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samedi 3 octobre 2020

LES FUEROS AU PAYS BASQUE EN NOVEMBRE 1841

LES FUEROS EN 1841.


Jusqu'en 1841, les provinces du Pays Basque Sud bénéficiaient de liberté commerciale et la barrière douanière du royaume d'Espagne s'arrêtait à l'Ebre.


pais vasco antes fueros
LES FUEROS DU PAYS BASQUE ET DE LA NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet la presse nationale française dans plusieurs éditions :


  • le Journal des débats politiques et littéraires, le 11 novembre 1841 :

"Paris, 10 Novembre. 



Nous évitons plutôt que nous ne recherchons l'occasion de nous étendre sur les affaires d'Espagne. C'est un triste spectacle que celui d'une nation voisine, liée à la France par tant de souvenirs et d'intérêts communs , plongée aujourd'hui dans un désordre plein tout à la fois de violence et de faiblesse ; et lorsqu'on n'entrevoit ni remède facile, ni solution prochaine à cette crise déplorable, ce n'est pas sans une certaine tristesse qu'on se voit obligé d'enregistrer jour par jour le bulletin monotone de cette fièvre chronique qui use ses forces et semble ajourner indéfiniment tout espoir de guérison. C'est donc bien gratuitement qu'on nous accuse de charger et de noircir comme à plaisir le tableau des événements. Ce serait un soin malheureusement bien inutile ; la réalité est déjà assez sombre par elle-même. Nous ne demanderions certainement pas, mieux que de voir les choses en beau et de nous bercer de chimériques espérances comme la plupart des journaux de l'Opposition. Ce n'est pas notre faute si cet optimisme aveugle nous est complètement refusé. 



pais vasco antes vizcaya fueros
LES FORS DE BISCAYE




Aujourd'hui cependant un de ces journaux mêle aux reproches ordinaires et en quelque sorte convenus, dont l'Espagne fournit tous les jours le texte contre nous, une accusation d'inconséquence que nous ne croyons pas fondée, et qu'il serait trop facile de retourner contre lui-même. La manière sommaire dont Espartero vient de supprimer les fueros des provinces basques ne nous a paru ni juste ni politique. On s'autorise du blâme que nous avons exprimé à cette occasion pour nous accuser de favoriser l'esprit de localité, qu'il regarde avec beaucoup de raison comme beaucoup trop puissant en Espagne, et que nous avons nous-mêmes toujours combattu. Le blâme jeté sur la suppression des fueros paraît être à ce journal en contradiction formelle avec cet esprit de centralisation et d'unité que nous avons toujours recommandé à l'Espagne. Nous allons voir tout à l'heure jusqu'où va la contradiction qu'on nous reproche ; mais prenons acte d'abord de cette adhésion aux idées d'unité et de centralisation. Cette adhésion, pour être tardive, n'en est que plus méritoire. L'Opposition aura reconnu sans doute combien elle se trompait l'an passé, lorsqu'elle appuyait la malencontreuse insurrection de septembre. A cette époque c'était également l'unité et la centralisation qui étaient en cause, et de plus la légalité et la Constitution. La loi sur les ayuntamientos, qui servit de prétexte à la levée de boucliers des juntes, avait précisément pour objet de restreindre le pouvoir excessif attribué aux autorités municipales et de les faire rentrer dans la sphère hiérarchique , en attribuant à la Couronne la nomination ou le choix des alcades. Pourquoi donc à cette époque, l'Opposition si ombrageuse en matière de centralisation, se faisait elle l'avocate de la rébellion des municipalités ? Serait-ce par hasard parce que la loi qui limitait leur autorité avait été régulièrement votée par les Cortès et sanctionnée par la Couronne ? Dans ce cas on concevrait très bien l'approbation qu'on donne à la suppression des fueros ; car ils ont été supprimés, comme nous l'avons dit, d'un trait de plume, quoique solennellement reconnus à Bergara et ratifiés par les Cortès. L'Opposition ne se montre donc inconséquente que dans ses idées sur la centralisation qu'elle combattait il y a un an avec la même ardeur qu'elle la soutient aujourd'hui ; mais du moins, en matière de légalité, elle est fidèle à ses antécédents : tendances locales, esprit d'unité, elle défendra les mesures les plus contradictoires, pourvu qu'elles soient en opposition avec les lois, avec les traités, avec la foi jurée ; quant au reste apparemment, peu lui importe. 


pais vasco antes vizcaya fueros
LES FORS DE BISCAYE 1452




La suppression des fueros dans les circonstances présentes ne nous parait, nous l'avons déjà dit, ni juste, ni politique. Pour ce qui est de l'opportunité de ce décret et de l'habileté du régent en cette circonstance, nous ne pouvons partager sur ce point l'admiration de l'Opposition. Semer de nouveaux germes d'irritation dans des provinces, belliqueuses soumises en ce moment même à mille vexations et traitées en pays conquis, cela nous parait d'autant moins habile que l'autorité d'Espartero vient d'être cruellement outragée à Barcelone, où la citadelle a été démolie contre sa volonté formelle et malgré les protestations de ses lieutenants, et que le parti du mouvement extrême l'a déjà débordé en Catalogne. Ce n'est pas que nous prenions un souci démesuré des fautes qu'Espartero peut commettre ; mais enfin ce sont des fautes. 


