GUÉTHARY EN 1893.
En 1893, la commune de Guéthary compte environ 600 habitants.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue Hebdomadaire, le 29 juillet 1893, sous la plume de
Gustave Guiches :
"Guéthary.
Les villages du pays basque éparpillent leurs habitations à travers champs. Elles se casent comme elles peuvent, à la volonté des maîtres et des terrains, perchées au sommet des coteaux, blotties dans le lit des vallées, distrayant la plaine, toutes séparées les unes des autres par des pelouses de luzerne ou des plantations de maïs.
Sur les crêtes des falaises, des villas à contrevents d’un vert d’image d'Epinal signalent Guéthary. D’autres se groupent près de la gare, sur la hauteur, ralliées autour des principaux hôtels dont les feutres s'ouvrent aux spectacles du la mer. Aucune de ces maisons qui se partagent la clientèle des étrangers venus dès les beaux jours ne diffère du simple style de ses sœurs du pays.
L’accueil du paysage est souriant. Il s'offre tel qu'il est, dans la belle rusticité de ses terres, et les réclames des Casinos ne démentent pas les promesses de cette vie champêtre que recherchent, souvent avec si peu de succès, les émigrés du boulevard. Devant l'établissement des bains, la plage s’étend, limitée par des rochers plantés de croix en souvenir de naufrages dont les récits déjà légendaires et d’une banalité lugubre sont pieusement perpétués. Ce n’est pas la plage inexplorée, solitaire, comme il en est dans les retraits des côtes de Bretagne, mais la plage primitive encore dont les troupeaux de vaches descendues des collines viennent lécher les galets imbibés de sel, la plage nue dont la rudesse s'adoucit pourtant sous les litières d'algues que déroule, jusqu’au pied des murs, le déferlement des marées.
ETABLISSEMENT DE BAINS GUETHARY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les mêmes scènes s’y représentent aux mêmes heures, chaque jour. Des Espagnoles, vêtues de la blouse noire d’uniforme et coiffées du bonnet imperméable, descendent d’un galop l’escalier de bois, se signent dévotement avec l’eau de la première vague qui bat leurs jambes, puis s’élancent et franchissent le flot. Moins alertes, des dames s’étendent sous les douches qui s’abattent en lourdes trombes, les roulent et les déposent sur le sable du rivage, à sec dans le soleil. Des plongeurs piquent au cœur la lame et pilent à longues brassées. De nouveaux baigneurs surviennent. Les uns, efflanqués, dissimulent leurs formes chétives dans l’ampleur des peignoirs. Les autres, plus corpulents, s’exposent avec une radieuse confiance à l’admiration des regards. Sur la terrasse qui longe la clôture trouée par les abat-jour des cabines, s'installent de calmes réunions. Les éventails vont et viennent avec des battements alanguis. La pointe des ombrelles et des cannes trace de distraits dessins sur le gravier scintillant. Des exclamations admiratives s’échangent à l’honneur du soleil qui sombre dans les magnificences de son incendie, là-bas, vers les côtes d’Espagne. A ce moment, d’ardentes nappes embrasent la mer. Les têtes des baigneurs émergent des flots en bouées lumineuses. Les chevelures s’enflamment dans le jaillissement des écumes. Au-dessus des lames, apparaissent de fulgurantes barbes de dieux marins. Une tonsure épanouit son auréole miraculeuse sur le crâne d'un prêtre. Des chapeaux de femmes surnagent comme des cloches d’or, et tous les êtres, subitement transfigurés, participent à cette resplendissante apothéose du soir.
SUR LA PLAGE. DANS LES ROCHES A GUETHARY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais cette gloire est de courte durée. La brise fraîchissant ramène les baigneurs impatiemment attendus. Un flâneur s’attarde à lancer des pierres plates qui font des ricochets et s'amuse aux gambades d'un terre-neuve aboyant et bondissant à la poursuite des cailloux. Les familles rentrent par caravanes, grimpantes, égrenées sur le rude escarpement des chemins. Près de la croix de pierre qui fait face à la mer, au sommet de la falaise, des groupes stationnent encore et ne se séparent qu’à l'heure des premières étoiles, lorsque, dans les brouillards de l'horizon, s’allument les phares de Biarritz et de Saint-Sébastien.
De chaque côté de la route qui divise les "quartiers" épars de Guéthary, s'échelonnent des villas. Sur les seuils spacieux, sous une rangée de platanes, trône le banc patriarcal, et des écriteaux exhibant des orthographes novices affichent les inscriptions : "Maison meublé à louer", "appartement garnie". De préférence aux pensions de famille, la plupart situées au-dessus de rez-de-chaussée qu’encombrent les industries des propriétaires, exposées au vacarme nocturne des boulangeries ou bien aux relents de morue que souillent les boutiques des épiciers, — de préférence aux hôtels, dont les tables d’hôtes imposent de gênantes promiscuités, les étrangers, chercheurs d'un home habitable et peu bruyant, fréquentent les villas. Mais c'est particulièrement dans l'une d’elles, la villa H***, que la tradition basque est conservée avec un soin religieux.
VILLA HARISPE ENEA GUETHARY PAYS BASQUE D'ANTAN |
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