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samedi 14 octobre 2023

L'EXPLORATION SOUTERRAINE DES BASSES-PYRÉNÉES AU DÉBUT DU VINGTIÈME SIÈCLE (première partie)

L'EXPLORATION SOUTERRAINE DES BASSES-PYRÉNÉES AU DÉBUT DU 20ÈME SIÈCLE.


Depuis des milliers d'années, les Basses-Pyrénées et en particulier la province de la Soule, au Pays Basque, possède des canyons, des gouffres et des abîmes.



pays basque autrefois soule exploration gouffres
CAÑON DE KAKOUETA SOULE
ENTREE DU GRAND ETROIT




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Dépêche Coloniale, le 29 août 1910, sous la plume 

de Frédéric Lemoine :



"Europe.

Les Pyrénées. — Leur exploration souterraine en 1907-1908-1909



—- Pour compléter ses études souterraines, progressivement étendues des Causses (depuis 1883) aux principales régions calcaires de France, d’Europe et même du Caucase (1903), M. Martel avait le vif désir d’interroger, au moins dans ses grandes lignes, le sous-sol des Pyrénées. Plusieurs excursions préliminaires (1896, 1900, 1902) lui avaient prouvé que malgré les recherches déjà faites antérieurement (surtout au point de vue préhistorique, paléontologique, zoologique) les cavernes bien connues de Sare et Bétharram (Basses-Pyrénées), Gargas, (Hautes-Pyrénées), le Mas-d’Azil, Marnaud, Bédeillac, Niaux, Lombrive, Lherm, Fonlestorbes (Ariège), etc., non seulement n’étaient pas les seules des Pyrénées françaises, mais encore n’avaient nullement livré les secrets de leur formation et de leur rôle hydrologique ; en outre, des renseignements spéciaux lui auraient appris que les abîmes et gouffres devaient être non moins nombreux que dans les Causses, les Alpes, le Jura, et que l’on n'en connaissait absolument rien ; enfin, ses premiers essais personnels avaient établi que les recherches souterraines aux Pyrénées seraient particulièrement coûteuses et pénibles, à cause de l’absence d’aides expérimentés dans la région et à cause le la cherté des transports et subsistances, particulièrement autour des stations thermales et touristiques.



La création au ministère de l’agriculture, par l'initiative éclairée de M. Dabal, directeur de l’hydraulique et des améliorations agricoles, d’un comité d'études scientifiques devait résoudre la difficulté. Déjà en 1905 et 1906 M. Martel avait été chargé, par cette voie, d’examiner le problème d’utilisation de Fontaine-l’Evêque, ce qui nous avait valu la découverte du merveilleux grand "canon" du Verdon. A la suite d’une enquête préparatoire en 1907, qui fit voir combien d’intéressantes questions étaient posées par le sous-sol pyrénéen — à ne parler que du territoire français, car en Espagne, il y a certainement encore plus à faire — M. Martel put dresser un programme d’exploration, pour lequel M. Ruau, ministre de l’agriculture, d’après l’avis favorable du comité d’études scientifiques, voulut bien lui allouer d’importantes subventions nécessaires à deux campagnes successives en 1908 et 1909.



homme politique ministre agriculture
JOSEPH RUAU
MINISTRE DE L'AGRICULTURE ENTRE 1905 ET 1910



C’est le résumé de ces trois étés d’investigations — ayant ensemble duré quatre mois — que M. Martel fait connaître à la société ou plutôt les principales des acquisitions et constatations nouvelles, qui apprendront aux ingénieurs et aux municipalités comment il faut, au point de vue des applications pratiques, utiliser non seulement les eaux souterraines, mais encore les torrents des Pyrénées ; au passage — et ce n’est pas ce qui intéresse le moins les géographes — cette mission officielle a révélé, pour les touristes, des sites qui se classent en premier rang des merveilles pittoresques de la France.



