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mardi 26 décembre 2023

GEORGES HÉRELLE HISTORIEN DU PAYS BASQUE EN 1933 (première partie)

GEORGES HÉRELLE HISTORIEN DU PAYS BASQUE EN 1933.


Georges Hérelle, né le 27 août 1848 à Pougy-sur-Aube (Aube) et mort le 15 décembre 1935 à Bayonne (Basses-Pyrénées), est un traducteur, ethnographe et professeur de philosophie.




homme bayonne professeur philosophe traducteur deledda d'annunzio ibañez
GEORGES HERELLE, vers 1905.
Photographie de Labat. Médiathèque Grand-Troyes - Ms3494


Georges Hérelle va faire de nombreuses recherches sur le Théâtre Basque, et les pastorales en 

particulier.




Voici ce que rapporta à son sujet le Bulletin du Musée basque N° 5 de 1933, sous la plume de H 

Cavaillès :



"Picard par son père, Champenois par sa mère, Georges Hérelle est né à Pougy-sur-Aube, le 27 Août 1848. Ayant fait au lycée de Troyes, où son père était professeur, d'excellentes études qu'il termina, à Paris, au collège Sainte-Barbe et au lycée Louis-le-Grand, il fut trois fois lauréat du Concours général. Reçu à la licence ès lettres, il fut nommé, en 1871, au collège de Dieppe, professeur de philosophie, fonctions qu'il exerça successivement au collège de Vitry-le-François, puis aux lycées d'Evreux et de Cherbourg. En 1896, il fut envoyé, sur sa demande, à Bayonne, où il occupa la chaire de philosophie jusqu'en 1903. Pourvu cette année-là, et pour raison de santé, d'un congé d'inactivité, il obtint par anticipation sa mise à la retraite deux ans plus tard, mais continua de vivre à Bayonne.



Comment ce Champenois déraciné est-il devenu Bayonnais ? Il se plaît à le rappeler. Il avait beaucoup voyagé : en Suisse, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Belgique, au cours de sa jeunesse et dans les premières années de sa carrière universitaire. Puis, après une interruption d'une quinzaine d'années, il avait visité l'Italie, la Grèce et l'Afrique du Nord. Attiré par les Pays du Midi, par l'Espagne qu'il ne connaissait pas encore et où il fit, par la suite, plusieurs voyages, il eut un jour l'idée de demander le lycée de Bayonne. C'est dans notre ville qu'il allait poursuivre, à côté de ses travaux professionnels, sa triple carrière d'historien, de traducteur d'oeuvres étrangères et de basquisant.



I. Georges Hérelle historien.



Les recherches historiques occupèrent les premières années de sa laborieuse carrière. En 1877, étant professeur au collège de Vitry-le-François, il fit la connaissance d'Henri Bouchot qui sortait alors de l'Ecole des chartes et qui avait été envoyé à Vitry pour y classer les archives de l'ancien bailliage. Henri Bouchot, qui devait être un jour conservateur du Cabinet des estampes à la Bibliothèque nationale et membre de l'Institut, se contentait alors d'être un Franc-comtois d'humeur fort joyeuse et, en même temps, "un terrible travailleur", au témoignage de son ami. "C'est en sa compagnie, disait-il, que j'ai pris le goût de la paperasse".



Il y avait alors, à la bibliothèque municipale de Vitry, entassés dans un recoin, sous un escalier, une soixantaine de beaux manuscrits sur vélin et parchemin, provenant de l'ancienne abbaye de Trois-Fontaines et de quelques autres maisons religieuses. Jamais personne ne s'en était occupé. Georges Hérelle entreprit d'en faire le Catalogue, qui fut publié, en 1877, en un volume in-8° de 80 pages. L'ouvrage reçut, du monde érudit, l'accueil le plus favorable.



