Domicile. — Fonction Publique et Révocable. — Art. 106 du Code Civil. — Preuve de l'intention de changer. — Article 104 C. Civ. — Action personnelle. — Compétence.
Le vicaire, desservant une commune, y demeurant habituellement et y payant sa contribution mobilière, a son domicile dans cette commune, si le contraire n'est pas établi par d'autres faits.
L'action contre l'antichrésiste, en restitution de l'immeuble grevé est personnelle et justiciable du Tribunal du domicile du défendeur.
Si, aux termes de l'art. 106 du Code civil, le citoyen, appelé à une fonction publique et révocable, conserve le domicile qu'il avait avant, à moins de manifestation contraire, l'article 105 fait résulter des circonstances la preuve de l'intention de changer de domicile.
Et lorsque le défendeur a résidé plus de 30 ans en dehors du domicile qu'il avait avant d'être appelé à sa fonction, et qu'il se déclare, dans des actes publics, domicilié au siège de sa dite fonction, il convient de décider que c'est là son domicile, seul attribution de juridiction dans une instance de la nature de celle dont il vient d'être parlé.
(Etchegaray c. dame Mirambeau.)
Ainsi jugé par la décision suivante, suffisamment explicative des faits de sa cause :
Le Tribunal,
Attendu que, selon acte reçu par Me Londaits, notaire à Ayherre, le 26 avril 1818, une parelle de terre en nature de terre labourable et de prairie, d'une contenance de 114 ares, située en la commune d'Isturitz, avait été grevé d'un droit d'antichrèse pour assurer le remboursement d'une somme de 1 200 francs, par la dame Jeanne D'harre, veuve Lagrenade, au profit d'Arnaud Etchegaray Bergeret.
Attendu que la dame Mirambeau, agissant en qualité d'héritière légitime de Martin Lagrenade, fils de ladite veuve Lagrenade, prétend que les intérêts et le capital de 1 200 francs prêtés en 1818 sont payés depuis un grand nombre d'années ; qu'elle demande que Jean-Baptiste, prêtre, desservant du hameau d'Arrosa, commune d'Ossès, pris comme seul et unique représentant dudit sieur Arnaud Etchegaray, son grand-père, soit condamné à lui restituer la parcelle ci-dessus décrite, appelée Ayhaberro, et, à défaut de restitution, à lui payer la somme de 4 500 francs, outre 2 000 francs, montant approximatif de l'excédent des fruits perçus en sus des intérêts et du capital prêté ;
Attendu que le défendeur soutient qu'il s'agit d'une action personnelle et mobilière et que le Tribunal de Bayonne n'est pas compétent parce que son domicile réel est à Ossès, dans le ressort du Tribunal de Saint-Palais, et non à Isturitz dans le ressort du Tribunal de Bayonne ;
En ce qui concerne la nature de l'action engagée ;
Attendu que l'abbé Etchegaray a vendu, par acte reçu par Me Barrau, notaire à Iholdy, le 5 août 1882, transcrit le 1er septembre suivant, à son frère, Aranaud Etchegaray, demeurant à Isturitz, deux parcelles, dont l'une serait la parcelle engagée en 1818 ; qu'il a été énoncé dans cet acte que les immeubles vendus lui avaient été attribués dans un acte de partage passé devant Me Saint-Germain, notaire à Mouguerre, le 15 janvier 1880, quoique la parcelle engagée paraisse lui avoir été vendue en réalité avant le partage, par son père, par acte dudit Me Saint-Germain, en date du 11 novembre 1878, transcrit le 22 septembre 1879 ; que, par 2 nouveaux actes au rapport de Me Ritou, notaire à Hasparren, le 28 janvier 1883, transcrits le 2 février suivant, aux sieurs François Gasson et François Gaillardic ;
Attendu que Jeanne D'harre, veuve Lagrenade, débitrice antichrésiste et ses héritiers n'ont jamais cessé d'être propriétaires de la parcelle engagée, au regard d'Arnaud Etchegaray, et les héritiers de celui-ci, détenteurs précaires, ont, par conséquent, vendu la chose d'autrui.
