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samedi 30 décembre 2023

LA LANGUE BASQUE PAR GUILLAUME DE HUMBOLDT EN 1866

LA LANGUE BASQUE PAR GUILLAUME DE HUMBOLDT EN 1866.


Friedrich Whilhelm Christian Karl Ferdinand Freiherr von Humboldt, plus connu sous le nom Wilhelm von Humboldt, né le 22 juin 1767 à Potsdam (Brandebourg, Allemagne) et mort le 8 avril 1835 à Tegel (Berlin, Allemagne), est un philosophe prussien, fonctionnaire d'Etat (diplomate et ministre de l'Education) et linguiste distingué.




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GUILLAUME DE HUMBOLDT



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Gironde, le 27 juillet 1866 :



"Recherches sur les habitants primitifs de l’Espagne.

A l'aide de la langue Basque par Guillaume de Humboldt. 

Traduit de l'allemand par M. A. Marrast, procureur impérial à Oloron-Sainte-Marie. 



Une langue qui n’a aucune ressemblance caractéristique avec les autres langues connues, se conserve depuis un temps immémorial pure de tout mélange et dans sa simplicité originelle, comme un phénomène unique et inexplicable jusqu’à ce jour. Son histoire mérite une mention sommaire. Elle n’a paru au milieu des civilisations de Rome et de la Grèce que pour être dédaignée comme un idiome barbare. Les auteurs anciens, Pline, Strabon, Pomponius Mela, lorsqu’ils doivent écrire les noms des lieux où elle était parlée, se récrient sur ces expressions étranges qu’ils ne peuvent articuler. Pline songe sérieusement à les civiliser et à les rendre plus faciles à prononcer et à retenir (ex his digna memoratu aut latiali sermone dicte facilia). Le même dédain poursuit cette langue dans nos temps modernes, et ce n’est qu’à une époque plus rapprochée de nous et par un de ces retours ordinaires dans les choses humaines, qu’on passe d’un excès à un excès contraire, et que le dédain fait place à l’enthousiasme. Déjà, il y a environ deux siècles, le chapitre métropolitain de Pampelune déclarait gravement que la langue basque est la langue primitive de l'humanité, et qu’elle était parlée dans le paradis terrestre. Avec cette idée préconçue et posée comme un axiome, toutes les langues sont filles du Basque, et doivent s’y rattacher ainsi que les branches d’un arbre tiennent à leur tige. Comme les apparences ne répondent pas à cet ambitieux système, on doit, pour le justifier, tourmenter les mots de toutes les manières, en dénaturer les éléments ou en forcer la signification, et se livrer aux hypothèses les plus arbitraires comme dans les exemples suivants : on explique l'a de aara (homme), et l'e de emea (femme), en disant qu’à son premier cri l’enfant mâle fait entendre un a, et l’enfant du sexe féminin un e. On explique encore Cosetans par terre de la faim, Cerretans par fabricants de scies, Sagonte par Terre des Souris, sans prendre la peine de justifier les hypothèses qu’on signale. Disons cependant, pour être justes, qu’en détachant l’or pur de ce mélange informe, on trouve quelques appréciations exactes et des travaux remarquables, notamment ceux d’Astarloa et d’Erro.



Enfin, la véritable science écartant les hypothèses et les systèmes, reconnaît dans le basque une langue d’une très haute antiquité, sonore, poétique, d’une simplicité et d’une fécondité admirable dans ses formes agrammaticales. C’est à l’aide de cette langue qu’on résoudra des questions historiques cachées jusqu’à ce jour dans l’épaisse nuit du passé. Ainsi, l’un des plus illustres représentants de l’érudition allemande, Guillaume de Humboldt, a démontré, par l’étude comparative des noms des lieux de la Péninsule ibérique avec la langue basque, que cette langue était celle des Ibères qui n’en parlaient qu’une, et il en a déduit rigoureusement l’identité des peuples ibériques et des peuples parlant basque. Il y a plus, à l’aide encore d’une méthode aussi sûre que savante, il a déterminé sur la carte de la péninsule ibérique les lieux qui étaient habités par les Ibères, mêlés aux Celtes, et ceux qui étaient habités par les Ibères seuls.



Ces données positives ont été généralement acceptées par le monde savant. Mais le livre qui en contient la démonstration est écrit dans une langue étrangère, peu répandue, surtout dans nos contrées. M. Michelet, qui en a fait usage dans son Histoire de France, exprimait le regret que cet admirable petit livre ne fût pas encore traduit.


