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jeudi 7 décembre 2023

GUÉTHARY EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1893 (troisième partie)

  

GUÉTHARY EN 1893.


En 1893, la commune de Guéthary compte environ 600 habitants.



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SANDALIER AMIGORENA GUETHARY 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue Hebdomadaire, le 29 juillet 1893, sous la plume de 

Gustave Guiches :



"Guéthary.



Leur langue, l'euscara remonte à la plus ténébreuse antiquité. Plus personnelle que le bas breton, avec lequel on a fait des rapprochements inexacts, elle est surtout composée de sons limitatifs d'une saisissante intensité, tels que carrasca qui signifie un grincement de rage ; heiagora, une clameur de détresse ; ichkiritu, un cri perçant. Comme on peut le voir, leurs onomatopées s'identifient, avec une fidélité textuelle, aux sentiments dont elles sont l'expression.



Des cheveux noirs de riche épaisseur et de longueur vigoureuse, des yeux bruns, vifs et caressants, à l'ombre de leurs belles plantations de cils, ces traits singularisent les visages des femmes du pays. Les jeunes filles, passionnées de toilette, affinent leur taille dans d’impitoyables corsets. Sveltes, la poitrine grêle, les hanches atténuées, elles portent sans gène, avec une grâce pimpante, ce cilice du leur coquetterie. Elles se coiffent du foulard suprêmement rapetissé ; mais, pour se rendre aux offices, elles épinglent sur leurs cheveux une mantille foncée à plis tombants. Les femmes mariées s’enveloppent dans une longue cape noire à capuchon, que frange un lambrequin de dentelles cousues, rabaissées sur le front, lorsque le veuvage survient.



Au dehors, l'architecture des églises est d'une simplicité massive, uniforme dans son dénuement de recherches artistiques, dans son indépendance, des styles habituels. Au-dessus de l’édifice, s'élève la lourde tour carrée du clocher qui, devant la grande porte, se découpe en arceaux dominant un parvis dont le dallage tubulaire est gravé d’inscriptions. Le symbolisme de la nef disparaît au dedans. C’est une salle spacieuse, sans chapelles latérales, d’une nudité de vestibule sous la surface d’un plafond tapissé de papier clair à fleurs rouges ou bleues. Les femmes seules y sont admises. Les hommes se placent dans des tribunes qui s'étagent en balcons à balustres de bois verni par des siècles de pieux accoudements. Dans sa niche étoilée d’une lampe, la Madone est debout, vêtue d'une robe princesse en velours noir galonnée d'or. Des pierreries scintillent sur sa couronne, constellent ses sandales, et, du bout des doigts, elle serre un mouchoir de dentelle, avec une grâce surannée. Au fond, sur une plate-forme, couronnant une montée de vingt marches, l'autel, entre ses colonnes escaladées de flammes resplendit, paré de magnificences espagnoles et tel qu'un buisson ardent d’orfèvreries.



Ils ont pour leurs édifices religieux une tendre sollicitude, et s'imposeraient les plus dures privations afin de subvenir au luxueux entretien. L'église de la petite ville de Hasparren exigeant des réparations importantes, des listes de souscription circulèrent et donnèrent, comme résultat, le total de trois cent mille francs. Aussi, dans la campagne, les chapelles se multiplient.



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PLACE DE L'EGLISE ET RUE NEUVE HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Près de Bidart, un village voisin de Guéthary, il en est une qu'on appelle la Vierge miraculeuse. Au pied d’une colline boisée elle est assise devant une source d'eau vive qui s’épanche en limpides bouillonnements. Là, seule, elle perpétue le souvenir d’une légende qui est la rustique histoire de sa fondation. Un pauvre homme ayant baigné dans cet endroit son âne qu'une maladie incurable mettait depuis longtemps hors de service, l’animal sortit de la piscine, ingambe et soudainement guéri. En témoignage de sa reconnaissance à l’intervention divine qui s'était manifestée par cette cure bienheureuse, le propriétaire édifia une statue à la Vierge sur le lieu où il avait vu le miracle s’accomplir. A peine dressée, la statue s’enleva de son piédestal et d'elle-même se transporta dans un berceau d'aubépines qui fleurissait non loin. L’homme, se croyant joué par une hallucination, réintégra la Vierge sur son socle, mais aussitôt elle reprit son essor et, traversant d'un vol lumineux la distance qui la séparait de la haie, revint se poser au-dessus des odorantes blancheurs du buisson. Alors le rural courut conter au village la surnaturelle aventure dont il avait été témoin, et le fait s'étant renouvelé devant la population, on construisit une chapelle à la place où s'épanouissaient les aubépines, afin que fût exaucé le vœu céleste formulé dans cet événement.



Entre deux rangs de peupliers déviés de leur alignement par le vent de mer qui souffle aux échancrures des falaises, la route d'Espagne file, telle qu'une voie de montagnes russes, dans une oscillation capricieuse d’ascensions escarpées et de descentes à pic. Six kilomètres séparent Guéthary de Saint-Jean-de-Luz. C est la petite ville de province aux après-midi mornes, éblouis de soleil dans les quinconces des places publiques, au centre desquelles le kiosque à musique accueille des fanfares martiales dont les accents paraissent incapables d’émouvoir. Des hôtels de style majestueux, une enseigne de magasin : "Au mariage de Louis XIV" rappellent le luxe cérémonieux du grand siècle, à coté des simples façades basques et des enjolivements de quelques maisons Renaissance ajourées de nombreux croisillons.