Le conférencier n’a eu garde d’omettre les remerciements légitimes dus à M. Ruau et à M. Dabat qui ont si parfaitement compris l'utilité des travaux de ce genre. Et en s’excusant de ne pas donner une énumération géographique, forcément trop didactique de toutes les localités explorées, il a tenu du moins à fournir la liste des collaborateurs énergiques et dévoués qui, au cours de ses trois campagnes, lui ont prêté leur savant et utile concours : MM. E. Fournier, Le Couppey de la Forest, le docteur Maréchal, Lucien Rudaux, Bourgeade, Veisse, Dufau, Maugard, les docteurs Reymond, Jammes, Jeannel et Dunac etc., etc. Grâce à leur aide dévouée et désintéressée, il a pu être examiné environ deux cents points et localités et relevé cent cinquante plans et coupes joints aux rapports détaillés avec les plus caractéristiques des quinze cents clichés photographiques rapportés. M. Rudaux a exécuté, là où la photographie était impraticable, un grand nombre d'aquarelles dont quelques-unes ont été envoyées à l'Exposition de Bruxelles par les soins de la direction de l'hydraulique agricole. Une vingtaine, sous forme de clichés coloriés à la main, ont figuré parmi les belles projections illustrant la conférence. 


pays basque autrefois spéléologue
SPELEOLOGUE EUGENE FOURNIER


Les deux départements des Basses-Pyrénées et de l’Ariège ont été particulièrement féconds en résultats.



L’exploration du haut pays de Soule ou Bassa-Caria (Tête-Sauvage) des sources du Saison ou gave de Mauléon, en amont de Tardets-Sorholus, a été faite avec assez de détails et on y a trouvé que les "canons" du pays basque sont d'incomparables merveilles.



Entre 1 000 et 1 760 mètres d'altitude, on a reconnu plus de 40 abîmes dépassant souvent 100 mètres de profondeur ; beaucoup étaient bouchés par la neige : une douzaine ont été descendus. Les pertes de ruisseaux sont nombreuses et un magnifique "lapiaz" au pied du pic d’Amé (2 504 mètres) était tout à fait ignoré et non moins remarquable que ceux du Pannelou et du désert de Plate en Savoie et de l'oucone de Chabrières (Hautes-Alpes), révélé en 1904 par M. Martel même.  



Les méfaits du déboisement et du pacage. 

— On a surtout pris sur le fait les ravages désastreux que les moutons espagnols exercent sur le peu de forêts qui subsistent en ces parages.



Dans le désastreux dessèchement du sol le rôle du berger est en effet prépondérant.



Et la responsabilité de ceux qui continuent à lui abandonner nos hauts plateaux au lieu d'y reconstituer nos forêts et écrasante devant l'avenir.



Sur une zone de plus de cent kilomètres carrés, d'innombrables absorptions engloutissent à peu près toutes les précipitations atmosphériques : la fissuration du sol, le déboisement et le pacage ont livré tout ce territoire  et ses environs bien au loin, en Espagne surtout — aux ravages de leur conjuration.



On ne sait même pas toujours où reparaissent ces pluies perdues ni la fonte lente des inutiles emmagasinements de neige empilés dans les gouttières engorgées des abîmes.



Entre les mailles du tamis de pierres où s'évanouit sans retour tant de richesse hydrique latente, le mouton achève d'arracher le dernier brin d'herbe, le dernier terreau végétal, décoiffant toujours de nouvelles crevasses sur cette surface grêlée de trous comme les cratères de la lune.



Si l'on enregistre avec indifférence la diminution de plus de la moitié qui a frappé les forêts de France au début du dix-neuvième siècle ; si l'on ne se rend pas compte que les conséquences du déboisement se propagent en réelle progression géométrique ; si l'on n'admet pas qu'une réfection de 100 000 francs hier vaut 1 million aujourd'hui et en coûtera 10 demain, il est assuré qu’il suffira d'un siècle encore pour que le bassin de la Garonne — comme la majeure partie de la France — n’ait plus ni forêts, ni sources, ni terre végétale, ni rivières navigables, ni culture dans ses champs taris ni commerce dans ses ports ensablés."



A suivre...




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