LE PHYLLOXÉRA ET LA RIOJA ALAVESA EN ALAVA AU PAYS BASQUE EN 1920 (troisième et dernière partie)
LE PHYLLOXÉRA EN ALAVA EN 1920.
Le phylloxéra de la vigne est une espèce d'insectes hémiptères de la famille des Phylloxeridae.
C'est une variété de pucerons ravageurs parasites de la vigne, néobiotes venus de l'Est des Etats-Unis, qui a provoqué des dégâts considérables dans les principales régions viticoles d'Europe à la fin du 19ème siècle.
LE VIN
Voici ce que rapporta à ce sujet le Dr J. Feytaud dans l'hebdomadaire Revue de viticulture, en date
du 4 mars 1920 :
"Dr J. Feytaud. — Sur le dépérissement phylloxérique du Mourvèdre X Rupestris 1202 et de l'Aramon X Rupestris Ganzin 1 dans le Nord-Espagne.
La comparaison est surtout facile avec le 41 B et avec le Lot, qui sont assez répandus dans les vignobles de Navarre et de Rioja. Les exemples suivants, pris aux alentours d'Elciego, sont démonstratifs :
Dans une vigne plantée sur les alluvions anciennes d'une haute terrasse dominant la vallée de l'Ebre, une portion est en 1202, l'autre en 41 B ; les deux portions s'imbriquent l'une dans l'autre, leur ligne de séparation étant une ligne brisée. Le sol, assez homogène, paraît convenir mieux encore aux Franco-Rupestris qu'aux Franco-Berlandieri, sa teneur en calcaire est de 20 % (avec sous-sol plus calcaire, jusqu'au 45 %). Or, le 1202 a subi là, depuis 4 années, des dépressions telles qu'il y est actuellement au dernier terme du dépérissement, tandis que le 41 B reste en bel état.
Il arrive qu'au milieu de plantations de 1202 quelques pieds épars résistent isolément, verts et vigoureux, tandis que tout meurt ale tour. Si la souche du "rescapé" produit un rejet, nous constatons couramment que ce n'est pas un 1202, mais un 41 B, ou bien encore un Rupestris du Lot.
Inversement, il m'est arrivé de voir quelques pieds périclitant parmi des Chasselas X Berlandieri 41 B prospères. L'examen des repousses, toutes les fois qu'il fut possible, indiqua régulièrement que les moribonds appartenaient non pas au type 41 B, mais aux types Mourvèdre X Rupestris 1202 ou Aramon X Rupestris Ganzin 1.
Dans une pièce de vigne plantée en 1904 avec un mélange de Rupestris du Lot et de Riparia X Rupestris 3309, il y avait au bout de deux ans quelques manquants par-ci par-là, comme il arrive toujours. Ayant sous la main des Mourvèdre X Rupestris 1202 et des Aramon X Rupestris Ganzin 1, dont on plantait en 1907 une pièce voisine, on garnit les vides avec ces variétés. Or, quand je visitai ces vignes à l'automne dernier, je constatai partout la présence de très nombreux radicicules ; la plantation de 1907 était garnie de grandes taches phylloxériques confluentes, et considérée comme entièrement perdue ; celle de 1904 présentait au contraire dans l'ensemble une grande vigueur (Rupestris du Lot et R X R 3309) contrastant avec l'état lamentable de tous les pieds de remplacement (M X R 1202 et A X R Ganzin 1), dont les repousses permettaient de confirmer l'identité. Des dépressions se produisaient là comme ailleurs, mais elles faisaient périr les Franco-Rupestris tout en épargnant les Américains.
J'ai pu noter divers exemples analogues au cours de ma visite en Rioja. Il paraît bien net que tous les foyers de dépérissement phylloxériques apparus jusqu'à présent portent sur le Mourvèdre X Rupestris 1202 (qui est de beaucoup le porte-greffe dominant) et sur l'Aramon X Rupestris Ganzin 1, jamais sur le Chasselas X Berlandieri 41 B, ni sur le Rupestris du Lot, ni sur le Riparia X Rupestris 3309.
Ces constatations sont d'autant plus nettes qu'elles ont eu lieu dans des conditions identiques de sol, de culture, sur des lots imbriqués les uns dans les autres et parfois mélangés.
Il est probable que ce qui s'est passé aux abords d'Elciego se passe également, de la même façon, dans le reste de la Rioja, dans l'Aragon et la Navarre. Les observations faites en Navarre par M. A. Azanza paraissent l'établir nettement. Nous assisterions donc partout, dans le Nord-Espagne, à la faillite des franco-américains, tout au moins de ceux auxquels on a eu recours sur une vaste échelle : Mourvèdre X Rupestris 1202 et Aramon X Rupestris Ganzin 1. Des cas analogues semblent s'être aussi déclarés dans le Sud.
POETE-GREFFE MURVEDRE RUPESTRIS 1202
La triste expérience que sont en train de faire nos voisins espagnols n'est pas la seule qui découle d'un engouement excessif pour ces hybrides. J'ai dit qu'il y a une douzaine d'années on observait déjà un dépérissement analogue pour l'Aramon X Rupestris Ganzin 1 dans les vignobles de Sicile, dont il était le porte-greffe dominant. La découverte surprit tellement les agronomes italiens qu'ils firent effort pour expliquer la maladie sans mettre directement en cause le Phylloxéra. Ils durent toutefois reconnaître que le parasite y jouait un grand rôle dans la plupart des cas.
