LE PHYLLOXÉRA EN ALAVA EN 1920.
Le phylloxéra de la vigne est une espèce d'insectes hémiptères de la famille des Phylloxeridae.
C'est une variété de pucerons ravageurs parasites de la vigne, néobiotes venus de l'Est des Etats-Unis, qui a provoqué des dégâts considérables dans les principales régions viticoles d'Europe à la fin du 19ème siècle.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Dr J. Feytaud dans l'hebdomadaire Revue de viticulture, en date
du 26 février 1920 :
"Dr J. Feytaud. — Sur le dépérissement phylloxérique du Mourvèdre X Rupestris 1202 et de l'Aramon X Rupestris Ganzin 1.
... Ce serait fort beau si les destructeurs des racines étaient aussi réservés. Malheureusement il n'en est pas ainsi : le Phylloxéra se signale en Rioja, comme en Navarre, par des dégâts très sérieux qui retiennent actuellement l'attention des viticulteurs espagnols.
Ce n'est pas la première fois qu'il y est question du Phylloxéra. L'Espagne eut déjà sa grande crise, ouverte vers 1880 dans le Sud (Malaga) et dans le Nord-Est (Gérone), quelques années plus tard dans le Nord-Ouest en Galice (1888), puis en Navarre (1892). Elle sévissait en Rioja de 1893 à 1900 ; les vieilles vignes européennes étant dévastées par le fléau les propriétaires, profitant des exemples venus de France, se mirent à reconstituer.
Lorsque fut entreprise la replantation des vignobles de Navarre et de Rioja, la vogue des américains purs était passée. Jacquez, Taylor, Vialla, Rupestris, Solonis, Clinton étaient à peu près délaissés comme porte-greffes et le Riparia lui-même avait fait faillite en de nombreux terrains. Les problèmes de l'adaptation et de la résistance au calcaire avaient sollicité l'attention des chercheurs, et la création des premiers hybrides semblait révolutionner le monde viticole. Les porte-greffes franco-américaine étaient tout à fait à l'ordre du jour et les dithyrambes de leurs partisans étouffaient les meilleurs conseils de prudence.
La reconstitution des vignes en Espagne se fit sous ce courant d'idées ; en Navarre, en Rioja, étant donnée la nature calcaire des terrains, on se lança en toute confiance vers les franco-américains, qui convenaient si parfaitement en apparence à ces sols où le Riparia ne pouvait tenir. On prit le Mourvèdre X Rupestris 1202 et l'Aramon X Rupestris Ganzin 1. Ces deux porte-greffes ont servi à refaire la presque totalité des vignobles du Nord de l'Espagne. Une place assez importante était cependant prise à côté d'eux par le Chasselas X Berlanderie 41 B., le Rupestris du Lot et le Riparia X Rupestris 3309.
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POETE-GREFFE MURVEDRE RUPESTRIS 1202 |
De prime abord, le 1202 et le Ganzin 1 semblaient convenir admirablement. Ils supportent en effet, le premier surtout, de fortes doses de calvaire. Au Congrès d'Angers, en 1907, M. Garcia de los Salmones, le distingué agronome de Pampelune, présentait ces deux Franco-Rupestris comme les meilleurs porte-greffes de l'Espagne. En 1909, M. Roger Marès, cherchant dans une comparaison avec le Sud-Europe des données pour la reconstruction du vignoble algérien, constatait que dans la péninsule ibérique, de la Navarre à l'Andalousie, ces mêmes hybrides jouissaient d'une "popularité parfaite".
Déjà cependant, à cette époque, des plaintes étaient venues d'Italie au sujet de l'un des deux favoris, l'Aramon X Rupestris Ganzin 1. Mais la publication de quelques rapports notoires sur les inquiétudes des propriétaires siciliens, ne fut pas suffisamment connue du grand public et la vogue de ce porte-greffe dans les autres pays n'en fut pas diminuée.
Or, depuis 1900, les viticulteurs riojanais avaient peu à peu rétabli leurs plantations sur les bases que je viens de dire. Cette reprise des terres phylloxérées s'achevait à peine au début de la guerre, et déjà une nouvelle crise allait s'ouvrir.
