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mardi 10 octobre 2023

SOUVENIR DU PAYS BASQUE EN JUILLET 1857 (deuxième et dernière partie)

SOUVENIR DU PAYS BASQUE EN 1857.


Depuis le milieu du 19ème siècle et l'arrivée du chemin de fer les voyages se développent au Pays Basque.



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FONTARRABIE GUIPUSCOA 1852
ALBUM DES DEUX FRONTIERES PAR BLANCHE HENNEBUTTE



Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire La Feuille de Provins, le 18 juillet 1857, sous la 

plume d'E. Bourquelot :



"Souvenir des Pyrénées.


Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Fontarabie


Monsieur le Rédacteur, 



Tandis que nous nous livrions à d’inutiles lamentations, en suivant d’un regard mélancolique le pas régulier des sentinelles placées aux extrémités du pont de quelques mètres qui sépare les deux frontières, un brave biscaïen, envoyé sans doute par la providence touchée de notre embarras, vint s’offrir de nous conduire à Andaye, ville située sur l’une des rives de la Bidassoa, fleuve qui sert de limites entre la France et l’Espagne ; là, un batelier devait nous faire passer l’eau en contrebande, et nous débarquer sur l’autre rive, c’est-à-dire à Fontarabie, dans le gouvernement du Guipuzcoa. 



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PASSEUR A HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La proposition fut acceptée avec enthousiasme, et après une heure de marche, sans route frayée, à travers de vastes champs de maïs, base ordinaire de l’alimentation du pauvre de ces contrées, nous arrivions à Andaye, autrefois si renommée par son commerce d’eaux-de-vie. Aujourd’hui cette ville n’est plus qu'un monceau de décombres qui présente l’aspect le plus désolé. Andaye, détruite presque totalement en 1792, est demeurée dans l'état où l’ont réduite les boulets et la mitraille des Espagnols ; chaque jour voit s’écrouler un nouveau pan de muraille que le temps avait, jusque là épargné, sans que personne songe à le relever. Quelques rares habitants se glissent silencieusement comme des ombres, au milieu de cette triste solitude. 



Notre guide nous quitta après nous avoir adressé à un batelier qui, en se mettant à notre disposition pour nous mener à Fontarabie, assura que nous ne devions aucunement nous préoccuper de la surveillance des autorités. 


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LE PASSEUR DE FONTARRABIE GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN

A quelques pas d’Andaye, la Bidassoa se jette dans la mer. Au moment d’effectuer notre traversée, la marée était basse ; il fallait, pour trouver une quantité d’eau navigable, parcourir une distance assez considérable, mais cet obstacle ne devait pas arrêter notre robuste rameur, qui d’une main vigoureuse nous enleva sur ses épaules, et vint ainsi nous déposer dans sa nacelle. Par ce moyen, nous évitâmes le désagrément de prendre un bain de pieds dont nous n’éprouvions nullement le besoin. En débarquant sur la rive espagnole, nous ne vîmes pas sans une certaine appréhension, justifiée suffisamment par notre précédente déconvenue, venir à notre rencontre quelques soldats indigènes, mais ces excellents militaires se contentèrent de nous observer, sans nous inquiéter autrement. 



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FONTARRABIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Du bourg d’Andaye, l’aspect mauresque de Fontarabie nous avait vivement frappés ; l’église qui domine la ville, aux toits rouge, située sur une éminence et entourée de remparts démantelés par les Français en représailles du siège d’Andaye, est surmontée d’une foule de clochetons bizarres ; l’ardeur d’un soleil calcinant a donné aux pierres de son chevet, qui regarde le midi, les tons chauds de la brique. Rien n’est plus pittoresque que feutrée de la ville, une des plus anciennes de l’Espagne. Une rue principale la traverse dans toute sa longueur ; les maisons avec leurs toits saillants, leurs élégants balcons surplombant ; les femmes à la désinvolture légère, vêtues de leur mantille ; les prêtres coiffés d’un grand chapeau à bords roulés, mêlés familièrement à des groupes d’Espagnols en béret rouge, tout cela avait un cachet d’originalité des plus saisissants. Il ne manquait pour compléter cette scène, fortement empreinte de couleur locale, que les accords poétiques de la mandoline, accompagnant quelque romance amoureuse. Nous remarquons que les façades de plusieurs maisons portent des écussons armoriés, en pierre sculptée ; la plupart sont mutilés par les obus et les boulets, qui ont laissé partout leur trace destructive. C’est dans la partie la plus élevée de la ville que se trouve l’église ; la décoration intérieure est à peu près la même que celle de S.-Jean-de-Luz : galeries de tribunes, madones revêtues d’étoffes précieuses, chapelles surchargées de dorures tranchant sur l’obscurité du fond, peintures en partie disparues sous une noire couche de poussière. Mais quel pinceau pourrait rendre le magnifique spectacle qu’on embrasse des fenêtres de la sacristie ! Au dessous de nous, la Bidassoa serpente encaissée par les onduleuses montagnes de la basse Navarre, et forme dans son cours sinueux plusieurs ilots. Parmi eux, nous cherchons à distinguer la fameuse Ile des Faisans, ou de la Conférence, dans laquelle eut lieu l’entrevue de 1659, entre les souverains d’Espagne et de France. On sait qu’à la suite de cette entrevue fut rédigé le traité des Pyrénées. Les savants ne sont pas encore d’accord sur la place qu’a dû occuper l’Ile de la Conférence, emportée par les flots, cependant Théophile Gauthier croit l’avoir retrouvée et prétend "qu’elle n’est pas plus grande qu’une sole frite, de moyenne grandeur". 



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ÎLE DES FAISANS BEHOBIE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Devant nous, le golfe de Gascogne, hérissé d’échancrures et de promontoires, se développe sur une immense étendue ; nous pouvons parcourir du regard tous les pays qui sont compris entre l’embouchure de l’Adour et S.-Sébastien, c’est ainsi que Biarritz nous apparaît, à demi caché derrière un bloc de rochers. 



Quand on a quitté la rue principale, on se trouve au milieu de ruelles infectes dont les maisons, généralement inhabitées, ont des planchers effondrés, des fenêtres dépourvues de carreaux ; l’intérieur sale et misérable contient une population en rapport avec le quartier. Pourtant çà et là, comme des fleurs écloses parmi les ronces, quelques jeunes tilles au teint bruni, à la chevelure d’ébène, aux yeux de velours, dirigent de notre côté des regards qui nous font involontairement songer aux séduisantes houris que Mahomet a placées dans son paradis. L’attention dont nous étions l’objet aurait pu flatter notre amour-propre, si nous avions pu l’attribuer à un autre sentiment qu’à celui d’une curiosité naturelle dans un pays où les étrangers se montrent rarement. Fontarabie est effectivement éloignée de toute grande route communiquant avec quelque ville importante, et c’est à son isolement qu’elle doit d’avoir conservé une originalité qui tend chaque jour à s’effacer sous le niveau de la civilisation. Il nous semblait que les Espagnols qui passaient à côté de nous avaient, en nous regardant, un air sombre et malveillant que nous traduisions ainsi : Vous êtes les descendants de ces Français maudits qui ont causé la ruine de notre pays. Il nous était facile de leur répondre, en montrant Andaye ; mais on comprend que, pour une foule de raisons, nous n’avions envie de lier conversation avec ces farouches patriotes, et nous nous hâtâmes de regagner notre embarcation, nous félicitant d'avoir pénétré en Espagne où, à vrai dire, nous n’étions restés qu’une heure, mais cette heure comptera toujours au nombre des plus intéressantes et des plus agréables que puissent nous fournir nos souvenirs de voyage."



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