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jeudi 23 décembre 2021

LA LANGUE BASQUE PAR ABEL HOVELACQUE EN 1876 (deuxième partie)

 

LA LANGUE BASQUE PAR ABEL HOVELACQUE EN 1876.


Abel Hovelacque, né le 14 novembre 1843 à Paris, et mort le 22 février 1896 à Paris, est un linguiste, anthropologue et homme politique français.




ABEL HOVELACQUE


Voici ce que rapporta Abel Hovelacque dans la Bibliothèque des Sciences Contemporaines, en 

1876 :



"La langue basque.



"...Le basque, pour l'étranger, est dans un complet état d'isolement. Aucun des idiomes qui l'environnent ne peut, s'il s'agit de la formation des mots, de la morphologie, lui être comparé, et la langue qui lui ressemble le plus par quelques traits généraux, à savoir le magyar, s'en trouve géographiquement fort éloignée. L'histoire du magyar est d'ailleurs connue en partie, tandis que l'on ne sait rien de celle du basque. Impossible de rencontrer dans un monument authentique plus ancien que le dixième siècle des traces indéniables de la langue basque ; encore ne peut-on faire remonter à cette époque qu'une charte latine datée de 980, qui délimite le diocèse épiscopal de Bayonne et donne les noms plus ou moins altérés de quelques localités du pays basque. Il est avéré que les prétendus chants de guerre euscariens attribués à un âge plus ancien — à plusieurs centaines d'années, disait-on, avant le dixième siècle — ne sont rien moins qu'apocryphes. Du dixième au seizième siècle, rien encore que des noms de lieux épars dans diverses chartes, coutumes, lettres patentes, bulles pontificales. C'est Lucius Marinaeus Siculus qui parla le premier de l'escuara dans ses "Cosas memorables de España" (Alcala, 1530), et qui, le premier, en cita quelques mots.




Quant au plus ancien texte basque imprimé — le plus ancien du moins à notre connaissance — c'est le petit discours de Panurge dans le célèbre chapitre neuvième du deuxième livre de Rabelais. C'est en 1542 que ce morceau fut publié. Le premier livre imprimé est daté de 1545 ; ce sont les poésies moitié religieuses, moitié érotiques de Bernard Dechepare, curé de Saint-Michel-le-Vieux, en Basse-Navarre, fidèlement réimprimées ces temps derniers. Mais l'ouvrage le plus important pour l'étude du basque, c'est la version du Nouveau Testament par Jean de Liçarrague (de Briscous), ministre protestant à la Bastide-Clairence, imprimée à la Rochelle, en 1571, aux frais du Parlement de Navarre, par ordre de Jeanne d'Albret. Ce livre, pour des motifs faciles à deviner, est devenu  tellement rare que l'on n'en connaît en Europe que treize exemplaires. M. Vinson vient d'en faire réimprimer un extrait considérable, comprenant la dédicace et l'évangile de Marc tout entier (Bayonne, 1874). On peut dire sans doute que les changements subis par la langue depuis cette époque sont assez sensibles ; mais, certainement, ils ne sont point considérables.





On constate même aujourd'hui des différences plus importantes entre les divers dialectes ; les variétés de la langue basque sont, pour ainsi dire, innombrables, et chaque village a quelque particularité qui lui est propre. Ce fait n'a sans doute rien d'anormal ; mais, à côté du langage spontanément parlé du langage local, les langues ont d'habitude un dialecte général, en quelque sorte conventionnel, fruit de l'éducation, et qui souvent est très voisin de la langue écrite. En basque, rien de tel, et chaque écrivain se fabrique un langage à sa fantaisie. Certains auteurs ont compté jusqu'à huit dialectes, qui ne formeraient pas moins de vingt-cinq variétés principales ; c'est, en Espagne, le biscayen, le guipuzcoan, le haut-navarrais méridional et le haut-navarrais septentrional ; — en France, le labourdin, parlé dans l'ancien Labourd (partie sud-occidentale de l'arrondissement de Bayonne) ; le souletin, dans les deux cantons sud-est de l'arrondissement de Mauléon (ancienne Navarre) ; le bas-navarrais occidental et le bas-navarrais oriental, en usage dans la Navarre française, c'est-à-dire dans le reste de ces deux arrondissements.