On pourrait, en Espagne, comme on l'a fait en Sicile, soulever la question de l'acclimatation des hybrides porte-greffes et de leur adaptation au terrain et se demander si ce n'est pas le facteur essentiel. Au Congrès de Madrid, à une époque où l'on n'observait pas encore de dépressions phylloxériques dans les vignobles reconstitués. M. Garcia de los Salmones traita avec autorité le problème de l'adaptation aux terrains calcaires et secs. Ce problème, disait-il, se pose en termes difficiles, particulièrement lorsque le climat est sec et le sol superficiel. Il estime avec raison que l'étude sur place, en champs d'expériences, d'hybrides nouveaux obtenus par croisement secondaire d'un franco-américain et du Berlandieri, pourra donner de meilleurs porte-greffes pour les sols les plus calcaires et les plus secs. Il considère que le Mourvèdre X Rupestris 1202 comme un des meilleurs et des plus recommandables parmi les porte-greffes déjà éprouvés. Il le dit surtout excellent dans les terrains calcaires hargneux frais, profonds, et déconseille plutôt son emploi dans les terrains maigres et secs.
PORTE-GREFFE RIPARIA BERLANDIERI 34 C.
Or, les principaux foyers de dépérissement du 1202, aux alentours d'Elciego, sont précisément dans les terrains caillouteux et hargneux, assez profonds et frais, dosant de 20 à 40 % de calcaire, tandis que les plantations des côtes pauvres et très sèches sont jusqu'à présent moins éprouvées. Je ne pense donc pas que l'on puisse faire passer l'invasion phylloxérique au second plan, pour invoquer une mauvaise adaptation du porte-greffe comme cause essentielle de la maladie. Il est logique, à mon avis, d'admettre les conditions favorisantes de climat, de sol ; mais la véritable cause, le facteur essentiel et déterminant serait bien l'invasion phylloxérique des racines. L'insecte, ici comme ailleurs, ne pullule qu'en milieu favorable, c'est entendu ; mais il y trouve un aliment facile sur les racines du 1202 et du Ganzin 1, qu'il abat en quelques minutes.
HYBRIDE RUPESTRIS-LACOSTE
En Rioja alavesa, les premiers indices du mal, notés en 1915, affectaient déjà nettement la forme de taches d'huile ; il n'en eût pas été de même si les vignes avaient dépéri par manque d'affinité ou par défaut d'adaptation ; le fléchissement aurait été diffus et les taches phylloxériques ne s'y seraient superposées que plus tard.
En résumé, je crois que le Phylloxéra est bien le facteur essentiel du dépérissement des Mourvèdre X Rupestris 1202 et des Aramon-Rupestris Ganzin 1 dans les vignobles de Rioja, et je m'imagine que le terrain et le climat interviennent moins en diminuant les facultés de résistance du végétal qu'en renforçant les facultés agressives du parasite. Les sols dans lesquels la vigne périclite sont en grande partie des terrains assez meubles, sableux sans excès, argileux à point, très "phylloxérants". Quant au climat, il est naturellement sec et chaud ; il le fut plus que d'ordinaire pendant les dernières années, ce qui contribua certainement à l'extension et à l'intensification des foyers.
PORTE-GREFFE ARAMON RUPESTRIS 1
On sait que le Phylloxéra est particulièrement actif dans les vignobles méridionaux, en Espagne, en Sicile, en Algérie. Son activité est plus modérée dans nos vignobles de France. Il n'est pourtant pas sûr que certaines régions de notre pays où la reconstitution a été faite sur les mêmes bases ne seront pas menacées, à plus ou moins longue échéance, d'une crise analogue à celle qui sévit aujourd'hui plus au Sud. Nos viticulteur ont donc intérêt à connaître les mécomptes qu'ont donnés par ailleurs des porte-greffes franco-américains. Il est bon qu'ils se persuadent que le greffage n'a pas supprimé le Phylloxéra, que celui-ci persiste, peu ou prou, en terres propices, dans toutes nos régions viticoles et qu'il pourrait, à un moment donné, redevenir agressif sur des plantations reconstituées dont les porte-greffes n'offriraient pas des garanties suffisantes.
L'adoption des porte-greffes que nous incriminons ici ne fut pas sans prêter à la critique. Des polémiques s'engagèrent sur leur compte presque aussitôt après leur création. Les objecteur célébraient les qualités de leurs produits et la plupart des agronomes les vantèrent à leur suite, tandis que d'autres, et non des moindres, MM. Viala et Ravaz par exemple, faisaient de judicieuses réserves dont le public viticole ne tint pas un compte suffisant. Ainsi, dès 1895, M. Ravaz contestait leur résistance, après avoir constaté qu'en champs d'expériences leurs racines portaient de nombreuses tubérosités phylloxériques. Il est remarquable que dans les mêmes conditions, ilne put découvrir de lésions sur les racines du Chasselas X Berlandieri 41 B, cet autre franco-américain dont la résistance s'affirme si nettement aujourd'hui dans les foyers phylloxériques de la Rioja, à côté des Riparia X Rupestris et des Berlandieri X Riparia.
Décembre 1919."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
Plus de 6 300 autres articles vous attendent dans mon blog :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire