UN VOYAGE À ANDAYE-HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1857 (première partie)
UN VOYAGE À ANDAYE-HENDAYE EN 1857.
En 1857, la ville d'Hendaye, en Labourd, compte environ 430 habitants et son Maire est Joseph Lissardy.
HENDAYE VERS 1842 GRAVURE DE LOUIS GARNERAY
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 21 septembre 1857, sous la plume de
Frédéric Thomas, Avocat à la Cour impériale :
"Courrier du Palais.
XXIII.
A Andaye, la troupe se trouva au complet : nous étions tous réunis. On récrimina de part et d'autre, ce qui est la meilleure manière de se tirer d'affaire quand tout le monde a tort. Toutefois, le débat ne fut pas long ; il faisait trop chaud, et nous étions intéressés à ne pas compliquer l'ardeur de la température par l'ardeur de la discussion.
REDOUTE D'ANDAYE ET FONTARABIE 1764 PAYS BASQUE D'ANTAN
Andaye est une ville morte depuis 1793 ; seulement on a oublié d'enfouir les tronçons du cadavre. Elle fut assassinée le 23 avril 1793, et, depuis ce jour, elle gît sans sépulture. Ces immenses usines, qui distillaient l'eau-de-vie pour l'Europe entière, ne sont plus que des débris de murailles éventrées, jonchant le sol comme de gigantesques ossements noircis par la poudre et calcinés par l'incendie. Dans ce pêle-mêle de pierres écroulées, la pauvreté des habitants a creusé quelques cabanes où se réfugient de misérables familles de pêcheurs. J'ai décrit les horreurs de cette désolation dans mes Petites causes célèbres, et je me garderai bien de me laisser prendre en flagrant délit de récidive. Mais je profiterai de l'occasion pour nommer le bourreau espagnol de la ville française.
Andaye et Fontarabie étaient debout levant sur les deux promontoires que sépare l'embouchure de la Bidassoa les têtes altières de deux villes florissantes.
Une colonne de l'armée française des Pyrénées-Occidentales campait, auprès d'Andaye, sous les ordres du général Régnier, et de l'autre côté de la rivière, au bas de Fontarabie, campait un détachement de l'armée espagnole, sous les ordres du général Carro.
THEÂTRE DES OPERATIONS ARMEE DES PYRENEES-OCCIDENTALES DE 1793 A 1795
Les deux armées s'examinaient à travers la rivière dans une attitude plus curieuse que menaçante. L'inaction, depuis plusieurs jours, avait été complète dans les deux camps, lorsque tout à coup, au milieu de la nuit, le 23 avril 1793, à 3 heures du matin, Fontarabie ouvrit un cratère qui vomit une pluie de feu sur Andaye ; une grêle de bombes et d'obus tombait si drue sur la pauvre ville endormie, que la plupart des habitants ne se réveillèrent plus ; ils furent écrasés et ensevelis dans cet affreux bombardement. Profitant du premier désarroi de la terreur, les Espagnols traversèrent la rivière, et, pour mieux diriger les ravages de l'incendie, ils le portèrent au lieu de l'envoyer ; ils achevèrent par la torche ce que la bombe n'avait pas entièrement consumé. C'est ainsi que s'écroula une redoute appelée les Montagnes de Louis XIV.
PLAN D'ANDAYE 17EME SIECLE PAYS BASQUE D'ANTAN
Cependant, les Français, ralliés par leur général, repoussèrent les Espagnols avec tant de furie, qu'ils les obligèrent à repasser la Bidassoa. La ville était reprise ; mais dans quel état ? Ce n'était plus une ville : c'était un amas noirci de ruines fumantes. C'était un cimetière de maisons disparues.
Aujourd'hui, après plus de 60 ans, la cité morte a conservé la même physionomie. Elle est encore ce qu'elle fut au moment du désastre, moins la fumée de l'incendie, et plus le lierre dont le temps a couvert ses hideuses blessures.
C'est une ruine qui a vieilli, mais qui a vieilli sans majesté, comme toutes les ruines des édifices dressés par l'industrie, sans que l'art les ait ennoblis ou consacrés. Quelle différence avec Fontarabie ! Mais ne traversons pas encore le gué de la Bidassoa.
Le Brûlement d'Andaye criait vengeance par toutes les voix de ses anciens habitants mutilés ou dispersés. Cette désolation morne, cette misère noire, cette plaie vive, émurent le coeur de la France républicaine. Et avant que ce barbare incendie eût eu le temps de se refroidir, elle songea à en tirer vengeance.
Les faits historiques ont quelquefois de ces retours, de ces revanches et de ces symétries si étrangers, qu'on les dirait arrangés par la main du drame ou combinés par l'imagination du roman. A Carro l'Espagnol, la France opposa Garreau le Français. C'est presque le même nom ; seulement Carro était général d'armée et Garreau représentant du peuple. La République avait eu cette sagesse de mettre la force sous la tutelle de l'intelligence. C'était le meilleur moyen de civiliser la guerre.
Garreau eut à sa disposition 300 soldats républicains sous les ordres d'un jeune capitaine qui devait plus tard devenir un illustre général et un éminent orateur : le général Lamarque.
GENERAL JEAN MAXIMILIEN LAMARQUE
Garreau et Lamarque, avec les 300 hommes qui gardaient Andaye, conçurent le téméraire projet de bombarder et de prendre Fontarabie.
La cité espagnole était défendue par 800 hommes de garnison, 50 canons et 3 capucins qui dirigeaient tout cela.
Prendre l'offensive dans de telles conditions, c'était une folie que la victoire seule pouvait absoudre. C'est 15 mois après le bombardement d'Andaye que le représentant Garreau et le capitaine Lamarque exécutèrent ce tour de force.
Le 31 juillet 1794, ils traversèrent la Bidassoa à la tête de leurs 300 soldats, dont quelques-uns succombèrent sous la mitraille du fort. Bientôt pourtant la petite troupe française s'empara d'une hauteur qui dominait Fontarabie, et de là les Français bombardèrent la ville. Après cette audacieuse attaque, le capitaine Lamarque fut envoyé en parlementaire aux assiégés. Il leur donna 6 minutes pour se rendre, et la ville capitula.
PLAN DE FONTARRABIE 17EME SIECLE GIPUZKOA D'ANTAN
Lamarque eut l'honneur d'être député pour porter à la Convention les drapeaux conquis sur les ennemis, et il fut nommé, séance tenante, adjudant-général.
Heureusement Fontarabie n'essuya pas un bombardement aussi aveugle et aussi impitoyable que celui qui, l'année précédente, avait détruit Andaye. Les boulets français se comportèrent avec plus d'intelligence et de délicatesse ; ils respectèrent ces hôtels, qui sont des palais ; cette église, qui est une aigrette de pierre dominant une couronne d'édifices. Le bombardement ne démolit que la citadelle et ne troua que les remparts, dont on voit encore les glorieuses cicatrices. Les bastions s'affaissent, il est vrai, sous les créneaux ébréchés, sous les voûtes ouvertes ; les mâchicoulis tombent pierre à pierre dans les fossés comblés ; mais la partie essentielle de la ville, la partie qui appartient à l'art et à l'histoire, est demeurée intacte.
EGLISE ET PALAIS CARLOS V FONTARRABIE GIPUZKOA D'ANTAN
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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