Des plantations de 6, 8, 10 ans présentaient de-ci de-là quelques traces de fléchissement, des traces de chlorose suspectes. Ces indices furent bien apparents en 1915. En 1916 et 1917, le caractère pathologique s'accentuait ; mais, confiants dans le greffage, les propriétaires ne songeaient guère que ce fût un retour offensif du parasite.
Lorsque, il y a deux ans, M. Georges Dubos me fit part de ses craintes et me décrivit les symptômes, il me parut probable qu'il s'agissait d'attaques phylloxériques ; l'examen de lots de racines reçus au laboratoire me permit de confirmer cette probabilité.
Au reste, la Rioja n'était pas seule à subir les conséquences d'une erreur de reconstitution. La Navarre les subissait déjà : les vignobles réputés de Sansol, Solana, Estella, Puenta la Reina, Sanguesa, Mendigorria, Olite, etc., avaient offert successivement, à partir de 1912, des dépressions nombreuses et des dépérissements rapides.
Les remarques que je publie se rapportent aux constatations que j'ai pu faire personnellement dans la partie de Rioja alavesa voisine d'Elciego. La similitude des terrains, des porte-greffes et des greffons rend très probable que les choses se passent de même sur les autres points du Nord-Espagne.
Tous les foyers de dépression en tache d'huile au niveau desquels j'ai fait des sondages correspondent à des foyers de multiplication du Phylloxéra et il me paraît indiscutable que la crise de dépérissement correspond à une reprise intense des ravages de cet Insecte.
Fait digne de remarque, les dépressions sont apparues tout d'abord et me semblent être jusqu'à présent beaucoup plus communes sur les terres les plus riches (ou les moins pauvres), les plus profondes, les moins calcaires, notamment sur les terres d'alluvions anciennes, caillouteuses, rougeâtres, où les foyers primitifs, apparus en 1914 et 1915 sur des plantations de 5 ou 6 ans à peine, prennent une extension couramment progressive, en dépit des soins culturaux.
Dans les terres les plus pauvres, dans les sols superficiels recouvrant à peine le rocher, la végétation est parfois languissante aux points les plus mal lotis ; mais il n'y a généralement pas encore beaucoup de taches phylloxériques proprement dites. Les dépérissements qui s'y sont produits et que l'on pourrait être tenté d'attribuer tous à cette cause tiennent en grande partie à l'insuffisante épaisseur de la couche arable.
En somme, pour un porte-greffe donné, les terres d'alluvions ou les mélanges de ces terres et de terres miocènes paraissent être, sur le point considéré, beaucoup plus favorables à la multiplication des radicicoles, beaucoup plus "phylloxérantes" en un mot, que les terres miocènes pures.
Même dans les sols propices, les attaques de l'Insecte ne sont pas générales. Certaines parties du territoire sont très éprouvées, tandis que d'autres sont jusqu'à présent indemnes. Ce que nous savons du mode de diffusion l'explique : les pépinières de porte-greffes américains ou franco-américaine sont restreintes, localisées au voisinage des centres habités ; dans l'ensemble du pays, il n'y a pour ainsi dire pas de souches susceptibles de recevoir la ponte des ailes et des sexués, ni de faire vivre des gallicoles. Dans ces conditions, la propagation du fléau par les ailés est impossible ; la diffusion n'a donc lieu que par le fait de radicicoles qui, émigrant du sol, sont transportés par le vent ou par l'homme ; elle est ainsi plus limitée au point de vue distance.
Quoi qu'il en soit, dans un sol donné, bien infesté de Phylloxéra, nous voyons le Mourvèdre X Rupestris 1202 péricliter et mourir très rapidement, l'Aramon X Rupestris Ganzin 1 presque aussi vite, tandis que le Chasselas X Berlandieri 41 B, autre franco-américaines, demeure solide, ainsi que le Rupestris du Lot et en général tous les américo-américains : Riparia X Rupestris 3309, Riparia X Rupestris 101, Berlandieri X Riparia 34 EM, Berlandieri X Ruparia 420 A."
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