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LIVRE HISTOIRE DE FRANCE
DE JULES MICHELET



Le vœu de l’illustre écrivain vient d’être accompli par un honorable magistrat, M. Marrast, procureur impérial au siège d’Oloron (Basses-Pyrénées), M. Marrast n’est pas réduit au rôle de simple traducteur, quoiqu’il l’ait rempli d’une manière irréprochable, au dire des juges compétents. Il a médité profondément le sujet qu’il traite, et, sans s’arrêter au point où Humboldt l'a laissé, il marche en avant avec la science, et dans un remarquable résumé et dans des notes précises et substantielles, il constate les faits nouveaux et les questions qui attendent encore une solution.



Les Basques sont donc les descendants des anciens Ibères : voilà ce qui parait aujourd’hui hors de doute. Mais que sont les Ibères ? Ici, la science est incertaine et les opinions varient.



Remarquons toujours que c’est à l’aide de la langue basque, et en l’absence de tout autre document, qu’on veut arriver à la solution de cette question difficile et complexe. "Pour moi, disait Humboldt d’après la citation de son traducteur, la connaissance du basque n’est qu’un des éléments de l’étude comparative qui permettra d’édifier un jour l'encyclopédie générale du langage. Je comparerai le basque avec les autres langues, et j’indiquerai (si cela est possible) à quelle classe et à quelle famille il se rattache."



Le temps ou d’autres obstacles n’ont pas permis au savant Allemand de réaliser ses promesses. Mais d’autres savants, parmi lesquels on doit distinguer le savant prince Louis-Lucien Bonaparte, ont comparé la langue basque avec la plupart des langues connues ; mais leurs efforts n’ont encore abouti à aucun résultat positif.



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CARTE LINGUISTIQUE DU BASQUE
PAR LUCIEN BONAPARTE


C’est là, pour ainsi dire, la question de fait, la seule complètement satisfaisante.



Nous attacherons-nous, maintenant, à des théories que j'appellerai prématurées sur les lois générales du langage ? Nous arrêterons-nous à cette prétention de l’école allemande "de découvrir," suivant les expressions de M. Marrast, "entre chaque langue et l’état social du peuple qui la parle des rapports nécessaires, et de lire l’histoire inconnue des migrations des races sous les mots et les formes agrammaticales." Aux doutes que M. Marrast oppose à ce système, je me permettrai d'ajouter une observation : Sans doute, les langues, comme toutes les institutions qui appartiennent à l’homme, ont un fonds commun ou des types constants. Mais, en considérant les modifications infinies qu’elles subissent, et qui dépendent de causes diverses, telles que l'organisation, le climat et les conditions physiques et morales des peuples dont les effets s’exercent lentement et même à leur insu, je me demande si l’histoire des peuples n’est pas plus utiles à la connaissance de leurs langues, que la connaissance des langues des peuples ne l'est à celle de leur histoire.



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CARTE LINGUISTIQUE DU BASQUE EN 1865
PAR LOUIS LUCIEN BONAPARTE


Pendant qu’on cherche à édifier l’encyclopédie générale des langues, pour savoir à quelle famille le basque se rattache, la science appelle encore au secours de la question dont elle se préoccupe, une nouvelle branche de connaissances, appelée l’anthropologie, qui cherche à discerner les races d’après quelques différences organiques. Mais les recherches qui ont été faites dans ce sens et que M. Marrast nous signale, sont encore trop récentes et trop peu nombreuses pour en déduire des conclusions positives. Elles sembleraient indiquer un rapprochement vague, qui appelle de nouvelles études entre les peuplades ibériques et les peuplades du nord de l’Afrique. Cette observation coïnciderait avec celle de M. Boudard, qui a signalé quelque ressemblance entre l’alphabet touareg et celui des turditans, peuplade ibérique, et encore faut-il s’assurer, comme Humboldt le prétend, que cette peuplade parlait un dialecte éteint de la langue basque.



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ESSAI DE GRAMMAIRE DE LA LANGUE BASQUE
DE WILLEM JAN VAN EYS


L’analyse qui précède, quoique incomplète, suffira pour faire apprécier l’importance des travaux de M. Marrast, la sagesse de ses appréciations, la netteté de ses vues. Ainsi, l’œuvre se justifie par elle-même, et tout lecteur impartial devra reconnaître avec moi qu’il a bien mérité de la science et du pays par la traduction qu’il nous a donnée, et en plaçant sous son véritable jour une haute question historique qui intéresse nos voisins, qui sont en même temps nos compatriotes."





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