Sous ce titre, nous trouvons dans le bulletin de la Société bigourdane d'entr'aide pédagogique, avec la signature de M. J. Lahargue, le distingué inspecteur primaire, une très intéressante étude sur l'instruction des recrues.
Au lendemain du dépôt par le gouvernement du projet de loi sur la prolongation de la scolarité, cette enquête revêt un caractère de particulière actualité.
Nous en extrayons les passages suivants :
... "Cependant les faits sont là. Les illettrés moins nombreux sans doute, le sont encore beaucoup trop que les adversaires du régime en prennent prétexte pour crier à la faillite de nos institutions scolaires, c'est leur jeu : leurs exagérations ne doivent point nous empêcher de regarder le mal en face. En démocratie, rechercher la vérité est le premier devoir."
CERTIFICAT D'ETUDES PRIMAIRES
Le mal.
Nous voulons donc simplement donner ici les résultats d'une enquête entreprise dans une ville de garnison du Sud-Ouest sur le degré d'instruction des jeunes gens au moment de leur incorporation.
Chacun sait que la "page d'écriture", chère à Courteline, est depuis 1910 non pas remplacée mais doublée par un examen qui comporte 3 épreuves écrites et, éventuellement une épreuve orale.
Tous les militaires qui n'ont pas au total la note 5 doivent suivre des cours spéciaux dits par une généralisation d'ailleurs excessive "Cours des illettrés".
Sont dispensés, non seulement des cours, mais même de l'examen, les militaires pourvus du certificat d'études ou d'un diplôme plus élevé.
Cela dit, voici les résultats d'ensemble d'une série des ces examens d'incorporation dans une garnison du Sud-Ouest qui possède deux régiments : un de cavalerie et un d'artillerie.
Nous avons pris les quatre demi-contingents d'octobre 1932 à mai 1934, au total plus de 2 500 recrues.
800 recrues seulement sur 2 588, moins du tiers, sont arrivées pourvues d'un diplôme les dispensant de l'examen, c'est-à-dire au minimum le certificat d'études primaires. Si nous tenons compte du fait qu'un certain nombre possédaient, soit le baccalauréat, soit un brevet, nous ne nous tromperons sans doute guère en disant que, parmi celles qui n'ont fréquenté que l'école primaire, à peine un quart avait obtenu le certificat d'études. La proposition paraît faible.
CERTIFICAT D'ETUDES PRIMAIRES ELEMENTAIRES
32,8% du contingent, près du tiers, subissent l'examen de façon satisfaisante, ce qui n'est pas beaucoup dire : on se doute bien que la correction n'est pas d'une extrême rigueur.
26,5% constituent la catégorie des demi-illettrés ; n'oublions pas que dans ce nombre, se trouvent ceux qui ont eu la note "zéro", c'est-à-dire ne savent pas écrire ou savent tout juste griffonner leur nom et déchiffrer plus ou moins bien un texte.
9,8% enfin, ne sachant rien, ont eu zéro souligné et forment les illettrés complets.
Ces deux dernières catégories devront suivre les cours qui leur seront faits, le soir, par des instituteurs de la ville.
Voilà donc une première constatation dans les contingents envisagés, 36,3% des jeunes gens ont une instruction soit absolument nulle, soit si médiocre qu'il leur faut à vingt ans reprendre de leurs doigts gauches les outils de l'écolier.
Recherchons l'origine géographique des recrues qui alimentent notre garnison.
La très grande majorité, les sept-huitièmes environ, viennent des 4 départements du Sud-Ouest : Gironde, Landes, Hautes et Basses-Pyrénées ; le reste, de régions diverses notamment l'Algérie. Refaisons par département le classement d'après le degré d'instruction pour la totalité de l'effectif.
Une chose frappe de suite : c'est l'étrange et presque incroyable décalage entre les chiffres des Basses-Pyrénées et ceux des autres départements.
Alors que la moyenne des illettrés complets est de 5,5 p. cent (ce qui correspond remarquablement à la moyenne générale dans l'ensemble du pays) pour les départements autres que les Basses-Pyrénées, elle s'élève ici, à 18,7, près du cinquième. Nous voyons tout de suite que ce département est responsable de la très forte proportion d'illettrés qui afflige notre statistique de garnison.
Mais là encore, une précision s'impose. Les Basses-Pyrénées comprennent deux bureaux de recrutement : Bayonne et Pau. C'est celui de Bayonne, soit le Pays Basque, qui a fourni les contingents considérés.
Remarquons enfin la constance de la proportion d'illettrés ayant une autre origine. Elle ne varie qu'entre 4,7 et 5,4. Comme si, en dehors des causes particulières qui sévissent dans le Pays Basque, l'analphabétisme avait des causes plus générales, qu'on retrouve partout, et qu'il est difficile, sinon impossible de réduire.
Il y a lieu de considérer aussi l'autre catégorie des déficients de l'instruction, les demi-illettrés. La proportion en varie peu : moins du quart (Hautes-Pyrénées) au tiers (Landes) du contingent pour les départements du Sud-Ouest ; sensiblement moindre, environ le sixième pour les "départements divers". Cette différence s'explique en partie par le fait que cette dernière partie du contingent contient un certain nombre d'engagés volontaires de devancements d'appel : ce n'est plus du "tout venant". Aussi bien trouverait-on une différence à l'avantage de la cavalerie, arme de choix, plus instruits dans l'ensemble que l'artillerie ; mais ceci importe peu à notre objet présent.
On remarquera le classement excellent dans ce tableau et dans les précédents du département des Hautes-Pyrénées, montagneux cependant et difficile. Mai ce n'est pas la première fois que l'on constate la supériorité des populations montagnardes au point de vue de l'instruction, les départements savoyards se sont souvent classés en tête à cet égard."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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