GUETARIA EN GUIPUSCOA EN 1933.
La commune de Guetaria, en Guipuscoa, compte environ 2 000 habitants.
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BLASON DE GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Liberté, le 14 septembre 1933, sous la plume de
Christian Leray :
"Du haut du clocher de Guétaria.
La côte nord de l'Espagne, tourmentée au possible, est une de celles qui réservent le plus de surprises tant quelques-uns des petits ports qui s'y sont incrustés ont gardé un caractère original.
Il en est un, particulièrement curieux, Guétaria. Quatre kilomètres à peine le séparent de Zarauz, la plage aimée des Madrilènes. Mais quatre kilomètres qui vous laissent, tant l'on est secoué dans le mauvais autocar du service local, un souvenir aussi mouvementé que celui d'un long voyage.
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CORNICHE ENTRE ZARAUTZ ET GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il faut tout d'abord, à peine est-on installé sur la banquette dure, repousser l'assaut des mouches. Elles ne consentent à abandonner la partie que lorsque le vent a fini de les chasser.
D'ailleurs, la vitesse elle-même vous empêche de vous préoccuper de ce qui peut se passer au dehors. Avec un beau mépris du danger, que ne partagent pas tous les passagers, le conducteur fonce tant qu'il peut. Or, la route en corniche est tellement sinueuse que la voiture, à peine redressée à la sortie d'un virage, en aborde déjà un autre. A droite, on rase un mur de pierres sèches qui domine, d'une hauteur de trente mètres, les vagues bondissantes. A gauche, la montagne, toute droite.
Sur la place.
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PLACE ELCANO GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aussi n'est-ce pas sans un véritable soulagement que l'on débarque sur la place inondée de soleil.
C'était ma première visite à la petit bourgade. Midi resplendissait. Malgré la chaleur, des enfants jouaient au fronton en poussant des cris gutturaux, accompagnés sur le mode mineur, par les conversations animées des laveuses battant leur linge au lavoir proche. Sous le porche de la gendarmerie, bien à l'ombre, un carabinier rêvassait, le fusil entre les genoux, la tête abandonnée contre le mur. De la montagne, un char aux roues pleines descendait en gémissant par un sentier raviné. Les boeufs s'arc-boutaient, retenus par un paysan en chemise bleue. L'aiguillon haut, appuyé sur le joug, freinant ses bêtes de tout son poids, il avait une attitude infiniment noble et classique. A la terrasse du minuscule café, faisant face à la gendarmerie, des buveurs d'anisette discutaient. Une symphonie villageoise faite de gestes, de couleurs et de sons...
Calle Major.
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CALLE MAYOR GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Déjà la rue principale - "Calle Major" - où je m'engage, a un aspect différent. Les maisons, comme c'est la mode en Espagne, même dans les bourgades, ont plusieurs étages. Une bande de soleil s'est glissée entre leurs deux rangées, morcelée par les ombres changeantes des innombrables pièces de linge qui sèchent aux fenêtres. La rue est silencieuse, ce qui est bien étrange. A peine perçoit-on le bruit d'un rabot au fond d'une échoppe obscure. Un chien s'enfuit, courant de biais : on dirait qu'il cherche à éviter un éventuel coup de pied.
C'est en atteignant le port que je devine la raison de ce calme : les hommes sont en mer. Autour des barques noires, des gosses à demi-nus nagent, plongent, font les marsouins. Un vieux assis dans une pinasse désaffectée, semble perdu dans un rêve merveilleux : rêve de croisières sur une mer dorée, frangeant des horizons neufs.
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PORT DE GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Vue d'en haut.
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EGLISE SAN SALVADOR GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Par hasard, à la sortie d'un tunnel sous les ruines, je découvre l'entrée de l'église. Des marches usées, une porte grinçante, une bouffée d'air frais. Mes yeux s'accommodent mal de l'obscurité. A ma grande surprise j'aperçois d'abord un chien assis sur une chaise tandis qu'à côté de lui, sa maîtresse se prosterne pour invoquer Dieu. Devant les chaises, disposées au petit bonheur, se trouve une sorte de boite triangulaire contenant, enroulé sur lui-même, une sorte d'énorme "rat-de-cave" que chaque fidèle doit allumer aux offices. De la voûte descend une corde soutenant une frégate de bois, don de marin, sans doute. Mais les peintures sur l'autel, bien que leur ancienneté soit indiscutable, ne présentent pas beaucoup d'intérêt.
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INTERIEUR EGLISE GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je me décide à tenter une excursion dans le clocher. A force de persuasion, j'obtiens de la bonne femme chargée de l'entretien de l'église l'autorisation nécessaire. Me voici bientôt, entre ciel et terre, - entre cloches et terre, plutôt - engagé dans un escalier sans rampe, dont les marches de bois geignent lamentablement. A mi-chemin je croise les énormes poids de la pendule. Il serait curieux de savoir en combien de temps ils descendent de là-haut ? Enfin les cloches. Je ne regrette rien car la vue est splendide. A ma droite et à ma gauche les découpures extravagantes combinées par la mer et par la montagne : au-dessous Guétaria. La grande rue est toute petite tandis que le roc et l'eau emblent occuper toute la place.
Guétaria, une presqu'île reliée à une île par une légère jetée de pierres. Sur l'île qui ressemble à la calotte d'un sombrero mexicain se dresse le doigt blanc du phare : 350 mètres au-dessus de l'eau ! L'île est tellement abrupte que le sentier qui monte au phare a l'air d'une bande de papier autour d'un mirliton.
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ROUTE DE ZUMAYA GUETARIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Au premier plan, le toit de l'église, fait de tuiles rondes, à la romaine. Après avoir goûté la lumière idéale sur l'océan, les fantaisies de la côte et le touchant groupement des maisons, je reprends contact, à regret, avec le sol. J'aperçois le porche de l'église tellement drôle avec ses colonnes torses que je demande au curé qui passe.
- Quel siècle ?
- Quatorzième...
Et il soulève son chapeau rond à bords de feutre poilu. En passant, il salue deux amoureux qui lui répondent et reprennent aussitôt l'éternel dialogue...
Toute l'Espagne."
(Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France)
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