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samedi 12 avril 2025

L'ILLETTRISME AU PAYS BASQUE EN 1936 (troisième et dernière partie)

 

L'ILLETTRISME AU PAYS BASQUE EN 1936.


Dans les années 1930, un illettrisme important est constaté chez les jeunes Basques lorsqu'ils effectuent leur service militaire.




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CASERNE HUSSARDS 65 TARBES



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, le 24 août 

1936 :



"La plaie des illettrés.



Nous avons donné sous ce titre, dans notre numéro du 20 août, le début d'une intéressante étude que M. J. Lahargue, inspecteur primaire, a publiée dans le Bulletin de la "Société bigourdane d'entr'aide pédagogique".


Voici la fin de cette enquête dont on ne saurait contester le caractère utilitaire à une époque où la prolongation de la scolarité dans l'enseignement primaire promet des résultats féconds :



Nous allons comprendre à présent pourquoi le Pays Basque est si frappé d'analphabétisme. C'est qu'il réunit à un degré élevé ces trois causes de non fréquentation : la population en est pauvre, dispersée en fermes isolées au creux des vallonnements ou au flanc des pentes boisées que parcourent de mauvais chemins ; enfin les moeurs patriarcales y entretiennent la tradition de la famille nombreuse, au reste en partie vouée à l'émigration. Qu'on ajoute à cela la fidélité à une langue maternelle qui n'a rien de commun avec celle de l'école et souvent, la méfiance systématiquement entretenue contre l'école publique, et l'on ne s'étonnera plus de constater que ce qui fuit le charme de ce vieux pays a pour rançon l'ignorance d'une trop grande partie de ses enfants.



De même, si les Landes suivent — d'assez loin d'ailleurs — le Pays Basque ans le triste palmarès de l'analphabétisme, cela est dû sans doute à l'isolement des habitations éparpillées dans la forêt. Il en est de même dans toute une partie du département de la Gironde.



En montagne, quoi qu'on en pense parfois, les habitations éparpillées dans la forêt sont relativement faibles, la fréquentation meilleure : cela explique le classement si favorable du département des Hautes-Pyrénées.



L'enquête faite auprès des militaires demi-illettrés complète et confirme les renseignements relatifs aux illettrés.



Les causes de la non fréquentation sont celles que nous avons déjà relevées : emploi aux travaux des champs ou placement comme domestiques ou apprentis. La proportion des familles nombreuses reste considérable.



Par contre, un motif d'absentéisme plus rarement invoqué est la distance de l'école : quelques-uns signalent encore entre l'école et leur maison, des distances allant jusqu'à 5, 7 kilomètres. Mais, en général, la scolarité paraît avoir été moins lourdement handicapée par les distances, et c'est ce qui expliqua sans doute que dans l'ensemble les demi-illettrés avaient fréquenté l'école dès 6 ans, sinon avant. 



Ainsi, les causes de la non fréquentation, donc de l'ignorance, sont les mêmes chez les demi-illettrés que chez les illettrés.



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ILLETTRISME A LA CASERNE


Toutefois cette analyse ne nous paraît pas suffisante, et ce grand nombre de demi-illettrés pose à nos yeux un problème autre que celui de la seule fréquentation.



Car enfin, quelle qu'ait été l'insuffisance de leur assiduité, la plupart de ces jeunes gens ont reçu les leçons de l'école pendant 4, 5, 6 ans. La plupart sont partis ayant un bagage non négligeable. Il s'en trouve dans le nombre qui ont suivi la classe du certificat d'études, qui ont même affronté l'examen, sans succès il est vrai.



D'autre part, les questions posées à l'examen des recrues sont simples, et, on s'en doute, les réponses corrigées avec nulle rigueur. Il y a donc dans l'acquis scolaire un déchet considérable manifesté par une chute de niveau.



C'est cette régression, sinon dans le domaine de l'intelligence, du moins dans celui de la connaissance, qui nous paraît digne de remarque.



Elle est curieusement confirmée, quand on examine d'un peu plus près la catégorie des illettrés complets. Et c'est ici que se place la réserve que nous avons faite plus haut sur cette expression équivoque. Il se trouve en effet que certains de ces jeunes gens, qui n'ont pas su écrire sous la dictée et qui mis en présence d'un texte simple n'ont pas su le lire, se révèlent rapidement moins ignorants qu'on pouvait le croire : la plupart, jadis, ont su lire, ont su écrire, ont même su calculer, faire deux ou trois opérations. Ils sont capables de rapidement réapprendre, ils réapprennent en effet.



Ainsi donc, voici un autre fait acquis : si des jeunes gens paraissent, à 20 ans, aussi mal pourvu des connaissances nécessaires et mêmes des techniques primordiales, il n'en faut pas conclure que l'école les avait laissés à ce point ignorants ; l'école leur a enseigné ce qu'elle pouvait leur apprendre dans les mauvaises conditions de fréquentation où ils se sont trouvés et qu'elle a dû subir. Leur savoir, incomplet le plus souvent, parfois cependant honorable, a subi la déperdition inévitable de tout savoir qui n'est ni entretenu ni utilisé.



N'en soyons pas surpris ; nous avons connu des titulaires du certificat d'études qui, à 20 ans, ne savaient plus faire la division. Si l'examen des recrues s'étendait à cette catégorie de diplômés, même à d'autres, nous aurions bien d'autres surprises.



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CERTIFICAT D'ETUDES PRIMAIRES


Cet examen est une sorte de test, bien primitif d'ailleurs, qui permet de vérifier le caractère fugitif des notions scolaires, l'insuffisance de leur fixation, le déplorable effet de la jachère intellectuelle où la plupart des élèves sont plongés depuis la fin de leur scolarité. Avec une inéluctable rigueur, cet examen conduit à poser la question du lendemain de l'école.



Car, bien entendu, les cours faits aux illettrés et aux demi-illettrés ne sont qu'un bien insuffisant remède.



Ajoutons tout de suite qu'ils ne sont pas un remède absolument inefficace. Que les exigences de l'instruction militaire se concilient malaisément avec une assiduité parfaite aux séances, que toutes les précautions ne soient peut-être pas prises pour que les séances ne soient pas considérées comme des corvées supplémentaires, la bonne volonté parfois émouvante de ce jeunes gens, l'expérience des maîtres viennent à faire merveille. Le progrès en lecture, écriture, calcul, sont très réels. "Des résultats fort encourageants, déclarent les maîtres chargés de deux classes d'illettrés complets, ont été constatés parmi les élèves qui font preuve de bonne volonté, les deux tiers environ de l'effectif quittent le cours sachant lire et écrire convenablement."



Ces résultats suffisent à justifier les dépenses faites, mais pourquoi le sont-elles si tardivement ?"



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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