Au surplus, ces huit dialectes se réduisent sans peine à trois grands groupes. Le premier de ceux-ci, formé du seul Biscayen, est particulièrement remarquable par l'originalité de son verbe ; le second se compose du Souletin et du Bas-Navarrais : aspirations fréquentes et variation des u en i ; le troisième, aux formes généralement plus pleines et moins altérées que les formes du second groupe, comprend les quatre autres dialectes : Guipuzcoan, Labourdin, Haut-Navarrais de l'est et de l'ouest. Nous n'entreprendrons pas d'indiquer ici les différences plus ou moins notables qui distinguent ces dialectes les uns des autres ; disons simplement que les quatre dialectes de France possèdent l'aspiration, dont sont totalement dépourvus les dialectes d'Espagne. Ajoutons, d'ailleurs, qu'en ce qui concerne l'intérêt spécial que peuvent offrir ces différents dialectes, le souletin, le labourdin, le guipuzcoan et le biscayen sont à peu près les seuls étudiés, parce que ce sont les seuls qui aient eu une certaine littérature. Les dialectes du centre, guipuzcoan et labourdin, paraissent être les moins altérés, tandis que les deux autres ont subi chacun de plus profondes modifications ; en tous cas, M. Vinson donne le pas au labourdin même sur le guipuzcoan.



culture littérature basque
JULIEN VINSON




On comprend aisément que c'est par l'étude simultanée et comparative des huit dialectes qu'il est possible de déterminer le caractère général de la langue basque, en reconstituant, autant que faire se peut, ses formes communes. La phonétique peut seule conduire à ce résultat ; jetons sur elle un rapide coup d'oeil.





Le basque compte cinq voyelles simples : a, e, i , o, u ; six diphtongues : ai, ei, oi, ui, au, eu ; les deux demi-voyelles y et w ; et  vingt-deux consonnes que l'on peut classer ainsi : k, g, kh— tch, ts— t, d, th— p, b, ph— n du grec "aggelos", n mouillé de "régner", "agneau", n dental, m— les sifflantes h, ch, z, s, — r dur (presque deux "rr"), r doux (très voisin de "l"), enfin l. Mais s'il fallait comprendre dans cette liste les sons particuliers aux différents dialectes, elle serait plus que doublée ; il faudrait y faire rentrer notre "u" français, propre au souletin, notre "j", la jota espagnole, et des "g", "t", "d" et "l" mouillés.





Les lois phonétiques du basque sont assez nombreuses, et il n'est pas sans intérêt de signaler ici quelques-unes des plus importantes d'entre elles. Deux voyelles se trouvent-elles en présence, la première est élidée si elle est placée à la fin d'un mot ; que la rencontre, au contraire, ait lieu dans le corps même d'un mot, à l'intérieur d'un mot, le hiatus est de règle, mais l'une des voyelles doit changer : e devient i, o devient u ; toutefois a persiste. Les variations que subissent les consonnes, lorsqu'elles se rencontrent, sont bien plus remarquables : une consonne dure, placée à la fin d'un mot, rencontre-t-elle au commencement du mot suivant une consonne douce, la dure disparaît et la douce devient dure ; c'est ainsi, par exemple, que hunat goiti, "ici en haut", se prononce hunakoiti. Autres lois : les explosives dures — par exemple k, t — tombent devant les nasales ; après une sifflante, les explosives doivent être dures ; après une nasale, elles doivent être douces. Une consonne ne peut être doublée, c'est-à-dire que deux g, par exemple, deux t et ainsi de suite, ne peuvent se suivre immédiatement ; — les explosives dures initiales deviennent douces spontanément ; — entre deux voyelles simples g, d, b, n et r doux sont absolument supprimés ; aux mots étrangers l'on préfixe une voyelle : c'est ainsi que "raison" devient arrazoin. Nous devons nous garder d'insister outre mesure sur des détails aussi particuliers, mais nous ne pouvons les passer tout à fait sous silence, et, si peu de place que nous leur donnions, cela suffit cependant à jeter quelque jour sur l'idiome qui nous occupe.





L'orthographe la plus généralement admise aujourd'hui dans le pays basque est assez nouvelle et n'est d'ailleurs qu'une réforme des vieux usages du pays. Le basque n'ayant point conservé — s'il en a jamais eu, ce qui n'est prouvé en aucune façon — de caractères graphiques particuliers, il avait fallu, pour l'écrire, adopter l'alphabet latin tel que l'employaient les Gallo-Romains ou Hispano-Romains de la région des Pyrénées. Deux orthographes, sensiblement différentes, se trouvèrent en présence, l'une française, l'autre espagnole. Chacune avait ce défaut capital de représenter souvent le même son, un seul et même son, par des lettres différentes ; on écrivait, par exemple, z, c, ç pour s, et c, qu, k pour k. L'orthographe réformée s'inspira du système espagnol plutôt que du système français ; toutefois z s'y prononce s.





Arrivons à la formation des mots et disons quelque chose, tout d'abord, de la déclinaison et de la conjugaison."



A suivre...





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