pour les idiomes ; il en sera de même au dix-neuvième siècle. 






Chose étrange ! Des Basques eux-mêmes se plaignent de leur isolement linguistique : de 1801 à 1805, Mauléon ne songe, par l’entremise des autorités municipales, qu’à l’obtention d’un collège : la bizarrerie de l’idiome,  "la barrière élevée... pour les isoler du reste des hommes, les Basques qui sont exclus du commerce et de l’administration, les lois qui leur sont "inintelligibles", le désir de "ne pas les laisser croupir", et enfin, "la langue française qui sera le véhicule des bons principes", autant d’arguments qui nous sont encore donnés à Saint-Palais. A l’envi, le sous-préfet, le général Servien, appuient. 






Mais l’Empire est l'époque des grandes enquêtes administratives : à la suite de la circulaire du 25 juin 1805 aux préfets, on note à Bayonne, deux collèges, enseignant le latin et le français, avec 39 élèves. Le Bureau de Statistique confia aussi une grande enquête à Coquebert de Montbret. Ce fils d’un conseiller à la Cour des Comptes s’occupa, en 1793, de géographie physique aux côtés des savants de la Convention. Entré dans l’administration, le ministère de l’Intérieur le chargea en 1805-1806, de s’occuper des pays arriérés, isolés par leur langue : la Bibliothèque et les Archives nationales gardent le résultat de son enquête, faite chez nous, sur les ordres du Préfet de Castellane. Biarritz, Monereau, St-Pierre d’Irube, Urt, Labastide-Clairence (colonie gasconne et bigourdane), Guiche, Comté, Bidache parlaient seuls français dans l'arrondissement de Bayonne avec le chef-lieu ; tout l’arrondissement de Mauléon était basque, sauf Samps, Arthous, Ordios, Came, Aramon. Dans celui d’Oloron, Esquioule seule était basque. Plus exactement, cette commune était mixte, comme Montory, Rivarerte, Gestas. 




A Bayonne, on ne parlait jamais le basque, mais à une demi-lieue, on ne comprenait pas le français. A Saint-Jean-de-Luz, le basque était courant. Les cartes de l’Atlas National de Dumez (1806), montrent en vertu de cette enquête, la limite linguistique du basque (une autre est relative au Pays Basque espagnol) : chez nous, cette limite englobe Bidart, Bassussary, Mouguerre, Lahonce, touche l’Adour, s’écarte d’Urt et Labastide-Clairence, englobe Bardos, mais non point Bidache. Elle va en suite de Bergouey à Gestas, par Osserein et Arrast qu’elle englobe aussi, coupant assez souvent et recoupant le Saison inférieur. Par Lhôpital, Esquieulle, Haux, Sainte-Engrâce, elle aboutit au pic d’Arlas. 




L’école, la caserne, la presse, la centralisation administrative allaient continuer au dix-neuvième siècle, l’œuvre de "francisation". Et je ne jurerais pas que vers 1840, sinon plus tard, les populations elles-mêmes n’aient eu quelque mépris pour leur patois et idiomes : savoir lire et écrire en français, parut alors comme un signe de supériorité enviable. Maint paysan se mit à écorcher le français : petit effet d’une cause puissante et lointaine. Que l’on compare nos campagnes en 1832 et en 1932, la différence saute aux yeux. Consacrée au Second-Empire, la récente thèse de M. Maurain serait sans doute intéressante à analyser pour nos pays de ce point de vue. 




Cependant, sous l’influence de Herder et de ses théories des chansons populaires, sous l’influence aussi du romantisme naissant, des idées nouvelles se faisaient jour : au Pays Basque, l’étrange figure de Chaho se rattache à cette période. Dans la se onde moitié du siècle, le félibrige allait donner un essor nouveau à ces idées ; il n’est pas jusqu’au facteur "sentimentalité" qui ne vienne s’y mêler. Dans le domaine linguistique, deux traditions sont ici aux prises. L’historien note, explique, analyse ; son rôle ne s’étend pas au delà. 




C’est ici que nous devrions arrêter notre article. Mais on nous permettra d’y accrocher en appendice, les résultats de quelques travaux linguistiques récents, en particulier ceux de Brun sur l’introduction du français dans le Midi. Le Basque possédait une infériorité : il n’était jamais écrit, ou très rarement. On imprima sans doute les poésies basques de Bernard d’Etchepare, en 1545, la Bible de Liçarrague quelque vingt-cinq ans plus tard ; au seizième siècle, Bidart, au dix-huitième Ahetze, rédigent quelques délibérations en basque. Mais en 1418, c’est en béarnais que se rédige l’arbitrage entre chanoines de Bayonne et ceux qui résident en Castille ; c’est en béarnais qu’écrivent les notaires de Mauléon aux quinzième et seizième siècles. En Soule, les sentences judiciaires étaient lues en basque et écrites en béarnais. Et c’est en béarnais qu’écrivait son journal, en 1539, Pierris de Casaliveterry, alias le notaire Pierre de Casauvieilh. 




Parmi nos voyageurs aux pittoresques récits sur Bayonne, Baretti se met à faire figure de basquisant au petit pied ; il s’étonne, dans une hôtellerie, de trouver "deux Biscayennes" parlant en outre, français, espagnol et gascon. 




Mais les compagnons bayonnais du Tour de France n'amenaient-ils pas aussi avec eux notre sonore gascon ? Tel Laurent le Bayonnais qui figure sur un rôle des serruriers de Bordeaux, ou Jean Casamayor, dit Bayonne, qu’une procédure de Dijon nous cite le 12 janvier 1768. 




Allons ! Les linguistes de chez nous ont du beau travail à faire, mais ne sont-ils pas déjà à l’œuvre ; la splendide réédition des "Fables Causides", que prépare l’excellent éditeur Chabas, à Hossegor, en sera bientôt la preuve."






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