Ce fut le début d'une féconde production. Successivement parurent une série de belles productions consacrées à l'histoire de la Champagne. Les plus importantes intéressaient la Réforme. Hérelle avait recueilli pendant plusieurs années, à Châlons, Sainte-Menehould, Verdun et surtout à Vitry, une masse masse considérable de documents relatifs au protestantisme et à la Ligue. Ces documents, entièrement inédits, lui fournirent la matière de cinq gros volumes publiés de 1887 à 1908. C'étaient, pour la plupart, des recueils de textes. Mais il sut, par le choix judicieux des pièces, leur groupement, les introductions et les  notes qui les accompagnaient, leur donner tout l'intérêt d'un récit. Ce furent des oeuvres de haute valeur historique et critique. Cette fois encore le succès fut complet. On ne peut, aujourd'hui, étudier la Réforme en Champagne et dans les pays voisins sans recourir aux savants travaux d'Hérelle.



Son activité s'étendit à d'autres domaines. Il consacra un volume aux Etats généraux : un autre à l'invasion allemande de 1544 et à l'incendie de Vitry. Tous deux, le second surtout, rendirent aux historiens de précieux services. Toute cette partie de la carrière de G. Hérelle s'est prolongée très tard. Plusieurs des ouvrages dont il avait recueilli les éléments au temps où il habitait la Champagne furent achevés et publiés alors qu'il avait depuis plusieurs années tourné son activité vers d'autres travaux. Le dernier en date a paru en 1922.



II. Les traductions.



Il commença à s'en occuper en 1891. Et ce fut vraiment par hasard ou plutôt par une série de hasards.



Cette année-là, il avait passé six semaines à Naples. Il y avait lu l'un des nombreux journaux qui se vendaient chaque jour dans les rues, le Corriere di Napoli. Rentré en France et désireux de ne pas perdre ce qu'il avait appris d'italien, il s'abonne à ce journal. Dans un des premiers numéros, il lit les débuts d'un roman de Gabriele d'Annunzio, l'Innocente. Tout de suite, il devine un chef-d'oeuvre et entreprend de le traduire en français. D'abord, raconte-t-il, il ne songe qu'à se livrer à un exercice, afin d'apprendre un peu plus d'italien. Puis, conquis par la beauté du livre, il poursuit son travail et l'achève. En ce temps-là, le nom de Gabriele d'Annunzio, encore très jeune, était totalement inconnu en France. Pourquoi ne pas publier ce roman ? Hérelle écrit au bureau du journal, reçoit de l'auteur, avec une lettre des plus aimables, l'autorisation indispensable et fait paraître le livre, en feuilleton dans le Temps, sous le titre de l'Intrus (1893).



écrivain italien traducteur hérelle
LIVRE L'INTRUS
DE GABRIELE D"ANNUNZIO



La publication de ce premier roman, accueillie par le public français avec la plus vive faveur, établit entre l'auteur et le traducteur d'étroites relations d'amitié. Ils se rencontrèrent une première fois, en 1894, à Venise, où ils passèrent ensemble une dizaine de jours. En 1895, nouvelle et plus longue rencontre : Hérelle, répondant à l'invitation de d'Annunzio, est reçu dans sa maison, à Francavilla-al-mare, puis fait avec lui, sur le yacht de son ami Scarfoglio, propriétaire d'un grand journal de Naples, le Mattino, une croisière de six semaines en Grèce. L'année suivante, nouvelle visite à Francavilla et belle excursion dans l'Apennin. D'autres rencontres eurent lieu en 1898 et en 1911, à Paris ; puis à Bayonne, alors qu'Annunzio habitait Arcachon. Rencontres non moins utiles qu'amicales ! Car Georges Hérelle, après avoir publié l'Intrus, traduisit, les uns suivant les autres, les plus beaux romans du grand écrivain, une partie de ses oeuvres poétiques et quelques-uns de ses drames. Eminent service rendu à sa réputation ! C'est grâce au labeur et au talent du traducteur que l'on commença à connaître son oeuvre de romancier et de poète, d'abord en France, et ensuite en beaucoup d'autres pays d'Europe et d'Amérique.