pais vasco antes navarra fueros
LIVRE LES BASQUES LEURS FORS DE J GAZTELU 



Nous ne nous montrerons pas non plus trop exigeant en matière de légalité. Pourquoi Espartero se soucierait-il plus de la légalité quand il s'agit, des fueros que lorsqu'il s'est agi des ayuntamientos ; que lorsqu'il fait fusiller sans procédure ceux de ses adversaires qui tombent entre ses mains ? Le scrupule de sa part ne serait aujourd'hui qu'une pruderie peu en harmonie avec toute sa conduite. Espartero est arrivé au pouvoir par la force matérielle, il s'y maintient par le même procédé ; c'est fort bien tant que cela dure ; mais la légalité n'a rien a voir de ce côté.


españa hombre politico fueros
BALDOMERO ESPARTERO




pais vasco antes fueros
LIVRE L'ABOLITION DES FORS BASCO-NAVARRAIS




Quant à nous, c'est par d'autres motifs surtout que nous blâmons la suppression des fueros. Les fueros, les libertés locales, provinciales, tout ce qui fait obstacle à l'unité nationale est certainement destiné à périr d'ici à un temps plus ou moins long ; et nous croyons que l'Espagne aura fait un grand pas vers la civilisation le jour où elle aura ramené à l'unité tous les tronçons divisés et hétérogènes de l'ancienne monarchie. Ce sera l'oeuvre du temps, le résultat d'une administration habile et éclairée ; mais vouloir en vingt-quatre heures, d'un trait de plume et sans préparation, soumettre les provinces basques au régime des autres parties de l'Empire, c'est les blesser dans leurs souvenirs les plus chers, dans leurs droits récemment et authentiquement reconnus ; c'est surtout les atteindre dans leurs intérêts les plus précieux. Les provinces basques, on le sait, sont la portion la plus riche, la plus industrieuse, la mieux administrée de l'Espagne. Ce gouvernement foral, peu compatible sans doute avec les idées modernes d'unité et de centralisation, avait au moins le mérite de la probité, de la régularité. Les malversations, le pillage administratif, qui sont de droit commun en Espagne, étaient inconnus dans les provinces. Et on veut aujourd'hui leur inoculer systématiquement la gangrène administrative, politique et judiciaire qui dévore le reste du royaume ! C'est là. tout simplement une œuvre de barbarie dont le contrecoup matériel ne tarderait pas à se faire sentir dans le pays basque. Ah ! si l'Espagne avait commencé par mettre de l'ordre dans ses finances, par payer ses créanciers et ses employés, si la justice n'y était plus adjugée au plus offrant et dernier enchérisseur, si ses employés affamés ne se faisaient plus les instruments de la contrebande, si tous les impôts perçus entraient dans le Trésor, si toutes les sommes qui sortent du Trésor allaient à leur adresse, en un mot si l'anarchie séculaire, si le désordre immémorial qui épuise toutes les ressources du pays, avait fait place à une régularité sévère, on comprendrait que l'Espagne, mieux ou seulement aussi bien administrée que les provinces, les conviât au partage des biens et de la prospérité dont elle jouit. Mais aujourd'hui on propose aux Basques d'échanger une administration honnête contre une administration corrompue, des fonctionnaires probes et honorables contre une volée d'oiseaux de proie, et on leur offre, en échange de cette gestion paternelle et honorée, quoi ? les bienfaits dérisoires d'une déplorable communauté ; on leur offre leur part de tout un cortège de calamités qui font depuis des siècles la honte et la ruine de l'Espagne ; le tout pour la plus grande gloire de la symétrie politique. Les Basques disent avec raison : nous sommes contents de nos institutions et vous êtes mécontents des vôtres ; si vous voulez établir l'unité entre nous, prenez nos institutions qui sont bonnes, et ne nous imposez pas les vôtres qui sont mauvaises et condamnées par votre propre témoignage.



Le bon sens et le bon droit sont ici pour eux, et, abstraction faite des conséquences qui en pourront résulter pour Espartero, nous croyons, tout partisans que nous sommes des idées d'unité et de centralisation, que le premier pas à faire dans la voie de l'unité, c'était de réformer l'administration espagnole. L'unité alors eût été un bienfait, aujourd'hui elle ne peut être qu'un fléau ; et nous trouvons tout naturel que les Basques aiment mieux rester riches et bien administrés en dehors de l'unité, que d'acheter au prix du pillage, du désordre et de la vénalité administrative, le titre pompeux de membres de la grande communauté espagnole."






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