Attendu que ces aliénation, par la transcription des contrats de vente, étaient présumées connues e la veuve Mirambeau, demanderesse ; que l'action en revendication n'a pas été exercée par elle contre le possesseur ; que l'action qu'elle a formée est donc uniquement une action en paiement de la valeur, outre la restitution des fruits perçus depuis l'extinction de la dette de 1 200 fr., c'est-à-dire une action personnelle et mobilière ;
Attendu, au surplus, que l'action en restitution de l'immeuble dirigée contre l'antichrésiste, est considérée comme étant personnelle et que la demanderesse l'a reconnu expressément à l'audience ;
En ce qui concerne le point de savoir si l'abbé Jean-Baptiste Etchegaray a son domicile à Ossès (juridiction du Tribunal de Saint-Palais) ou à Isturitz (juridiction du Tribunal de Bayonne) :
Attendu que ce dernier, demandeur dans l'exception, justifie qu'il a été vicaire et desservant dans les communes de Bardos et de Lahona plusieurs années et qu'il est desservant dans la commune d'Ossès depuis 16 ans ; que ses fonctions l'obligent à demeurer habituellement dans cette commune et qu'il y paye sa contribution personnelle ; qu'à cette habitation effective, sans interruption depuis de nombreuses années, se joint l'intention d'y avoir son domicile et que cette intention a été manifestée notamment dans l'acte de vente du 1er septembre 1882 précité, où il figure avec la qualité de "prêtre desservant Saint-Martin d'Arrosa, commune d'Ossès y demeurant et domicilié" ; que ces circonstances sont suffisantes pour faire décider que le domicile de l'abbé Etchegaray est fixé à Ossès si le contraire n'est pas établi par d'autres faits ;
Attendu que, dans la sommation du 25 mai 1895, du ministère d'Inda, huissier à Saint-Palais, la demanderesse elle-même, qualifie l'abbé Etchegaray de prêtre desservant à Saint-Martin d'Arrosa, commune d'Ossès, demeurant et domicilié audit lieu ; que, dans l'exploit d'assignation du 31 juillet, du même huissier, cet officier ministériel a énoncé, lui-même qu'il avait remis la copie à la gouvernante du défendeur, "dans son domicile à Ossès" ; que la dame Mirambeau, demanderesse, appréciait donc elle-même, au moment où elle notifiait ces divers actes, que le domicile de l'abbé Etchegaray était à Ossès ;
Attendu que la dame Mirambeau, pour repousser le déclamatoire invoque l'article 106 du Code civil, qui dispose que le citoyen appelé à une fonction publique et révocable conserve le domicile qu'il avait auparavant, s'il n'a pas manifesté d'intention contraire, et soutient que l'abbé Etchegaray, simple desservant, dont les fonctions sont révocables, n'a pas manifesté d'intention contraire, puisqu'il a conservé la maison paternelle située à Isturitz et dans le ressort du tribunal de Bayonne ;
Attendu que l'art. 105 dispose que la preuve de l'intention de changer de domicile, à défaut de la déclaration formulée expressément comme il est dit dans l'art. 104, résulte des circonstances ;
Attendu que la présomption, fondée sur l'existence du domicile d'origine à Isturitz et sur la conservation, par l'abbé Etchegaray de la maison où il serait né dans cette commune, est combattue par l'ensemble des circonstances, à savoir : sa résidence à Bardos, à Lahon et à Ossès, pendant 30 ans au moins : l'énonciation dans l'acte du 5 août 1882, précité et signé de lui "qu'il était domicilié à Ossès" et énonciation figurant dans les exploits des 25 mai et 31 juillet, signifiés à la requête de la demanderesse ;
Par ces motifs,
Se déclare incompétent sur l'action formée par la dame Mirambeau contre l'abbé Etchegaray par l'exploit du 31 juillet 1895, et renvoie la cause et les parties devant les juges qui doivent en connaître ; condamne la dame Mirambeau aux dépens."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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