heros italien ecrivain hérelle traducteur
GABRIELE D'ANNUNZIO


Entraîné par le succès, Georges Hérelle entreprit de faire connaître d'autres productions de la littérature italienne contemporaine. Il traduisit successivement six romans de Mathilde Serao ;  trois de A. Fogazzaro ; quatre de Grazzia Deledda. Grazzia Deledda fut, comme Annunzio, une découverte de G. Hérelle. Chose curieuse, ses romans, en dépit de leur charme et du talent du traducteur, n'eurent en France qu'un très médiocre succès. Ils furent mieux goûtés à l'étranger. Ils obtinrent, il y a quelques années, le grand prix Nobel de littérature, succès dont le traducteur français éprouva une véritable joie. N'était-ce pas la preuve que, en dépit de l'indifférence du grand public français, il ne s'était pas trompé en considérant Mme Deledda comme une très remarquable romancière ?... Enfin il donnait, en 1913, la traduction d'une oeuvre de l'historien Guglielmo Ferrero : Entre les deux mondes.



femme prix nobel litterature hérelle traducteur
GRAZIA DELEDDA
PRIX NOBEL LITTERATURE 1926


Et ce n'est pas tout encore. Au temps où il publiait ses dernières traductions italiennes, infatigable découvreur de choses nouvelles, Georges Hérelle tombe un jour sur un roman espagnol donné en feuilleton par le Pueblo de Valence et intitulé la Barraca. Il le lit, comme il avait lu l'Innocente. Il en goûte la saveur locale, le réalisme un peu brutal, la truculence, et il le publie sous le titre de Terres maudites. D'autres suivent. Et voilà Blasco Ibañez tiré de son obscurité, admiré en France, lu en tous pays, célèbre en Espagne, où, hier encore, il passait pour un auteur de second ordre, mais où le succès de ses traductions le consacre grand romancier !



ECRIVAIN VICENTE BLASCO IBAÑEZ 1919



Le traducteur de tant d'oeuvres diverses recueillit - chose assez rare - une très large part du succès. Innombrables furent les articles de revues, les comptes rendus de presse qui saluèrent, à leur apparition, chacune d'elles. Naturellement, dans les éloges qui leur furent accordés, il y eut, suivant le tempérament et les goûts des critiques, plus d'une nuance. Il n'y en eut pas dans ceux que l'on décerna au traducteur. Tout le monde s'accorda à louer son habilité et son talent. C'est au cours de ces succès que M. Hérelle fut nommé chevalier de la Légion d'honneur (1900).




Certains critiques cependant, firent une réserve. Ils lui reprochèrent d'avoir pris, avec les originaux, de trop grandes libertés. C'est là un reproche dont M. Hérelle, traducteur aussi scrupuleux que diligent, tint à se disculper. En ce qui concerne Gabriele d'Annunzio, l'explication est très simple : c'est l'auteur qui a fait lui-même toutes les modifications et les coupures, soit que le traducteur lui en ait suggéré l'opportunité, soit qu'il les ait faites de son propre mouvement. Quant à Blasco Ibañez, il n'a jamais voulu revoir les traductions de M. Hérelle. "Faites toutes les coupures que vous voudrez, lui disait-il ; vous les ferez beaucoup mieux que moi." Il lui tint même, un jour, ce propos, tout à fait curieux dans la bouche d'un homme de lettres : "Votre version vaut mieux que l'original. Si le texte espagnol n'était pas déjà publié, je le ferais paraître d'après votre traduction."



C'est là un bel hommage rendu à la conscience du traducteur, ou, plus encore qu'à sa conscience, à cette sorte d'intuition qui lui permettait de saisir la pensée intime de l'auteur et jusqu'à ses intentions. Par elle, s'établissait entre eux une véritable collaboration. Dans une large mesure, ils ont, ensemble, travaillé à une oeuvre commune.



Telle est, sans aucun doute, la raison première du succès des traductions de M. Hérelle. Mais ce n'est pas la seule. Il y a aussi le souci d'art, la précision et la variété de la langue, l'animation du style, en un mot le talent de l'écrivain. "M. Hérelle écrivait Paul Souday à propos de la publication des Poésies, excellent écrivain français, non moins que savant italianisant, réunit tous les mérites du traducteur accompli"... Peut-être aurait-il convenu qu'on louât aussi cette belle curiosité, peu disposée à suivre les chemins battus, toujours à la recherche du nouveau et de l'inédit ; et cette riche compréhension d'un esprit capable de s'intéresser tout autant aux complications sentimentales et à l'orgueil aristocratique des personnages de Gabriele d'Annunzio qu'aux rudes travaux et aux humbles joies des huertanos de Blasco Ibañez."



A suivre...






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