MAURICE RAVEL MUSICIEN BASQUE.
Joseph Maurice Ravel est un compositeur Basque né à Ciboure (Basses-Pyrénées) le 7 mars 1875 et mort à Paris le 28 décembre 1937.
Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de la mort de Maurice Ravel, en 2017, en 2019, et en
2020.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 18
juillet 1940, sous la plume de José Bruyr :
"Maurice Ravel le Basque.
Ne parle-t-on point, dans la réorganisation française aujourd'hui entreprise, de rendre une façon de personnalité civile à ces anciennes provinces qui firent la France ? Décentralisation : la chose et le mot redeviendrait à l’ordre du jour. Décentralisation administrative. Décentralisation spirituelle aussi.
Trop longtemps la province ne vécut que de Paris, de ses modes d’une saison ou de ses rengaines d'un soir. Il n’est que temps de recenser ceux qui, en dépit de l'atmosphère, étouffante parfois, des petites villes, y maintinrent la flamme du savoir, de la pensée ou de l’art.
Ceci sans nous faire oublier ceux qui surent, en étant de Paris, rester chez eux.
Maurice Ravel fut de ceux-là.
Et voici qui, somme toute, suffirait presqu’à montrer l’unité d’âme de la France.
La France musicienne de ce dernier demi-siècle (1880-1930) compta trois grands maîtres : Claude Debussy, Gabriel Fauré, Maurice Ravel. Chacun d'eux, à sa façon, dit incomparablement la France. Il la dit par ce goût, cette clarté, cet équilibre, cette mesure, cette façon d’accommoder le lyrisme et l'esprit qui ne sont qu'à nous. Il n’est étranger qui, sous le tissu de leurs harmonies, ne devine la lumière du ciel d’Ile de France. Soit ! Un seul, cependant, vit le jour sous ce ciel là : Claude Debussy qui naquit — d'ailleurs presque par hasard — à Saint-Germain-en-Laye. Les deux autres sont à vos Pyrénées : Gabriel Fauré était de Foix (Ariège) et Maurice Ravel de Ciboure (Pays Basque).
Son père était Suisse d'origine, et sa mère Espagnole. Mais lui-même fut Basque de la tête aux pieds, et du cœur au cerveau.
Poussé par les hasards de l’exode vers Biarritz et votre admirable pays, je n’ai même pas eu besoin, pour le retrouver, de revoir là-bas le quai qui porte son nom, la maison décorée d'une plaque avec sa ruelle d'ombre à l’arrière, son église un peu mystérieuse et son calvaire pathétique. Le Maître lui-même, j’ai cru le rencontrer dans mes plus quotidiennes promenades, vers Arbonne ou vers Guéthary.
Petit de taille, les traits sculptés en plein buis, l'œil en éveil sous la broussaille des sourcils, le nez en coupe vent, la bouche cousue, il était vif, fin, leste, agile : un écureuil, disait Colette. Un écureuil de quelque forêt d’Ascain ou d'Ainhoa.
Le génie, c'est toujours l’enfance retrouvée. La petite enfance de Ravel avait été bercée des chansons d’une nounou de Saint-Jean-de-Luz. Et il était resté enfant au point d’adorer les jouets. Je le revois encore, sortant le plus beau d’une des vitrines de son magique petit studio de Levallois, et s'agenouillant devant moi pour en remonter le mécanisme. C’était un petit pelotari qui, poussé d’une chiquenaude, lançait la balle vers un fronton imaginaire.
Et il me parut, ce jour-là, que c'était là comme son double minuscule : nul au monde, contre le fronton d’un papier à portées, ne sut plus infailliblement lancer les balles, blanches ou noires, des notes.
Au programme du récent concert par lequel la Radio française sortit du silence des jours de désastre, comme on eut raison d'inscrire le Tombeau de Couperin de Maurice Ravel !
D’abord, parce que c'est un chef-d’œuvre.
Ensuite, parce que chacune de ces pages est dédiée à un mort de la guerre, de l'autre guerre.
Enfin parce que — Ma Mère L'Oye excepté — rien ne nous fait mieux entendre le "Ravel d'Ile de France". Car, à côté de son refuge de Levallois, il avait, à Montfort-l’Amaury, à une heure de la Porte Maillot, une petite maison qui, par delà son jardin de cure, regardait un des plus doux horizons du monde, un des plus intelligents. Mais, ne serait-ce que par la pensée, il s’en échappait volontiers pour revenir vers ce quai de Ciboure où l’une des plus véridiques images que nous conservons de lui, le montre accoudé et songeant.
MAISON DE MAURICE RAVEL 78 MONTFORT L'AMAURY |
C'est, dit-on, en montant la Rhune qu’il eut l’idée de ce Boléro devenu populaire au point qu’il ne s'en disait parfois prisonnier. (Et si j'ai écrit ce petit article de souvenirs, c'est bien qu'un gars d’ici passa sous ma fenêtre en en sifflant le motif.) Mais il y a autre chose — et mieux — entre la Rapsodie Espagnole qui fut sa première œuvre et les Chansons à Don Quichotte qui furent sa dernière. Ecoutons même celles-ci au delà de leurs titres : l'Espagne, c'est chez vous, à son seuil qu’il la respira.
Il rêva longtemps d’une Rapsodie Basque. Il en rêva trop : il finit par ne pas l’écrire. Il l’écrivit quand même, d'un bout à l’autre de son œuvre.
Il ne manque pas de foyers allemands, même modestes, où le portrait de R. Wagner fait vis-à-vis à celui de Fr. Schubert. Abandonnons au conquérant germanisme l’orgueilleux auteur de la Tétralogie. Mais comme le tendre musicien de la Sérénade et de l'Inachevée est bien, là-bas, à chacun...
La France, si riche en musiciens de Couperin à Berlioz et de Berlioz à Ravel, n'en n'a point d'aussi immédiat, d’aussi spontané que Schubert. Les maîtres de chez nous demandent aux mélomanes, un effort d’intelligence. Il est, cet effort, si facile à faire ! Et de quelles joies n’est-il récompensé !
Faisons-le, refaisons-le pour Maurice Ravel.
MAURICE RAVEL |
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