LA VIE À SAINT-ESTEBEN AUTREFOIS.
Depuis 1936, Don José Miguel de Barandiaran, prêtre, chercheur et scientifique, originaire d'Ataun, en Guipuscoa, fait des enquêtes d'ethnologie et d'archéologie en Pays Basque français.
Voici ce que rapporta au sujet de ses recherches sur Saint-Esteben, en Basse-Navarre, le Bulletin
du Musée Basque N°20, en 1941, sous la plume de H. Gavel :
"Eusko - Folklore.
Documents et questionnaires.
Année XXI Sare, Janvier-Juin 1941 N° CLI-CLVI
Traits de la vie populaire de Dohozti.
A propos du nom de St-Esteben.
Le nom français d'un grand nombre de localités du Labourd, de la Basse-Navarre ou de la Soule, n'est en réalité que leur nom gascon ou béarnais : il ne faut pas oublier que jusqu'au XVIe siècle le gascon (dans l'une de ses variétés gasconnes proprement dites ou béarnaises) a joué dans ces trois provinces le rôle de langue officielle qu'y joue aujourd'hui le français.
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VUE GENERALE DE SAINT-ESTEBEN BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
Parfois l'orthographe française a imposé quelques légères modifications à la forme gasconne : c'est ainsi que la graphie Larceveau est une altération assez malencontreuse de Larcevau ou Larcebau, adaptation parfaitement régulière à la phonétique gasconne du nom basque correspondant. De même l'accent aigu du nom de Saint-Pé, est dû à une influence française : il faudrait un accent grave, puisque l'e est ouvert en gascon. Mais très souvent la forme gasconne ou béarnaise est restée intacte dans l'écriture : il en est ainsi, par exemple, pour les noms de Sauguis et de Tardets : il est à noter seulement qu'en béarnais ils sont prononcés avec l'accent tonique sur la première syllabe, et que pour le second il existe une variante : Tàrdits.
L'étude de ces noms gascons est des plus intéressantes, car souvent ils ont conservé des éléments disparus dans les formes basques correspondantes. Ainsi le nom de Larrau confirme un fait que d'autres considérations permettraient seulement de supposer : à savoir que la forme souletine actuelle Larrañe remonte à un plus ancien Larraun ou Larraune. Inversement, d'ailleurs, les noms basques de certaines localités gasconnes ou béarnaises nous renseignent parfois sur un état plus ancien, que l'aspect actuel de la forme gasconne ou béarnaise ne permettrait pas toujours de reconstituer. Mais nous nous abstiendrons, pour cette fois, de développer ces observations.
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SAINT-ESTEBEN BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
Le nom d'Etienne (de l'accusatif latin Stephanum, prononcé avec un e ouvert accentué), avait revêtu, dans les dialectes du Midi de la France des variantes dont les principales étaient Estevan, Esteven, et Esteve, toutes prononcées avec l'accent tonique sur l'avant-dernière syllabe, dont l'e était resté ouvert. De ces trois variantes, la première est passé en espagnol : assez nombreux sont dans cette langue les noms de saints qui ont été empruntés à des dialectes romans de France, et cela à cause de la grande influence que, pour les choses du culte, la France a exercé sur l'Espagne au Moyen-Age, surtout du Xe au XIIIe siècle. L'orthographe espagnole moderne a seulement substitué b à v : Esteban, ce qui, d'ailleurs, ne change rien à la prononciation.
La troisième des formes mentionnées plus haut, Esteve, est restée fréquente comme nom de famille tant en Catalogne et en Aragon que dans le Midi de la France.
Quant à Esteven, devenu Esteben par le changement de v en b habituel en gascon, il survit, comme on le voit, dans le nom de Saint-Esteben ; la fête patronale de ce village tombe en effet le 3 août (Invention des corps de saint Etienne et de ses compagnons).
CARTE DE SAINT-ESTEBEN 1887 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il est évident que le nom basque correspondant dont M. Barandiaran a si diligemment recherché les variantes, concorde parfaitement avec le nom gascon. Si l'on admet que les variantes actuelles représentent toutes un type primitif que l'on peut reconstituer approximativement sous la forme Donostebiri ou Donestebiri, il est facile de décomposer ce nom en trois éléments : Dono ou Don, Stebe ou Estebe, et iri ou hiri, c'est-à-dire : "village du seigneur Etienne".
Par un usage qui leur a été commun avec les habitants d'autres régions, notamment avec ceux de la France du Nord, les Basques ont employé devant les noms de saints un terme de respect signifiant "seigneur" et provenant, directement ou indirectement du latin dominus ; cet élément se présente sous des formes diverses : dono ou don, deun, den, etc... Les formes qui présentent un e paraissent provenir de l'ancien gascon daun, dont seul le féminin, avec le sens de "dame", subsiste encore aujourd'hui.
Dans le cas où la forme basque primitive du nom de Saint-Eteben serait Donostebiri, l'o de la deuxième syllabe appartiendrait au composant initial, et le nom du saint se réduirait à Stebe, soit que l'e prothétique de Estebe ne fût pas encore définitivement établi, soit qu'il eût été élidé après l'o précédent. Dans le cas où au contraire la forme primitive aurait été Donestebiri, l'e de la deuxième syllabe aurait été par la suite assimilé à l'o de la syllabe précédente : les assimilations de voyelles de syllabe à syllabe sont chose fréquente en basque.
Comme nous l'avons noté ailleurs, les modernes fabricants de néologismes basques ont cru que le sens de don, ou de ses variantes était celui de "saint", et ils ont créé un adjectif done qu'ils emploient dans ce sens ; d'où, par exemple, le titre d'Argi donea, donné à un livre de piété ; dans l'intention de l'auteur ce titre veut dire évidemment "la lumière sainte" : en fait, s'il voulait dire quelque chose, ce serait "la lumière maîtresse".
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UNE PENSEE DE SAINT-ESTEBEN BASSE-NAVARRE D'ANTAN |
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