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PLACE LOUIS XIV SAINT-JEAN-DE-LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il faut monter sur le coteau de Ciboure pour rencontrer quelques vestiges d’une vie locale, chaque joui défigurée par le cosmopolitisme qui s’ébat sur la plage et dans les salons du Casino. Les venelles grimpantes s’enchevêtrent, murées des culs-de-sac rayonnant en des perspectives de vieilles maisons fardées de chaux et rajeunies par les vives couleurs des contrevents. La terre de maigres vergers dégringolant les pentes abruptes s’éboule sur des ruelles fangeuses dans les ornières desquelles pataugent des meutes de gamins. Sous des tonnelles de platanes, des ouvriers, manoeuvrant sur leurs genoux les planches cirées de larges pupitres, aplatissent les semelles des alpargates, tandis que les cordiers, l’œil tendu sur les lacets qui s'étirent devant eux, maillent de longs fils au ronflement des reposoirs.



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BORDAGAIN CIBOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au milieu de cette population, paisiblement occupée à des travaux sédentaires, vivent les Cascarots, une tribu bohémienne fixée, depuis d'immémoriales époques, dans ce faubourg. Leur sang s’est mêlé à celui des indigènes, et les deux races ont fusionné. Pourtant, dans ce grouillement de sauvages mâtinés par leurs mariages avec la civilisation locale, on découvre des types conservés dans leur identité première, des pauvresses que relèvent de leur décrépitude leurs allures inspirées de pythonisses et des jeunes filles à peau de bronze, à cheveux crépus dont les teintes africaines s'attisent aux chaleurs des yeux noirs. Les hommes, rasés et tondus selon l'usage basque adopté par eux, n’ont plus avec les vagabonds leurs ancêtres que de lointaines et peu visibles affinités.



Au sortir de Saint-Jean-de-Luz, un attelage de six mules d'Espagne pomponnées de rouge, excité par les anda ! et les claquements de fouet des toreros en fulgurant costume, débouche dans la poussière, aux fracassantes sonneries de leurs grelots d'argent.



C'est la fête d’Urrugne. La route a l'animation colorée des chemins qui mènent les foules champêtres vers les réjouissances patronales. Des jardinières, secouées sur le tremplin de leurs ressorts, emportent des couples endimanchés. Des ânes attifés de harnais vernis traînent de minuscules voitures d’osier conduites par des enfants. Le marchand d’oublis, sa boite verte sur l’épaule, marche à l’écart et charme son isolement par des roulades de castagnettes exécutées sur son claquoir. D'un pas égal dans sa souplesse élastique sur les cendres blanches de la chaussée, des Basques passent, chantant des couplets d'enthousiasme. Les jeunes filles vont par groupes et ne répondent qu'avec des rires retenus ou des haussements d'épaules dédaigneux aux plaisanteries des garçons. Réservées dans leur grâce, elles retranchent derrière l'éventail la coquetterie de leurs regards. Ces éventails s’agitent à mesure que s'animent leurs caquetages. Tantôt au-dessus des mantilles noires ou des foulards d'azur, ils voltigent en feuilles écarlates. Tantôt ils sont gentiment brandis comme des tambourins pour des danses bohémiennes et tantôt froissés au creux de la main, puis déployés d’un geste nerveux, ils font s’épanouir les sérénades lunaires sous les balcons où la señora tarde à s'accouder.



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FÊTES D'URRUGNE 1851
PAYS BASQUE D'ANTAN


Un castel, le château d’Urtubie, pointe ses tourelles au-dessus des platanes, des ormes et des marronniers aux cimes arrondies. Les premières maisons d'Urrugne apparaissent encombrées d’invités qui s'agitent en un tumulte de festival. Une foule pacifique se promène, va et vient sans but, tournoie lentement au désarroi des ruraux dépaysés dans ces loisirs, ou bien stationne à la porte des cafés, entourant des tables peuplées de bouteilles qui sont chargées de limonade gazeuse et dont les détonations fréquentes s'accentuent d'une mitraille de bouchons. Précédée par les extravagantes gambades d'un nain hydrocéphale et bancal, une fanfare s'avance, se dirige vers la place publique et s’installe sur une estrade décorée de vertes guirlandes et dressée devant les portes de la mairie. Aux premières mesures du fandango, la population entière sourit d'aise. Les jambes se dégourdissent. Les pieds marquent le rythme de valse, et bientôt les couples tourbillonnent, se séparent, se reprennent, les cavaliers mâchant des brins de basilic et paradant en de victorieuses évolutions au regard des jeunes filles dont les bottines de haute cambrure s’entremêlent aux alpargates de leurs danseurs.



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CHÂTEAU D'URTUBIE URRUGNE - URUÑA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Près de l’église, se joue entre Basques français et Basques espagnols une importante partie de "trinquet". Les paris s'élèvent à deux mille francs, et la gravité d'un tel enjeu non moins que l'émulation chauvine surexcite le zèle des combattants. Dans un hangar rectangulaire, les spectateurs sont encaqués sur les gradins d’une étroite tribune et regardent les partners s’agiter au-dessous en la profondeur du sous-sol. La paume, qu’ils appellent la pelote, doit, chaque fois qu’elle est lancée, franchir une corde tendue à la hauteur de quatre pieds, au milieu d’un carré dont les angles déroutent sa direction. C’est le carambolage au mur, moins aisé que sur l'entablement d’un billard, car il est moins obéissant à la main et se heurte inopinément aux obstacles de la ligne brisée. Les spectateurs suivent de leur place les alternatives de la lutte. L'émotion fermente. Aux rires du début, succèdent des silences orageux. Puis, tout à coup, on échange des défis. Des bravos, des applaudissements, des trépignements acclament les coups des maîtres jouteurs, et les partis adverses fouaillent de vociférations fanatiques l’ardeur ralentie de leurs champions."



A suivre...






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