DES COURSES DE TAUREAUX À BAYONNE EN 1911.
C'est en août 1853, que se déroule la première corrida de l'ère moderne, dans le quartier Saint-Esprit, à Bayonne.
Voici ce que rapporta à ce sujet le mensuel La Femme, le 1er juin 1911 :
"Les courses de taureaux et les plaques de la Société protectrice des animaux.
Rien de plus judicieux que le conseil que nous donne la Société protectrice des animaux : "Soyez bons pour les bêtes". Mais ce conseil nous vient tard, très tard. Quelles sont les bêtes que les Parisiens doivent protéger ? Les moutons, les boeufs, les veaux ? Ce sont leurs victimes. Terriblement omnivore, personne dans le département de la Seine ne songerait à donner un asile de tout repos aux gigots et aux filets dont nous nourrissons. La race porcine ? Nous demandons à messieurs les porcs, tout au contraire, d'être bon pour nous sous forme d'appétissantes saucisses et de succulents boudins ; c'est une vertu très différente de celle qu'on veut nous prêcher. Quant aux chevaux, hélas ! que vont-ils devenir à brève échéance ? La plus noble conquête de l'homme est sur le point de disparaître de nos rues et de nos écuries. L'omnibus cède la place à l'autobus, le fiacre au taxi, et l'aristocratique landau à la quarante et à la soixante ! Les termes sont renversés : Soyez bons pour les animaux. Est-ce aux chauffeurs que la bonne parole s'adresse ? Est-ce la protection des piétons que l'on veut recommander ? C'est possible, mais ce ne sont pas des termes d'une politesse exquise d'appeler les passants des animaux, vis-à-vis desquels les chauffeurs doivent exercer leur bonté !
Enfin, passons ; il y a moyen de tout arranger : qu'on dévisse des réverbères les plaques qui n'en sont pas un ornement de haut goût, et qu'on les expédie à Nîmes, à Bayonne, à Dax. Alors la Société protectrice des animaux aura fait une ouvre pie et une oeuvre urgente. Un excellent journal que dirige une femme de grand mérite, Mlle Dumangin, consacre dans le Biarritz thermal un article courageux parce que, si l'on parle dans le Midi de la France de la suppression des courses de taureaux, on se fait des ennemis, et qu'une grande effervescence se produit aussitôt chez les nombreux amateurs de ce spectacle sanguinaire s'ils sont menacés d'en être privés.
Les jours de courses de taureaux, les arènes de Bayonne regorgent de spectateurs. Ah ! qu'on leur crie à ces gens qui aiment la vue des horribles tueries, le conseil dont nous n'avons que faire à Paris : "Soyez bons pour les animaux". Mais ils protestent contre la pitié, contre la bonté, ce n'est pas leur affaire, et en fait ils ont résisté, et jusqu'à aujourd'hui ils ont obtenu gain de cause, en dépit des efforts de l'honorable M. Barthou, député du département, qui voudrait que force restât à la loi, car la loi condamne les courses sanglantes. Il ne faut pas oublier qu'en 1900 la Chambre des députés vota, par 414 voix contre 69, la défense absolue des courses et mise à mort de taureaux et de chevaux dans les arènes sur le territoire français.
Il y a environ une vingtaine d'années que des arènes ont été construites à Bayonne, et excepté deux courses données sous Napoléon III, ce scandale avait été épargné au pays basque et béarnais.
Les taureaux espagnols sont des animaux domestiques et dans leurs prairies ne s'attaquent jamais à qui que ce soit, témoins ceux de Veragua, qui ont leurs herbages le long de la route qui va de Madrid à Tolède, ce qui n'empêche pas les piétons, les voitures, les ânes et les mulets de parcourir ces routes. Dans le Biarritz thermal nous lisons ces lignes, où nous retrouvons le coeur compatissant de notre excellente collègue, Mlle Dumangin, et nous l'en félicitons :
"Le taureau, animal domestique, souffre d'une façon cruelle. D'abord, par la pique du picador, qui parfois traverse le cuir, s'y brise, et l'animal court en poussant des hurlements de douleur, emportant ce morceau de bois qui lui traverse les chairs ; d'autres fois il a l'os de l'épaule mis à nu ; s'il est trop moi, on lui pose des banderilles de feu, fusées et pétard, qui lui brûlent les chairs ; même simples, les six banderilles de rigueur qui sont accrochées sur son cou par des harpons de fer, ne sont-elles pas un supplice affreux ! — Voilà l'épée, sera-ce la délivrance ? — Oui, quelquefois, si l'homme est adroit, sinon un, deux, trois, quatre lardasses qui pénètrent, et l'animal vomit le sang à pleine bouche ; est-ce fini ? — Mais non, vous avez le cachetero qui, avec son court et épais cachete, donne nombre de coups dans la nuque de l'animal couché, que la douleur fait parfois se relever sur ses pattes, et, s'il le peut, embrocher celui qui se trouve en face de lui ; c'est ainsi que mourut Espartero !
![]() |
MORT DU MATADOR ESPARTERO 27 MAI 1894 |
Voici pour le taureau, mais le cheval, lui, pauvre animal à qui l'on bande les yeux et que l'on présente de force au taureau ? Comment admettez-vous que des milliers de Français voient cela sans en être écoeurés ! La mort est hideuse : il est éventré, tous ses intestins sortent, le foie pend et ballotte, et il continue à trotter ; quand il tombe, on le force à se relever, on l'emmène, et si l'on peut recoudre, il reparaît au taureau suivant. Un taureau, s'il est bon, tue au moins 3 ou 4 chevaux, et comme à chaque course il y a 6 taureaux, vous voyez l'hécatombe !"
![]() |
CHUTE D'UN PICADOR ARENES DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire